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en Astrologie Naturelle

Scorpion
Le rythme Scorpion

Le rythme du Soleil en Scorpion repose sur l’écart moyen entre la durée de la nuit dominante et croissante et celle du jour dominé et décroissant.

Scorpion

Scorpion : profil adapté

Scorpion

Première facette : force d’inhibition différentielle

Concentration de l’associativité automnale et retournement en fermeture sélective. Force de refus, de discrimination, de singularisation…

Lorsque la Terre en mouvement réel ou le Soleil en mouvement apparent, arrivent au point de la bande zodiacale correspondant à 0° du Scorpion, rien de spectaculaire ne se produit, seul l’écart jour/nuit s’est graduellement modifié. De minimal qu’il était au début de l’automne, il est devenu moyen. Ce type d’écart, spécifique aux Signes de la mi-saison, favorise la concentration en général, la concentration de la tendance saisonnière en particulier. Concentrer l’ouverture associative de l’automne la transforme en une sélectivité si exigeante, qu’elle aboutit à une forme particulière de fermeture que l’on désigne par la formule « inhibition différentielle ».

Là où la Balance oriente vers les points communs qui relient, le Scorpion focalise sur les différences qui séparent. Aux prédispositions conciliantes de la première, succèdent celles, réfractaires, du second. Sur fond de sensibilisation automnale aux données sociales, culturelles ou politiques, et sans se défaire du masque de la civilité, l’adapté ne se commet pas avec n’importe qui, n’adhère pas à n’importe quoi. La force de refus qui fonde la sélectivité est son premier réflexe et l’un de ses principaux atouts.

L’histoire a fait de Charles de Gaulle l’homme qui a su dire non et le natif se montre en général plus disposé à creuser des fossés qu’à jeter des ponts. « On croise si peu d’hommes qui ont la simple force de dire non », n’a cessé de déplorer Bernard-Henri Lévy, qui a fait l’éloge de la révolte et constaté que « Le monde crève d’une hypertrophie du oui ». « L’avenir appartient à ceux qui ont le veto », plaisantait Coluche. « C’est aussi par une sorte de rejet continu que je parviens à créer », a expliqué le peintre britannique Francis Bacon qui, tout en reconnaissant qu’il avait commencé à s’essayer à la peinture à partir d’une exposition de Picasso, prétendait n’apprécier qu’un dixième du travail de celui-ci. De son côté, Pablo Picasso affirmait que « … la réussite est le résultat de trouvailles refusées… », et s’était ainsi adressé à Jean Cocteau [1] : « Il y a des gens qui, comme toi, mon cher Jean, sont faits pour tout accepter, et d’autres, comme moi, faits pour tout refuser. » Picasso pensait qu’« … un vrai artiste sait qu’il ne peut pas être accepté, parce que s’il était admis, compris, approuvé, cela signifierait que son travail est devenu un lieu commun sans valeur [2] ».

Si le natif reste très sensibilisé à l’air du temps, c’est d’abord pour en détecter les dissonances qui ont échappé au grand nombre, c’est aussi pour en dénoncer les amalgames et les approximations. « Vos lecteurs sont-ils sensibles à cette nécessité de différencier l’espace culturel ? Perçoivent-ils fondamentalement ce qui distingue Madonna de Beethoven ? » s’inquiétait Bernard-Henri Lévy auprès d’un journaliste. L’adapté supporte mal les généralités que dictent les consensus en général — les modes en particulier —, et dont la platitude est telle, qu’on les retourne comme une crêpe. « Camus, constate Olivier Todd, n’a pas le goût des conformismes de rigueur. Dans presque tous ses écrits, il a exprimé une massive méfiance envers ceux qui construisent un système [3]. » « Leonardo di Caprio, lit-on au sujet de cet acteur, se sent attiré par les choses hors normes, déteste les clichés et se bat contre ses metteurs en scène—surtout James Cameron [4]—pour modifier les scènes qui lui semblent en comporter. » De ce point de vue, aucun Scorpion n’est allé aussi loin dans son domaine que Picasso : « Je veux attirer l’esprit vers une direction à laquelle il n’est pas habitué et le réveiller », avait-il déclaré à sa compagne, Françoise Gilot.

Le droit à la différence a beau être devenu un thème à la mode, le natif du Scorpion s’emploie à cultiver la sienne ainsi qu’à dénoncer ce qui gomme les reliefs et nivelle les individualités : pas question de suivre le courant, ni d’appartenir au troupeau. « Je préfère mourir comme un lion que vivre comme un mouton… », a toujours professé Alain Delon [5]. « Malgré son assurance, son ardeur à agir, sa volonté de plaire, elle a toujours été à contresens, à contre-emploi de ce qu’attendait d’elle l’imagination collective », remarque Christine Ockrent [6] à propos d’Hillary Clinton. « Une volonté inquiète de s’affirmer en se différenciant poussait François Mitterrand vers la contestation et la sédition instinctive… », a écrit Catherine Nay [7]. « Ce que je veux, a déclaré Björk [8], c’est faire une musique qui ne ressemble à aucune autre… » « Je choisis mes films avec une grande attention et une grande difficulté, a expliqué l’actrice et réalisatrice Jodie Foster. Je ne tourne pas beaucoup, les gens savent donc que s’ils vont voir un film dans lequel je joue, il sera différent des autres, qu’il fera réfléchir d’une manière ou d’une autre et ne ressemblera pas aux dix films qui sont sortis à ce moment-là. Les films différents ont de plus en plus de mal à exister face à des produits banalisés qui monopolisent à la fois l’information et les salles. »

La propension à s’intéresser au spécifique plus qu’au général, au caché derrière l’apparent, ainsi qu’à être attentif au détail qui tue et change la donne, requiert un sens de l’observation développé et un esprit critique affûté. L’adapté cherche à relier l’effet à sa véritable cause, se garde de prendre l’un pour l’autre comme le font tant de gens, et tente de trouver le rapport exact qui les unit. Dès l’âge de huit ans, Françoise Dolto avait compris que certaines « … réactions fonctionnelles plus ou moins somatiques… certains troubles physiques, étaient dus à des difficultés d’éducation [9] ». Elle avait également vite entrevu la fonction de refuge qu’a la maladie pour certaines personnes.

Le natif n’est pas un adepte du mélange des genres où tout le monde se retrouve vaguement et personne vraiment. Le verbe, que la socialisation automnale porte à manier avec facilité, devient au Scorpion un outil de haute précision. Raymond Devos a basé son comique sur les confusions de sens auxquelles prêtent les mots homonymes, autrement dit sur les différences de fond que masquent les similitudes de forme. « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », pensait Albert Camus.

La réticence devant les amalgames de toute nature amène de nombreux natifs à compartimenter leur vie. « Je n’aime pas mélanger le travail et les rapports sociaux », confirme Jodie Foster. « … Je parlais d’autre chose avec ma grand-mère et encore d’autre chose avec mon amoureux, a raconté Björk, et je ne voulais pas leur dire la même chose. C’est ainsi que la vie est intéressante : en séparant les choses. »

L’adapté ne se contente d’à-peu-près sur aucun plan. Il lui faut du singulier autant que du sur mesure. « Je ne peux pas avoir de contacts amicaux ou de camaraderie avec quelqu’un, sans approfondir ma manière de le voir, sans m’attacher à la différence qu’il représente par rapport à un autre », a confié le comédien Michel Bouquet. Être lié à un Scorpion n’est pas une mince affaire. Sans se départir de la courtoisie automnale, il ne fait ni cadeaux, ni concessions et pousse mine de rien l’autre dans ses derniers retranchements, afin de tester l’authenticité de l’échange, la réalité des affinités, la profondeur de l’engagement. « Je suis obsédé par la psyché des autres, avoue Fabrice Lucchini. Je suis la plaque sensible : extraordinairement attentif à mon interlocuteur. Attention, pas du tout dans un renvoi narcissique. C’est juste que ça me passionne de savoir si c’est du lard ou du cochon. » Dans le roman d’Alberto Moravia [10] Le Mépris — titre à lui seul évocateur de l’un des effets pervers de la rigueur Scorpion —, un détail a priori anodin incite le personnage féminin à voir son mari d’un autre œil et à ne plus l’aimer. « L’admiration, comme l’amour, aiguise mon attention, a reconnu Emmanuel Berl [11], et celle-ci a vite fait de découvrir les points noirs et les petits boutons sur les peaux les plus séduisantes. » Peu de relations résistent durablement à autant d’exigence, mais l’échec a au moins l’avantage de renvoyer notre Scorpion au sentiment de singularité dont il tire sa force et sa fierté.

L’esprit de résistance et l’individualisme ne sont pas sans rappeler ceux du Taureau, ainsi qu’à un degré moindre, la propension Bélier à se poser en s’opposant. À ceci près que les natifs des deux premiers Signes de printemps s’embarrassent peu des données collectives abstraites et subtiles auxquelles la nuit dominante et croissante sensibilise ceux de l’automne. Aussi socialisé que discriminateur, le natif du Scorpion s’intéresse à la façon dont s’articulent les rouages des instances politiques, économiques, administratives, des groupes de pression, des réseaux d’influence, des médias ou autres, et repère, avant et mieux que tout le monde, le grain de sable susceptible de gripper la machine. La dimension sociopolitique est omniprésente dans les films des cinéastes du Signe — Luchino Visconti, Francesco Rosi, Martin Scorsese, pour n’en citer que quelques-uns [12]. Manifestant un grand intérêt pour le dessous des cartes, ils se sont penchés, chacun à leur façon, sur l’individu ou le petit groupe d’individus susceptibles sinon de ruiner, du moins d’ébranler un système donné. Probablement n’est-ce pas tant la corruption en elle-même qui aura d’abord fasciné ces cinéastes, que le petit défaut de fabrication ou de fonctionnement, la brèche invisible, grâce auxquels des agents indésirables ont pu s’introduire dans un organisme a priori sain, pour le parasiter et le détruire.

Comme tous les natifs des Signes du centre de la saison, celui du Scorpion est doté d’un pouvoir de concentration que sa force de refus ne fait qu’accentuer. Aussi exclusif que tenace, c’est un passionné qui suit son idée sans se laisser influencer par ceux qui ne pensent pas comme lui, sans non plus céder au découragement en cas d’échec. L’adapté est fait pour les spécialisations étroites qui excluent l’amateurisme, le laisser-aller, l’incompétence, autant d’attitudes qu’il lui arrive de fustiger durement. « Sans concentration on ne devient jamais une star : tout au plus une étoile filante », a décrété Alain Delon dont un technicien de cinéma pense qu’il est « … un professionnel qui ne commet pratiquement jamais d’erreurs et a du mal à admettre celles des autres ». « Hillary n’a jamais parlé à personne de ses problèmes de couple, confiait à Christine Ockrent, la directrice du bureau de presse d’Hillary Clinton au temps où celle-ci était la First Lady des États-Unis. On dit un peu vite qu’elle parvient à compartimenter ses émotions et ses problèmes… Je préfère parler de focus : elle a une capacité de concentration exceptionnelle. » « Avec une volonté acharnée, il écrivait, lisait en vue de faire avancer son travail, ne s’accordait pas un instant de répit. Je crois qu’il est mort sans connaître le sens du mot vacances, pour lui resté lettre morte », a écrit Alain Malraux à propos de son oncle et père adoptif, André Malraux [13]. Citons à nouveau Françoise Gilot, l’une des compagnes de Pablo Picasso : « Une des qualités que j’avais le plus admirées en lui, était l’extraordinaire pouvoir de concentration qu’il mettait au service de son énergie créatrice… Il se consacrait entièrement à la création et se désintéressait absolument du train-train de chaque jour. Il en avait fait une règle de conduite. Il m’avait dit une fois : “Chaque être possède la même somme d’énergie. La personne moyenne gaspille la sienne de mille manières. Moi, je canalise toutes mes forces dans une seule direction : la peinture, et je lui sacrifie le reste—vous et tout le monde, moi inclus [14] ”. »

Scorpion

Deuxième facette : vitesse d’inhibition

Croissance du processus dominant : vitesse. Nuit : inhibition. Croissance de la nuit dominante : vitesse d’inhibition. Rapidité à se rétracter opportunément en fonction tant des refus que de l’objectif.

Le caractère réfractaire et sélectif de la première facette bénéficie de la « vitesse d’inhibition » automnale en rapport avec la croissance de la nuit dominante. Comparativement à celle de la Balance, la rétraction Scorpion est plus offensive que conciliante. Quand le natif du milieu de l’automne se tait tout en n’en pensant pas moins, ce n’est pas pour arrondir les angles, mais pour mettre à profit les failles qu’il détecte aussi vite qu’il les évalue. Malin, rusé, il ne dit et ne montre que ce qu’il juge bon. Roi du mensonge stratégique par omission, il connaît et utilise la force du silence, au mieux des intérêts qui commandent parfois de brouiller les cartes. C’est un joueur d’échecs.

L’adapté n’a pas seulement le culte de la différence, il a aussi celui du secret et avance masqué sans relâcher sa vigilance, sans perdre non plus son objectif de vue. Aussi rapide dans l’esquive que dans l’attaque — « Ainsi, il attaquait, sachant bien que c’est la meilleure façon de se défendre », trouve-t-on sous la plume de Moravia —, hautement conscient qu’avant l’heure, c’est pas l’heure, il a l’instinct du chasseur qui ne se trompe pas de cible et ne la rate pas souvent non plus, dans la mesure où la patience dont il use pour attendre le moment propice, n’a d’égale que sa présence d’esprit pour le détecter et le saisir au vol. Il agit rarement à contretemps. « François Mitterrand, a écrit la journaliste Catherine Nay, décoche ses flèches dès l’instant où le ministère lui paraît vulnérable… » « En art comme en politique, le timing est capital », avait insisté Bob Kennedy auprès du réalisateur canadien Norman Jewison.

La précision Scorpion du verbe évoque celle de la Vierge, mais en diffère dans la mesure où la vivacité et la mobilité défensives de cette deuxième facette excluent l’aspect fragmentaire et répétitif dont souffre l’expression virginienne et valent des reparties dont l’adéquation instantanée au contexte décuple l’effet recherché. L’adapté n’a pas seulement le sens du mot juste, il sait à quel instant il doit l’utiliser pour frapper. « Il parle très vite, très bien, a reconnu le critique d’art et écrivain Maurice Sachs, natif de la Vierge, à propos d’André Malraux, a l’air de tout savoir, éblouit à coup sûr et vous laisse sous l’impression d’avoir rencontré l’homme le plus intelligent du siècle [15]. » Né sous le Signe lent et monolithique du Capricorne, Pierre Mendès France s’avouait « fasciné par la facilité avec laquelle François Mitterrand improvisait ses discours. Quand, lui devait s’échiner sur une page blanche, peser chaque mot et reprendre dix fois son ouvrage, François Mitterrand jonglait avec les mots et les formules [16]… »

L’addition de la force de concentration et de la rapidité défensive donne à l’adapté la capacité de gérer les situations où il est sur le fil du rasoir et n’a pas droit à l’erreur. La Balance concernait le temps qui court, le Scorpion a trait au temps qui se resserre et s’arrête, au deadline. Si Martin Scorsese a souvent montré des gangsters, c’est aussi parce qu’ils vivent dans un monde où « … il faut décider en un dixième de seconde si on va tuer ou être tué [17] ». Le natif ne craint pas et recherche même parfois ces moments cruciaux où d’une seconde à l’autre, tout peut basculer de façon irréversible, et où avoir le bon réflexe devient une question de vie ou de mort. « Dans un monde où la mort est un chasseur, il n’y a le temps ni pour le regret ni pour le doute. Il y a seulement le temps de décider… », a écrit Carlos Castaneda [18].

Scorpion

Troisième facette : sens des dosages

Le pôle nocturne croissant est majoritaire sans que disparaisse pour autant le pôle minoritaire diurne décroissant. Sens des rapports de force entre les données nocturnes de nature collective ou irrationnelle et les données diurnes de nature individuelle et rationnelle. Aptitude à les combiner.

La nuit dominante et croissante porte l’adapté du Scorpion—comme celui de la Balance et du Sagittaire—à manier avec aisance les codes, règles, usages qui régissent la vie sociale. Le rapport nuit/jour aux dépens d’un jour qui garde une durée suffisante lui permet d’évaluer ce qui dans les données extra-personnelles s’oppose ou non aux besoins individuels de différenciation, pour composer en conséquence. Au cœur du printemps basique, le Taureau avait trait au pouvoir matériel ; au cœur de l’été inquiet, le Lion concernait le pouvoir sur soi. Au cœur de l’automne associatif, le Scorpion sensibilise au pouvoir qu’exercent la collectivité, les autres ou l’autre sur soi, ainsi qu’à celui que l’on exerce sur eux, autant dire au pouvoir politique.

Pris dans sa problématique adhésion/évitement, le natif de la Balance se tient à égale distance des antagonismes complémentaires auxquels ses tendances associatives le sensibilisent. Le natif du Scorpion va plus loin. D’un côté, il trace une ligne nette de démarcation entre les forces opposées et sait parfaitement où il se situe et à quoi il n’adhère pas ; de l’autre, il repère en quoi il peut y avoir convergence d’intérêts entre certaines de ces forces, si opposées qu’elles soient, et mesure l’avantage qu’elles auraient à s’associer dans des limites et en vue de bénéfices déterminés. Comme Faust [19], il est prêt à pactiser avec le diable si l’accès au pouvoir qu’il convoite passe par là.

« Le problème avec Francis [Coppola, Bélier], c’est qu’il veut abattre le système. Mais le système est trop fort, il est capable de tout absorber, vous avec, explique Martin Scorsese. Il ne faut pas l’attaquer de front. Il faut biaiser avec lui. Le remettre en cause d’une autre manière. Faire un film pour lui et qui va vous permettre d’en faire trois pour vous… » À la différence du natif du Bélier qui ignore superbement le système ou part témérairement en guerre contre lui, celui du Scorpion en connaît les aspects incontournables, en soupèse les points forts comme les points faibles et fait les concessions indispensables à la réalisation de ses visées « Toutes les disciplines sont stupides, écrivait Albert Camus à une amie. Mais tous les jeux ont leurs règles. Si tu veux t’exprimer, suis la règle du jeu [20]. » « Travailler avec les Sugarcubes [son premier groupe], révèle Björk ce n’était qu’un apprentissage. J’observais la marche des médias, le fonctionnement des maisons de disques, je n’en perdais pas une miette… … En fait, j’adore les systèmes, les contourner, les adapter… Il faut trouver le juste milieu entre la discipline et la liberté… »

« Elle est convaincue que les règles ordinaires ne la concernent pas, tant que ses intentions sont vertueuses », a rapporté l’un de ses détracteurs au sujet d’Hillary Clinton [21]. Quand éthique il y a, elle s’attache en effet à la nature de l’objectif, plus qu’à la façon de l’atteindre. La fin justifie les moyens. Tel le Président Mitterrand utilisant les communistes pour accéder au pouvoir, l’adapté a la capacité de jouer le double jeu qu’impliquent les alliances qui, bien que contre nature, facilitent la concrétisation de ses ambitions. Il n’en oublie pas pour autant les effets pervers que génèrent les divergences de fond et veille à garder le contrôle de la situation pour qu’elle ne se retourne pas contre lui.

Le cinéma de Francesco Rosi s’est attaché à montrer que l’État se sert de la Mafia, ne serait-ce qu’à cause du pouvoir électoral que celle-ci représente, et vice versa. « Les gouvernements inventent la prohibition pour contrôler les gens, fait remarquer un mafioso dans l’un de ses films. Nous, nous donnons aux gens ce qu’ils veulent. Les gouvernements ont donc besoin de nous et nous avons besoin d’eux [22]. » Picasso s’est plu à souligner que l’antagonisme entre l’État et l’artiste créateur était paradoxalement aussi indispensable à l’un qu’à l’autre : « La société se défend, sachant cependant que sa pérennité dépend de tels hommes [les créateurs], sans lesquels elle se sclérose et meurt… … Il faut une règle même si elle est mauvaise, parce que la puissance de l’art s’affirme dans la rupture des tabous. Supprimer les obstacles, ce n’est pas la liberté, c’est la licence, c’est un affadissement qui rend tout invertébré, informe, dénué de sens, zéro. » « Mon but est de mettre les choses en mouvement, a-t-il encore expliqué, de provoquer ces mouvements par des tensions contradictoires, des forces contraires. Ainsi, j’espère capter le meilleur moment [23]. »

Loin de redouter les « tensions contradictoires », l’adapté est à l’affût de celles susceptibles de faire jaillir l’étincelle et créer le courant. Sans la perspective de la mort, la vie ne deviendrait-elle pas terriblement ennuyeuse et n’est-ce d’ailleurs pas parce que la proximité de la mort stimule l’appétit de vivre, que de nombreux natifs se rendent avec autant d’empressement aux enterrements ? Bien dosée, la haine ne relève-t-elle pas le goût de l’amour ? Et quoi de mieux pour intensifier le désir que devoir enfreindre un interdit ? Quid de l’électricité si face au pôle positif, il n’y avait un pôle négatif ? Ou de Dieu sans le diable, de Jésus sans Judas ? C’est un natif du Scorpion, Bernard-Henri Lévy, qui a tenté de réhabiliter Judas en soutenant la thèse que le « doit » de la phrase biblique, « L’un de vous doit me trahir », était en réalité un ordre auquel Judas avait eu mission d’obéir. Le christianisme n’aurait sans doute pas eu le développement qu’il a connu sans la crucifixion. « Le mal est une nécessité, c’est lui le suc nourricier du génie », assurait Luchino Visconti. « Le bien paraît une force statique, presque une force de démobilisation, et le mal une force agissante, fait remarquer le cinéaste et poète polonais Andrzej Zulawski. Dans presque tous les mythes de la création où intervient le diable, c’est lui le “trickster”, c’est lui qui va au fond de l’eau chercher la motte de terre avec laquelle Dieu, qui, au fond, n’en a pas si envie que ça, fait le monde [24]… »

Marqué par le Signe, Carlos Castaneda a développé le concept de « petit bourreau » et démontré comment l’omniprésence d’une force adverse, en obligeant à recourir aux ressources personnelles les plus enfouies, stimulait le cerveau, et accélérait l’évolution personnelle. Bien des natifs ne sont jamais aussi performants que face à un obstacle ou un ennemi à vaincre. « Son personnage, il ne le construit que devant un péril, face à un défi, ou un rival… Chaque fois l’adversaire le réveille, le stimule, le hisse au-dessus de lui-même… », observe Catherine Nay [25] à propos de François Mitterrand. Ils savent par ailleurs comment s’y prendre pour attirer l’adversaire dans leurs rangs afin d’être en mesure de le contrôler et éventuellement le réduire à néant. François Mitterrand, écrit la même journaliste, « … applique la stratégie de l’araignée. Il tisse sa toile silencieusement avec l’aide de ses amis, en attendant que les mouches viennent se prendre dans ses fils. Et il sait qu’on ne les attrape pas avec du vinaigre. »

Tout deal dont l’enjeu est important implique des risques proportionnels et ce n’est pas le moindre mérite de l’adapté d’accepter par avance de payer le prix fort autant que de le faire payer. « La mort est un passage obligé pour qui veut le pouvoir. Elle est souvent le prix à payer pour garder le pouvoir économique et politique », a froidement constaté Francesco Rosi. « On vit, on respire toujours aux dépens de quelque chose ou de quelqu’un », a souligné Zulawski dont les films ont comme thème récurrent celui de la passion qu’exacerbe une forme ou une autre de sacrifice ou de transgression. « Choisir quelqu’un, avait fait remarquer Pablo Picasso à l’une des compagnes qui se seront succédé tout au long de sa vie, Françoise Gilot, c’est toujours, dans une certaine mesure, tuer quelqu’un d’autre. (…) Tout ce qui a de la valeur—une création, une idée nouvelle—apporte en même temps sa zone d’ombre, poursuivait-il, Il faut bien l’accepter. Sinon on stagne dans l’inaction. Chaque geste a sa part de néant… »

Dans le cadre de sa vie intime, l’adapté alterne, en temps et en heure, miel et fiel, gant de velours et main de fer, Éros et Thanatos, concessions de forme et exigence de fond, dit et non-dit, présence et absence. « Il ne faut pas que nous nous voyions trop souvent, avait joliment expliqué Pablo Picasso à Françoise Gilot. Si les ailes du papillon doivent garder leur éclat, il ne faut pas y toucher. Nous ne devons pas abuser de ce qui doit éclairer nos deux vies… Si un amour doit naître, il est inscrit quelque part en même temps que sa durée et son contenu. Si l’on pouvait arriver à une intensité totale le premier jour, tout serait accompli aussitôt. S’il s’agit d’une entente qu’on désire prolonger, il faut porter une extrême attention à ce qui pourrait l’empêcher de se développer au maximum. »

La nuit automnale ne symbolise pas seulement le pouvoir étatique ou culturel avec lequel il est préférable de « biaiser », elle a également trait à l’invisible au sens large, aux forces obscures, souterraines, irrationnelles qui s’y rattachent, et que l’inconscient collectif assimile en partie aux forces du mal. La sexualité est l’une de ces forces. Contrairement à la légende, le natif du Scorpion n’est pas plus sexuel, ni sensuel [26] qu’un autre, mais il s’intéresse au sexe en tant que pouvoir, en tant qu’énergie qui transcende ou avilit, galvanise ou détruit, selon qu’on en vit la dimension triviale ou sacrée, selon aussi le degré d’adéquation — qui détermine la qualité du courant— entre les émetteurs-récepteurs d’un couple. Tandis que son sens des rapports de force incite l’adapté à considérer l’attraction sexuelle sous l’angle de l’emprise — nocturne, mystérieuse, irrationnelle — d’un être sur un autre, son esprit discriminateur le polarise sur le sexe en tant que haut lieu de mystification et de démystification.

Le Scorpion sensibilise aux aspects socio-économiques de la sexualité, au marché, comme aux marchandages [27] auxquels elle donne lieu. Le signe porte également à en percevoir la dimension universelle et à penser que sa finalité est d’attiser la compétitivité pour mieux perpétuer l’espèce — au moins dans les mondes végétal et animal. Dans son ouvrage Les Plantes : amours et civilisations végétales, le chercheur Jean-Marie Pelt [28] s’est penché sur la sexualité des végétaux et sur leurs stratégies amoureuses. Dans L’Homme imaginant, le biologiste Henri Laborit a insisté sur l’importance des déterminismes génétiques, biologiques, sémantiques et socioculturels, pour en arriver à se demander si les hiérarchies humaines et animales n’étaient pas d’abord basées sur la compétition sexuelle. « L’organisation socioéconomique des sociétés humaines paraît s’inscrire dans une grande vague profonde de sexualité qui gouvernerait l’appétit de pouvoir et de domination individuelle et de classes…, écrit-il. Si le capitaliste est guidé par le profit, même s’il en est conscient, il demeure inconscient du fait qu’en réalité ce qu’il désire c’est l’acquisition, par l’intermédiaire de la puissance sociale, de la puissance sexuelle qui ne l’a peut-être pas particulièrement favorisé ou du moins d’une plus grande facilité pour l’exprimer et pour la satisfaire [29]. »

Les Signes du centre de la saison incitent à trouver le juste milieu entre la fonction de celle-ci et leur propension à en prendre le contre-pied. Trouver la bonne dose entre associativité et exclusivisme, adhésion et rejet, conciliation et contestation, solidarité et individualisme, est un défi fait pour stimuler le caractère, en général bien trempé, de l’adapté du Scorpion. « Il est difficile d’être un homme, pensait André Malraux. Mais pas plus de le devenir en approfondissant sa communion qu’en cultivant sa différence, et la première nourrit avec autant de force au moins que la seconde ce par quoi l’homme est homme, ce par quoi il se dépasse, crée, invente ou se conçoit [30]. »

Scorpion

Scorpion : profil inadapté

Scorpion

Première facette : faiblesse d’excitation débloquante

Décroissance du jour moyen mais dominant du Lion : sursaut d’énergie positive. Décroissance du jour moyen mais dominé du Scorpion : manque de positivité, fatalisme, auto-enfermement…

Le profil inadapté auquel porte globalement le Scorpion correspond aux tendances destructrices que la légende prête au Signe. Autant, au positif, l’insecte choisi par la Tradition pour le symboliser traduit le côté incisif du caractère et l’aptitude à piquer là où il faut pour neutraliser ce qui doit l’être, autant, au négatif, il illustre la tendance à s’empoisonner soi-même avec son propre venin, comme à le cracher en permanence sur tout ce qui se présente. Au jour minoritaire et décroissant du milieu de l’automne, correspond le jour majoritaire bien que décroissant du milieu de l’été. Parce qu’ils sont l’inverse l’un de l’autre, il manque au Scorpion les atouts du Lion. En clair, là où l’adapté du Lion a le sursaut de volonté et d’énergie nécessaire pour dépasser ses limites et celles que l’extérieur lui impose, l’inadapté du Scorpion — ou l’adapté dans ses mauvais jours — se persuade de son impossibilité à faire face aux forces écrasantes du destin ou de l’univers, et tourne en rond dans le cercle vicieux de son fatalisme. À l’image du jour envahi par la nuit, il se laisse de plus en plus parasiter par de sombres ruminations et s’avère incapable de voir la lumière, a fortiori d’aller vers elle. « À quelques jours de là, je le retrouvai dans un restaurant italien de la rue de Ponthieu, raconte Alain Malraux à propos de son père. Il était dans cet état si caractéristique d’une phase violemment dépressive où la lucidité du sujet est aiguë sur tout ce qui est négatif, et absente ou aveugle quant à l’aspect positif des choses [31]… » « Aimer, a conclu amèrement Luchino Visconti, c’est se détruire soi-même et perdre la possibilité d’aimer. S’apercevoir un jour que ce qu’était l’amour, cette passion terrible, n’est plus rien, que les sentiments qui suivent l’amour sont l’indifférence et le détachement, et que rien n’existe, ni l’amour, ni l’amitié, ni les rapports humains [32]. »

Animé par un solide instinct de vie et l’ambition de faire ses preuves, l’adapté du Lion tend vers les qualités de courage, loyauté, dignité, exemplarité qui construisent le moi et le tirent vers le haut. À l’inverse, l’inadapté du Scorpion est la proie de l’instinct de mort qui tire vers le bas. Facilement cynique et porté aux idées noires, il réduit la condition humaine à une prison aussi tragique qu’absurde, sans porte de sortie autre que la mort. Les thèmes évoquant une forme ou une autre d’impasse, d’enfermement, d’enlisement, d’anéantissement, ont inspiré une majorité d’artistes du Signe. Albert Camus a écrit La Peste, La Chute, L’Étranger. Dostoïevski : Crime et Châtiment, Récits de la maison des morts, Les Possédés, Les Démons, Carnets du sous-sol… Jean-Paul Sartre était Gémeaux Ascendant Scorpion : si un titre comme Les Chemins de la liberté évoque son Signe solaire, d’autres comme Huis Clos, La Nausée, Le Mur, Les Séquestrés d’Altona, évoquent son Signe Ascendant. Henri-Georges Clouzot a tourné : Les Diaboliques, Le Salaire de la peur… Visconti, qui s’est au premier chef intéressé aux « histoires de groupes familiaux qui vont à la ruine », a réalisé : Ossessione, Les Damnés, Mort à Venise. Dans son film Shining, Stanley Kubrick [33] a montré le terrifiant huis clos d’un hôtel désert, isolé et hanté, dont il est impossible de s’échapper. Le personnage principal, interprété par Jack Nicholson, ambitionne d’être écrivain mais ne peut que taper la même phrase aberrante sur des dizaines de pages, tout en étant « possédé » par les forces du mal en provenance d’un crime passé non élucidé, qui cherche à se répéter par son intermédiaire.

Le besoin irrépressible de détruire, l’attrait tout aussi irrépressible pour les addictions qui mènent droit dans le mur, sont une manifestation de cette facette. Dans son film Fatale, titre Scorpion s’il en est, Louis Malle s’est intéressé à la situation sans issue dans laquelle s’enferme un homme qui séduit la fiancée de son fils et entretient avec elle une liaison d’autant plus passionnée que la transgression qui la fonde, la condamne, jusqu’à ce que survienne ce qui n’était que trop prévisible : la mort du fils, l’éclatement de toute la famille et, bien sûr, la fin de la liaison. Le comportement du couple démoniaque des Liaisons dangereuses [34] est une autre illustration des effets combinés des deux premières facettes de ce profil. Le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil manifestent une compulsion morbide à détourner, rabaisser, salir, dénaturer les sentiments purs, ceux des autres comme ceux qu’il leur arrive d’éprouver, jusqu’à ce que leur perversion se retourne définitivement contre eux [35].

L’inadaptation Scorpion peut aussi se comprendre comme une carence du sentiment de solidarité universelle qui fera la force de l’adapté du Signe suivant, le Sagittaire. Exacerbé, le sens de sa différence personnelle débouche sur l’incapacité à accepter celle des autres et va jusqu’au refus orgueilleux de s’abaisser à se mêler au méprisable troupeau humain. « Deux ou trois êtres forment mon univers. Tous les autres, peu ou prou, me sont étrangers », a reconnu le fier et ombrageux Alain Delon. Trop développée, l’aptitude à dire non n’est plus que l’impossibilité à dire oui, de même que l’excès de sélectivité tourne à l’intransigeance et à l’insatisfaction chronique avec humeur procédurière à la clé… On pense au serpent qui se mord la queue, à l’image du huit, chiffre du Signe, qui a la particularité d’être représenté par une boucle fermée à double tour.

Depuis qu’un de ses fans a agressé le président des USA, Jodie Foster vit dans une forteresse aux vitres et portes blindées, avec système d’alarme et service de police privée, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le fait — si l’on en croit la presse — que l’actrice et réalisatrice américaine ait mis au monde deux enfants en recourant à l’insémination artificielle après avoir, comme il se doit, soigneusement sélectionné les qualités du donneur, révèle apparemment et sous couvert de rationalité, une obsession irrationnelle du contrôle, qui revient à une fermeture à l’autre, par excès de méfiance et de difficulté à sortir de soi-même [36].

Scorpion

Deuxième facette : lenteur d’excitation inadaptée

Décroissance du jour dominant au Lion : lenteur d’excitation adaptée. Décroissance du jour dominé au Scorpion : lenteur d’excitation inadaptée. Entêtement dans la négativité et les complications.

Au Lion, la décroissance du jour dominant se traduit chez l’adapté du Signe par l’aptitude à prendre le temps et les précautions nécessaires pour gagner plus sûrement ses défis. Au Scorpion, la décroissance du jour dominé se manifeste chez l’inadapté par l’aptitude inverse à préparer avec une patiente minutie des opérations dont, vu de l’extérieur, l’échec est garanti. Il y a chez l’inadapté du Scorpion une sorte d’obstination à jouer le mauvais cheval, quand bien même celui-ci aurait perdu toutes ses courses jusque-là.

À la faculté Lion de maintenir, tout au long du combat mené, le moral des troupes autant que le sien propre, en gardant en tête les éléments positifs qui le justifient, correspond la disposition Scorpion à démordre d’autant moins d’un point de vue qu’il est catastrophiste et sans fondement véritable, y compris quand abondent les éléments d’information permettant une révision objective. Non content de s’être ridiculisé dans tous les médias francophones avec la prédiction de la chute de la station Mir sur Paris en août 1999, le grand couturier, Paco Rabanne [37], qui se dit « voyant », a persisté et signé en affirmant, après coup, s’être trompé de date mais pas de prédiction.

En cas de fiasco, loin de changer son fusil d’épaule, l’inadapté s’entête à y voir la preuve de l’incapacité des autres à apprécier sa différence, ce qui renforce d’autant sa conviction d’être dans la bonne voie et de devoir maintenir le cap. Le génie, ou à défaut le talent, ne sont-ils pas le plus souvent méconnus, le grand artiste n’est-il pas toujours maudit ? Il y a de nombreuses causes perdues, y compris sa propre cause, qui valent que l’on continue de se donner de la peine pour elles, mais la propension de l’inadapté à s’y accrocher est d’autant plus forte, qu’elle lui permet de ressasser ses rancunes contre X ou Y, tout comme de reprocher au monde entier ses propres défauts, et lui faire porter la responsabilité des maux qu’il s’inflige lui-même.

Il va de soi que le naufrage auquel sont vouées les actions mal inspirées que l’inadapté ne peut s’empêcher de mener jusqu’à leur terme, prend sa source dans l’instinct de mort de la facette précédente et le renforce.

Scorpion

Troisième facette : phase paradoxale

Inégalité entre le pôle diurne décroissant minoritaire et le pôle nocturne croissant majoritaire, qui entraîne un déséquilibre dans la perception du type de rapports dominant-dominé auquel le Signe sensibilise. Réactions paradoxales, par surévaluation de ce qui est de nature nocturne, les forces collectives ou occultes, et sous-évaluation de ce qui est de nature diurne, la clarté et la simplicité des évidences…

Au contraire de l’adapté, l’inadapté du Scorpion ne perçoit pas correctement les rapports de pouvoir auxquels il est sensibilisé. Majorant ce qui concerne les données nocturnes — tout ce que l’on ne peut ni contrôler, ni voir, ni prouver —, minorant le reste — les évidences —, il a des attitudes paradoxales, dont voici quelques exemples.

Sur fond de fatalisme, la sensibilisation aux forces occultes, par exemple, amène certains natifs à être trop à l’écoute des soi-disant signes qui en proviennent et à s’appesantir sur le danger dont ils sont censés prévenir ou témoigner, au point d’influencer leur conduite personnelle et celle d’autrui. Les uns ne vont pas plus loin que le stade de la superstition. « Martin Scorsese avait un chiffre porte-malheur, le 11. Si d’aventure en additionnant les chiffes de sa place de parking, il obtenait un 11, il la contournait. Il était hors de question pour lui de voyager le 11 du mois ou de prendre une chambre au onzième étage d’un hôtel. Il possédait une amulette en or pour détourner les esprits maléfiques et portait sur lui une enveloppe de cuir remplie de grigris [38]. » (Gageons que les attentats du 11 septembre 2001 n’ont pas dû arranger les choses !) D’autres croient et font croire qu’ils perçoivent les messages de l’au-delà, en l’occurrence toujours effrayants. Les plus malins en tirent un bénéfice personnel. Qu’elles aient été faites de bonne foi ou non, les prétendues voyances de Paco Rabanne entrent dans ce cas de figure. Natif du Scorpion, Jean-Charles de Fontbrune a paniqué la France entière avec sa nouvelle interprétation des prophéties sibyllines de Nostradamus [39] annonçant l’imminence de la fin du monde. Dans les romans de Carlos Castaneda, la profondeur, la rigueur et l’originalité du propos coexistent avec une description de la réalité bien dans la ligne de cette facette. Des phénomènes aussi anodins que le croassement d’un corbeau, le roulement d’un caillou, un coup de vent dans les broussailles, prennent valeur de présages et ne pas leur accorder l’attention requise serait lourd de conséquences… L’auteur témoigne d’un génie particulier pour parer de mystère les phénomènes les plus banals et entretenir ainsi une atmosphère aussi magique qu’inquiétante.

Dans le domaine relationnel, cette facette porte à se braquer sur des indices aussi ténus qu’une mimique, une intonation, un mot malheureux, pour soupçonner le partenaire, professionnel ou privé, de chercher à prendre le pouvoir. La projection sur l’autre de l’aspiration personnelle à le contrôler, brouille, minimise, ou occulte les messages clairs qui témoignent le plus souvent d’une réalité différente et plus quelconque. De dynamisante qu’elle était avec l’adapté, la tension entre l’autre et soi devient d’autant plus usante avec l’inadapté, qu’elle est provoquée et entretenue par des griefs infondés. « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » semble penser le natif qui actualise cette facette. Quel que soit le problème—réel ou supposé—rencontré, l’explication négative sera d’emblée favorisée aux dépens de celle plus anodine frappée au coin du bon sens.

En situation d’échec, le natif aura beau jeu d’imputer celui-ci soit à un mauvais sort jeté par quelqu’un qui lui en veut ou qui l’envie, soit à des machinations menées contre sa petite mais néanmoins dangereuse personne, par les puissants intérêts collectifs qu’elle menace. Bernard-Henri Lévy et Alain Delon ont laissé entendre que l’unanime levée de boucliers contre le film Le Jour et la nuit, qu’ils avaient tourné ensemble, était due à la personnalité dérangeante de l’un comme de l’autre, sans songer à mettre en cause la qualité de la réalisation. S’agissait-il d’une réelle conviction ou n’était-ce qu’une façon habile de ne pas perdre la face ? Quoi qu’il en soit, nombreux sont les natifs enclins à justifier leurs problèmes par des raisons qui n’en sont pas — des raisons aussi invérifiables, qu’irrationnelles —, spécialement si elles entretiennent la réputation sulfureuse dont ils tirent une paradoxale fierté.

Quelques natifs vont plus loin que d’autres dans leur intérêt pour les forces occultes en rapport avec la symbolique nocturne. Poissons Ascendant Scorpion, Kenneth Anger, un réalisateur américain underground qui a compté Martin Scorsese parmi ses fans, a d’abord été le disciple d’un magicien sataniste. Les titres de ses films — Scorpio’s rising, Invocation of my Demon Brother, Lucifer’s rising [40] — parlent d’eux-mêmes. À une certaine époque, Kenneth Anger se targuait d’être à même de détecter la présence comme les agissements des mauvais esprits et imputait par ailleurs les persécutions qu’il subissait de la part de l’administration fiscale américaine dont il était débiteur, à l’animosité personnelle de Nancy Reagan contre lui !

L’inadapté se croit trop facilement investi de pouvoirs particuliers ou d’une lucidité supérieure, qui lui feraient voir mieux que quiconque le ver qui pourrit le fruit, l’impasse à laquelle mène la voie libre, le piège que recèle l’invite, le démon que cache l’ange, l’intention inavouable qui sous-tend une conduite normale… Ses prétendues antennes sont cependant d’autant moins infaillibles, qu’elles captent des signaux qui n’ont pas le poids qu’il leur prête. Au contraire de l’adapté, il ne maîtrise pas la peur et l’utilise sans voir à quel point il en est lui-même le jouet. Toute une catégorie de natifs se complaisent ainsi à jouer les Cassandre pour mieux croupir dans leur marasme, en se félicitant d’avoir percé à jour ce qui se tramait dans l’ombre et réussi à déjouer les soi-disant traquenards mis en travers de leur route.

Cet article vous a été proposé par Françoise Hardy

[1] Avec une conjonction Soleil-Mars en Cancer et trois planètes en Gémeaux, Jean Cocteau était né sous une nette dominante solsticiale qui porte à embrasser beaucoup de choses en même temps.

[2] Françoise Gilot, Ma vie avec Picasso, Calmann-Lévy.

[3] Olivier Todd, Albert Camus. Une vie, Gallimard.

[4] Né sous le Signe du Lion qui peut porter à être réducteur et aimer les gros effets, le réalisateur canadien James Cameron a, entre autres films, réalisé Titanic, qui a obtenu un succès planétaire.

[5] Alain Delon : Soleil en Scorpion, Lune en Bélier. Les planètes qui font les instinctifs épidermiques et sentimentaux dominent son ciel natal.

[6] Christine Ockrent, La Double Vie d’Hillary Clinton, Robert Laffont. La journaliste politique Christine Ockrent est Taureau Ascendant Scorpion.

[7] Catherine Nay, Les Sept Mitterrand, Grasset.

[8] Björk : non seulement le Soleil, mais aussi quatre planètes en Scorpion.

[9] Interview de Pierre Boncennne pour Écrire, lire et en parler, de Bernard Pivot, Robert Laffont.

[10] Moravia était Sagittaire Ascendant Scorpion. Il n’est pas interdit d’imaginer que Le Mépris traduise le conflit intérieur éventuel de son auteur entre les tendances à la conciliation, voire aux concessions quelque peu compromettantes du Sagittaire et celles à l’intransigeance, voire à l’implacabilité du Scorpion.

[11] Emmanuel Berl, écrivain, philosophe, humaniste : Lune angulaire et Uranus en Scorpion.

[12] Roberto Rossellini est né sous un Soleil qui culminait en Taureau face à la Lune angulaire en Scorpion.

[13] Alain Malraux, Les Marronniers de Boulogne, Plon.

[14] Dans le ciel natal de Picasso, trois Signes sur quatre du centre de la saison étaient occupés : une telle dominante favorise dans tous les cas, quel que soit le niveau individuel, la volonté et la concentration.

[15] Jean Lacouture, Malraux, Le Seuil.

[16] Catherine Nay, Le Noir et le Rouge, Grasset. C. Nay : Soleil en Capricorne et Lune dominante en Scorpion.

[17] Martin Scorsese, Mes plaisirs de cinéphile, Petite Bibliothèque des Cahiers du cinéma.

[18] Carlos Castaneda, auteur, entre autres, de L’Herbe du diable et la petite fumée, Les Enseignements d’un sorcier yaqui, Histoires de pouvoir : Soleil en Capricorne, conjonction Saturne-Mars valorisée en Scorpion, Ascendant Taureau.

[19] Goethe était Vierge ascendant Scorpion et sa planète la plus forte, Saturne se levait dans ce Signe.

[20] Olivier Todd, Albert Camus. Une vie, Gallimard.

[21] Cité par Christine Ockrent dans La Double Vie d’Hillary Clinton, Robert Laffont.

[22] Interview de Francesco Rosi par Michel Ciment.

[23] Françoise Gilot, Ma vie avec Picasso, Calmann-Lévy.

[24] Interview accordée à l’auteur en 1981.

[25] Catherine Nay, Le Noir et le Rouge, Grasset.

[26] Sur le plan strictement astrologique, c’est la valorisation du groupe Vénus-Mars-Neptune qui favorise la sensualité, à condition que les premiers rapports affectifs et l’éducation n’aient pas figé ou dénaturé cette prédisposition.

[27] On note une fréquence au-dessus de la moyenne de l’occupation du Signe du Scorpion chez ceux qui font, directement ou indirectement, commerce du sexe.

[28] Jean-Marie Pelt : Scorpion Ascendant Scorpion.

[29] Henri Laborit, Scorpion Ascendant Scorpion, L’Homme imaginant, 10/18.

[30] Préface du Temps du mépris, 1935 (Malraux a 33 ans).

[31] Alain Malraux, Les Marronniers de Boulogne, Plon.

[32] Alain Sanzio et Paul-Louis Thirard, Luchino Visconti, cinéaste, Éditions Persona.

[33] Stanley Kubrick : Soleil en Lion, Lune et probablement Ascendant en Scorpion.

[34] Choderlos de Laclos, l’auteur des Liaisons dangereuses, avait le Soleil en Balance et une quadruple conjonction Mercure-Pluton-Mars-Vénus en Scorpion.

[35] L’exemple des Liaisons dangereuses comme celui de Fatale illustrent également le jusqu’auboutisme néfaste de la deuxième facette de ce profil.

[36] Le ciel de Jodie Foster comporte une triple conjonction Lune-Uranus-Pluton en Vierge, qui renforce la tendance à l’auto-enfermement auquel prédispose le profil inadapté du Scorpion. Si les faits rapportés sont véridiques, ils renvoient aussi, bien évidemment, aux conditionnements extra-horoscopiques de l’actrice.

[37] Paco Rabanne : Verseau Ascendant Scorpion.

[38] « Easy Riders, Raging Bulls », de Peter Biskind, Le Nouvel Hollywood, le cherche midi.

[39] Michel de Nostradamus : Soleil en Capricorne et Lune en Scorpion.

[40] Pour interpréter le rôle de Lucifer, Anger avait d’abord jeté son dévolu sur un enfant de 5 ans qui eut peu après un accident mortel, puis engagé Bobby Beausoleil, un complice de Charles Manson (natif du Scorpion) qui, par la suite, allait être incarcéré pour sa participation au meurtre de Sharon Tate et de ses amis.

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