Le rythme du Soleil en Vierge repose sur l’écart minimal entre le jour dominant qui décroît et la nuit dominée qui croît.
Décroissance du jour le plus court de l’été : autoprotection beaucoup plus cérébralisée et polarisée qu’au Cancer.
Lorsque, sous nos latitudes, le Soleil arrive en Vierge, le jour reste plus long que la nuit, mais celle-ci ne va guère tarder à le mettre K.O. Là où les positions des deux autres Signes d’été étaient menacées, celles de la Vierge sont sur le point d’être anéanties. L’injonction du jour moribond est donc d’étudier correctement l’état des lieux afin de sauver les meubles qui méritent de l’être. Il n’est plus question de rêvasser comme l’autorisait le jour maximal du Cancer, ni de se lancer d’ultimes défis comme y poussait le jour moyen du Lion. La situation critique du jour minimal qui court à sa perte oblige à établir les priorités et à s’y tenir, afin d’économiser les ressources qui, comme l’énergie, s’épuisent à vue d’œil. C’est le temps des vaches maigres et la fonction d’autoprotection qui revient en force à la fin de l’été mais dont le champ d’action s’est réduit au minimum, sensibilise à l’extrême les natifs à leurs propres vulnérabilités ainsi qu’à celles de leur environnement, les obligeant à les pallier en permanence. La partie — celle du jour — étant sur le point de se perdre, il s’agit de la finir dignement en préservant jusqu’au bout les quelques cartes qui restent à disposition.
L’autoprotection cancérienne incitait à s’abriter de l’extérieur dans un espace fermé où il restait largement la place de faire confortablement tenir ensemble une grande quantité d’éléments divers. L’autoprotection virginienne revient à s’abriter de la même façon d’un extérieur dont le danger s’est beaucoup précisé, en se ménageant un espace tout aussi fermé mais bien plus rétréci, où chaque chose doit avoir son utilité, être à sa place et bénéficier de soins suffisants pour servir le plus longtemps et le mieux possible. « J’essaie de vivre simplement, dit Leonard Cohen, mais ce n’est pas une vertu, c’est mon plaisir de ne pas avoir trop de choses. Car si vous avez beaucoup de choses, vous devez vous en occuper. J’aime donc en avoir le moins possible [1]. » D’après Françoise Ducout, l’une de ses biographes, « … la maison que Greta Garbo louait à Beverly Hills était à peine meublée… sa voiture d’occasion. Ses pantalons sport, ses chaussures plates, ses manteaux vagues ne portaient pas de griffes prestigieuses. En 1927, elle gagne cinq mille dollars par semaine, mais continue à éplucher elle-même ses pommes de terre, à discuter les notes d’épicerie… » L’inclination marquée de certains Vierge pour les tâches domestiques et la gestion des choses du quotidien, est l’une des façons d’actualiser l’autoprotection ciblée du dernier Signe d’été. Maîtriser l’espace imparti prend moins de temps que cela n’en fait gagner et constitue en prime un anxiolytique bon marché. « Dans la liste des amours de maman, faire le ménage tenait la deuxième place… Elle était devenue tellement accro qu’elle ne pouvait plus lâcher son balai… », raconte comiquement Isabella Rossellini [2] à propos d’Ingrid Bergman, qu’elle a vue ranger ses archives alors qu’elle se savait condamnée à brève échéance. « Comme dans la vie, commente Isabella, sa réaction face à la mort était de tout laisser propre et en ordre. » « Je suis une véritable maniaque du ménage », a confessé Sophie Marceau [3]. « Quand je raconte que je lave mes fringues, que je dégraisse mes casseroles, que je tricote et que je vais faire mes courses moi-même, on me regarde avec de grands yeux ! » s’est étonnée Julia Roberts [4]. « Certes, Lawrence n’était pas un aristocrate, lit-on au sujet de l’auteur de L’Amant de Lady Chatterley, si l’on prend en considération le fait qu’il retirait ses chaussettes pour les repriser dans le train. » Yasser Arafat est connu, lui aussi, pour avoir reprisé ses chaussettes et recousu ses boutons lui-même, ce à quoi l’on a cherché diverses explications, moins convaincantes que l’éclairage virginien.
Aussi protecteur qu’exigeant protection, l’espace restreint du véhicule corporel constitue le premier et dernier habitacle d’un être vivant. Hautement conscient de cette évidence, le natif se montre attentif à ce que son corps ne fasse pas plus office de fourre-tout ou de poubelle que son domicile ou son environnement. Parce qu’il vaut mieux prévenir que guérir, l’hygiène est sa règle d’or. « Le seul scandale que j’ai involontairement provoqué, raconte Françoise Giroud dans Si je mens…, c’est [en 1947] avec une enquête intitulée, je crois, “La Française est-elle propre ?” [5] » En matière vestimentaire, les considérations pratiques l’emportent sur celles de la mode ou de l’esthétique, de même qu’en matière d’alimentation, ce qui est bon pour la santé prend le pas sur le reste. Ardent partisan de l’essence sans plomb et de l’agriculture sans pesticides, le natif connaît la diététique et en respecte les principes de base. L’actrice Lou Doillon a confié qu’elle n’était tentée ni par les drogues dures, ni par l’alcool. « J’ai trop d’ego pour me perdre… Je n’aime pas trop m’abîmer », a-t-elle expliqué [6]. « Je suis obligée de me priver de chocolat et de viande rouge, de manger des légumes cuits à la vapeur et d’entretenir mon corps avec des exercices… », a confié la top model Claudia Schiffer. Gageons qu’elle s’imposerait ce genre de discipline, quand bien même sa silhouette ne constituerait pas son fonds de commerce.
Tout se passe comme si l’envahissement inexorable du jour par la nuit incitait à ne pas se laisser déborder par l’inconscient et l’irrationnel que celle-ci symbolise. Moins instinctif que le Cancérien, le Virginien est un cérébral qui tient à garder la tête sur les épaules et cultive la lucidité, le réalisme, la vigilance, la mesure, afin d’exercer le maximum de contrôle sur lui-même et sur sa vie. Jeremy Irons prétend s’être toujours gardé de ces excès dont il donne une représentation si convaincante à l’écran. « Je contrôle tout… J’aime diriger, créer, avoir l’œil sur tout… Je suis très réaliste, je pense à mon avenir et j’investis dans tout ce qui n’est pas risqué… », nous apprend aussi la créature de rêve des années quatre-vingt-dix, Claudia Schiffer. Au temps de sa tapageuse liaison avec Liz Hurley, née sous le Signe fantaisiste, vif et ouvert à tous les vents des Gémeaux, le comédien britannique Hugh Grant a évoqué leur complémentarité : « Liz sait me redonner confiance. Elle est toujours prête à m’encourager. Quant à moi, je l’aide à rationaliser quand elle se laisse emporter par ses élans. Car pour elle, rien n’est impossible… »
Le natif du Signe croit dur comme fer en la vertu des qualités d’ordre, de méthode, d’observation, d’analyse et de logique. Hercule Poirot, le détective d’Agatha Christie, découvre toujours l’assassin grâce aux petites cellules grises dont il vante et prouve régulièrement le pouvoir absolu. « Ma satisfaction c’est de comprendre, affirme Françoise Giroud. Il y a ce mot sublime de Sartre : “Ce que l’on comprend vous appartient.” » « Il y a des gens qui ne marchent qu’à l’instinct, remarque Frédéric Beigbeder [7]. Moi j’aime bien décortiquer, faire a posteriori de grandes analyses qui ne tiennent peut-être pas debout mais qui me rassurent. Par exemple, si j’ai un coup de foudre, je vais passer six mois à essayer de comprendre par des lectures ou autrement, pourquoi, comment il a eu lieu. La lucidité rend triste et en même temps c’est la seule forme d’intelligence qui vaille : se connaître soi-même, connaître ses limites et faire avec… »
« Curieusement, s’est étonnée Françoise Giroud, quelque chose me retient de viser plus haut que je ne suis portée. » Le sens des limites rend prudent et empêche d’avoir les yeux plus gros que le ventre. L’adapté ne se fourvoie pas et s’il préfère la tâche ingrate qu’il est sûr d’accomplir correctement à celle plus prestigieuse qui risquerait de le mener trop loin, c’est parce qu’il vit l’échec comme le signe avant-coureur de la faillite finale à laquelle le sensibilise la défaite programmée du jour. Nombre de natifs ont le sens et le goût du service qui leur offre l’encadrement sécurisant dont ils se passent difficilement, leur évite de prendre des décisions pour et à la place des autres, les déresponsabilise d’un échec global éventuel, et, surtout, convient au champ de conscience étroit qui va de pair avec l’autoprotection polarisée de la fin de l’été. Incapable de s’occuper de plusieurs choses en même temps, l’adapté s’avère l’exécutant le plus scrupuleux et le plus fiable qui soit, quand on lui confie une seule tâche, suffisamment précise et dans ses cordes. « J’aime la discipline acceptée, les horaires, les consignes, a reconnu Pauline Réage, l’auteur d’Histoire d’O. Si j’ai un ordre dans une formation, pendant la guerre par exemple, quand j’avais quelque chose à faire, que quelqu’un du réseau m’avait dit de le faire, je le faisais strictement. Rendez-vous à telle heure, j’y étais toujours [8]… »
Un champ de conscience étroit a pour conséquence un registre limité. « Je n’avais pas une gamme très étendue, a expliqué Elia Kazan à propos de son expérience d’acteur, j’étais comme un instrument pourvu de trois ou quatre notes seulement mais très fortes. (…) Je connaissais mes limites… J’ai souvent su m’arrêter à temps, j’ai un bon instinct pour ça [9]… » À tort ou à raison, les critiques ont longtemps accusé Hugh Grant de ne jouer que sur une seule note, aussi juste fût-elle. Chez l’adapté, cette particularité amène non seulement à travailler la note en question jusqu’à ce qu’elle devienne aussi parfaite que possible, mais encore à développer l’art de la concision qui, par définition, élimine les fioritures.
Beaucoup plus porté au voyeurisme discret qu’à l’exhibitionnisme tapageur, le natif n’aime guère être au centre des regards. Non seulement parce que la modestie qu’entraîne la conscience de ses limites lui fait préférer les petites gens aux grands de ce monde, la simplicité au faste, l’ombre à la lumière, mais aussi parce que son propre regard est d’une telle acuité critique, que rien ne lui échappe des forces et des faiblesses de ceux qui s’agitent et parfois se pavanent sur le devant de la scène. L’autoprotection porte à redouter toute forme d’ingérence. Regarder sans être vu est une intrusion plus redoutable qu’on ne croit et contre laquelle celui qui est regardé n’a aucun moyen de se défendre.
Le grignotage incessant du jour par la nuit prédispose également à avoir une sainte horreur des personnes sans-gêne auxquelles il suffit de donner le petit doigt pour que le bras et le reste suivent, ou qui s’empressent de divulguer et déformer les propos qu’on leur tient. Aussi le natif reste-t-il sur son quant-à-soi. « Je ne raconte pas comme ça tous mes secrets, s’est défendue la comédienne Sabine Azéma, qu’Alain Resnais, devenu par la suite son compagnon, avait eu envie d’engager après l’avoir vue rougir à l’écran. Je trouve ça bien les secrets, les mystères. Il faut se confier avec parcimonie. Je suis pudique. Ça peut me faire du mal de trop me confier. » Et son exubérante amie Jane Birkin, née sous une dominante Sagittaire-Gémeaux d’ouverture tous azimuts, de confirmer : « En fait, je ne connais rien d’elle, alors qu’elle connaît tout de moi. On est à peu près le contraire en tout [10]. » Les qualités de pudeur, de retenue, de réserve, de discrétion vont plus loin qu’au Cancer, dans la mesure où la perception virginienne des autres est la plus objective et la plus pointue de l’été.
Si la Tradition symbolise le Signe par le terme de « Vierge », c’est sans doute pour suggérer que l’ouverture à l’autre y est la plus sélective du zodiaque et que toute irruption intempestive, tout forçage relationnel sont plus ou moins ressentis comme un viol. L’attitude vis-à-vis de l’amour reste aussi circonspecte et cérébrale que vis-à-vis de toute autre forme d’engagement. « J’ai toujours ressenti le besoin de garder le contrôle », confirme Jeremy Irons… Je me vois tout abandonner et tout détruire brutalement pour quelqu’un qui m’attirerait et finirait par me rejeter. Ça me glace. » « Précipiter l’âme entière en un seul geste d’amour, a écrit D. H. Lawrence, est un suicide, tout autant que se jeter d’un clocher d’église ou d’un sommet de montagne. Un homme peut se donner tant qu’il veut en amour : il ne doit jamais se perdre… Après cela, il lui devint essentiel de sentir que la sentinelle montait la garde dans son cœur… Endormi ou éveillé, au milieu de la plus profonde passion ou de l’amour le plus soudain, dans les angoisses de la plus vive agitation ou du trouble le plus vif, quelque part, quelque coin de lui-même restait conscient de ce fait que la sentinelle du cœur ne doit pas s’endormir : non jamais, pas un seul instant… »
Décroissance du processus dominant : lenteur. Jour : excitation. Décroissance du jour dominant : lenteur d’excitation. Action réfléchie, ciblée, prudente.
La décroissance du jour dominant qui caractérise l’été va de pair avec la « lenteur d’excitation » consistant à avoir besoin de temps pour s’ouvrir, répondre à une question ou une invite, accepter une proposition, se lancer dans une action et la mener à bien. La façon de prendre son temps varie toutefois, selon que prévaut le rythme du début, du milieu ou de la fin de l’été. Le Cancérien peut se permettre d’en perdre, le Léonin s’accorde celui nécessaire à sa réussite finale dont il ne doute pas, tandis qu’avec l’épée de Damoclès de la mort imminente du jour au-dessus de sa tête, le Virginien vit une situation plus stressante. La lenteur estivale se complique à la fois du spectre de l’échec et d’un sentiment d’urgence. « Il y a chez moi un côté très laborieux, a confié le musicien Jean-Michel Jarre. Tout ce que je fais doit être préparé, réfléchi, et, en même temps, il y a le désir d’aller vite. Il y a donc une contradiction entre la nécessité intérieure de toucher rapidement au but, quel qu’il soit, et le perfectionnisme, la volonté d’améliorer le plus possible les choses en les retravaillant sans cesse. »
Parce que sa lenteur, d’une part, exacerbe son sentiment que le temps est compté, d’autre part, l’oblige à effectuer de nombreux brouillons avant d’aboutir à un résultat qu’il estime passable, le natif redoute les imprévus dérangeants. Aussi prend-il toutes les précautions imaginables pour s’en préserver, telles que le passage au peigne fin des inconvénients liés à un projet, l’élimination méthodique des à-côtés et l’établissement d’un planning rigoureux. Rien n’est laissé au hasard. Il faut assurer ses arrières et se donner les meilleures chances, les meilleures garanties de parvenir sans encombre à destination, quand bien même le perfectionnisme à tous crins et l’étroitesse du registre feront douter jusqu’au bout d’être à la hauteur. « C’est un “plus” magnifique que de savoir où l’on va, pense Sean Connery [11] — notamment pour tirer le meilleur parti du film, pour utiliser au maximum son potentiel… » « J’ai fait beaucoup de recherches, j’ai lu énormément, a révélé Keanu Reeves à propos de sa préparation au rôle de Little Buddha dans le film de Bernardo Bertolucci. Énormément : j’ai étudié les Quatre Nobles Vérités, j’ai fait du yoga, j’ai rencontré des religieux et, par la suite, j’ai médité. » « Il y a des comédiens qui savent improviser, remarque Sabine Azéma, mais je ne suis pas assez douée pour ça. Je respecte énormément le texte qu’on me donne. Si je signe, je dis oui à tout et ne veux pas intervenir. Je fais entièrement confiance au metteur en scène et je travaille mon rôle au maximum. » « Je répète tellement que je n’arrive plus à être spontané, a déploré le séduisant comédien anglais Hugh Grant. Grave erreur, car la clé c’est la fraîcheur [12]. »
Si le Virginien ne badine pas avec ce qui relève de sa compétence, c’est aussi parce que le travail bien fait justifie et compense sa difficulté à le faire. Son implication et son application sont telles, qu’il vérifie, corrige, fignole ou refait, autant et parfois plus que nécessaire, un travail dont les défauts lui sautent plus facilement aux yeux que les qualités. « Après chaque scène de tournage, même et surtout lorsque le metteur en scène était satisfait, raconte un biographe au sujet d’Ingrid Bergman, elle pensait pouvoir faire mieux, au point qu’on lui avait donné le surnom de “better later” [13]. » Aussi exigeant que le natif du Lion, celui de la Vierge, qui a un ego moins fort, aspire à une efficacité plus discrète que spectaculaire et s’attache au petit détail que personne ne remarque et qui s’avère essentiel pourtant. Ce n’est pas l’exploit ni la réussite extérieure qui l’intéressent, mais le travail bien fait derrière lequel il ne demande qu’à s’effacer.
Citons à nouveau le chanteur et poète canadien Leonard Cohen, qui se dit inquiet en permanence et dont l’anecdote suivante illustre comiquement la lenteur d’excitation du Signe : « J’ai réécrit mon premier roman The Favourite Game, quatre ou cinq fois, nous apprend-il. Il y a quelques années, raconte-t-il par ailleurs, j’ai assisté à un concert de Dylan à Paris, après lequel nous avons pris un café ensemble. Il a mentionné une de mes chansons qu’il jouait sur scène, Hallelujah. Il m’a demandé : “Combien de temps t’a-t-il fallu pour l’écrire ? — Eh bien… Je ne sais pas… Deux ans peut-être, au moins.” Je lui ai ensuite parlé d’un de ses morceaux, de Slow train coming, I and I. “Et toi, pour celle-là, combien de temps ?” Il m’a répondu : “Quinze minutes.” » « Ce qui est réussi est souvent simple, mais je n’ai pas trouvé de moyen simple pour faire les choses, confie encore cet artiste zen. Et le fait que ça prenne beaucoup de temps ne signifie pas que ce soit moins urgent. C’est urgent : c’est urgent en permanence. C’est pourquoi cette situation est impossible [14]. »
L’écart entre le jour dominant qui décroît et la nuit dominée qui croît est minimal et se réduit encore : sens des contraires et choc des contraires… Un contraire menace toujours l’autre. Nécessité de se méfier de la partie adverse. Après le beau temps, la pluie…
La Vierge est le deuxième des quatre Signes d’équinoxe caractérisés par un écart minimal entre les durées du jour et de la nuit, autrement dit par un pôle dominant — diurne ou nocturne — sensiblement égal à l’autre. La personne marquée par un ou par plusieurs de ces Signes a le sens des contraires. Au Bélier, où l’écart se creuse entre le jour qui vient de l’emporter et la nuit qui vient de capituler, tout se passe comme si un contraire chassait l’autre — comme si, par exemple, le bien chassait le mal —, sans que cela sème un trouble quelconque. En Vierge, loin de se creuser, l’écart se réduit au point que le jour dominant talonné par la nuit dominée va devoir, incessamment sous peu, lui céder la place. Le sens des contraires y est donc plus subtil, plus complexe et surtout plus anxiogène qu’au Bélier, au point que l’astrologie moderne parle de « choc des contraires ». Le jour court en quelque sorte à la rencontre de la nuit, comme l’individu court à celle de sa mort. Un contraire doit compter avec l’autre tout en s’en préservant ; le bien doit compter avec le mal et s’en défendre, il n’y a pas de bien sans mal, de jour sans nuit, d’été sans automne… Quoi qu’on fasse, quoi qu’il arrive, le ver est dans le fruit. « On ne peut pas recevoir une chose sans que vous soit donné aussi son contraire, a fait remarquer Pauline Réage à Régine Deforges. Tout est toujours double : bonheur, blessure, il y a toujours les deux. Quelquefois parallèles, quelquefois alternés… …Ce qui est précieux, se paie toujours très cher, quoi qu’il arrive [15]… »
Dans son rapport à l’autre, le natif est aussi attentif aux incompatibilités et aux problèmes qui y sont inhérents, qu’aux complémentarités, les premières étant perçues comme le revers inévitable des secondes. De même que la conscience de ses propres points faibles rend plus flagrants les points forts de l’autre, de même l’observation des carences de l’autre l’aide à évaluer ses propres atouts. L’emboîtage entre points forts et points faibles respectifs ne doit lui paraître ni trop aléatoire, ni trop douteux, pour que le Virginien se lance dans une association quelconque. Mais même quand le pour l’emporte sur le contre, il ne relâche pas sa vigilance afin d’éviter les heurts qui risquent de faire voler en éclats le précaire équilibre trouvé. « … Sois sur tes gardes, de crainte que quelque malheur ne t’arrive, recommandait D. H. Lawrence, exposant à son insu la problématique virginienne. Nul homme n’est volé qui n’a pas appelé le voleur. Nul homme n’est assassiné qui n’a pas attiré l’assassin… » D’une façon générale, le natif est un puriste qui pense que se mêler inconsidérément au tout-venant est presque toujours une perte de temps ; il trie ses relations sur le volet, sans exclure que l’allié d’aujourd’hui puisse être l’ennemi de demain.
Parce qu’il ne dissocie pas une situation ou un état a priori positifs de l’inverse, le Virginien n’oublie jamais que ce qui prime maintenant peut être balayé dans la minute qui suit et le sera, de toute façon, plus tôt que tard, puisque la roue tourne et que la stopper relève du fantasme. Si réussite il y a, il ne peut s’empêcher de la relativiser en anticipant l’échec à venir. Un tel état d’esprit ne favorise guère la sérénité mais préserve de la désinvolture et de la grosse tête. « J’ai tendance, dès que quelque chose de positif m’arrive, révèle Frédéric Beigbeder, à imaginer immédiatement le négatif pour ne pas tomber de haut. »
La sensibilisation à la fragilité de tout pouvoir en place, qu’inspire l’imminente capitulation du jour, constitue un motif supplémentaire pour que le natif soit plus à l’aise lorsqu’il sert que lorsqu’il règne. Il arrive parfois qu’un talent particulier propulse, presque malgré eux, certains Virginiens sous le feu des projecteurs, ou que la qualité de leurs prestations les fasse accéder à un échelon élevé de la hiérarchie. Avoir d’autant plus de pouvoir ou de notoriété qu’on ne les brigue guère, est une ambiguïté que favorise le rapport jour/nuit particulier de cette fin de saison. En disparaissant volontairement de la scène publique, Greta Garbo cherchait à se faire oublier. C’est exactement l’inverse qui s’est produit : cette disparition a augmenté la curiosité générale à son égard et contribué à pérenniser sa légende.
L’adapté de la Vierge est sélectif à bon escient. Il pèse soigneusement le pour et le contre avant de décider de ce qui est nécessaire, sûr, raisonnable, faisable, important, et de ce qui ne l’est pas. Sa troisième facette lui permet d’exercer avec bonheur l’art aussi périlleux que délicat de marcher sans perdre l’équilibre sur le fil ténu qui sépare la conscience de l’inconscience, l’ordre de la confusion, l’objectif du subjectif, l’utile du futile, le possible de l’impossible… Moyennant quoi, il ne va pas inconsidérément au-delà de ses limites et ne reste pas pour autant en deçà. Ainsi que le recommande un guide spirituel marqué par le Signe, il sait « choisir les expériences qui conviennent à sa nature du moment : ni trop fortes, ni trop faibles [16] ».
Nuit croissante et dominante de la Balance : associativité. Nuit croissante et dominée de la Vierge : carence de la fonction associative. Isolement plus raisonné et mieux argumenté qu’au Cancer.
À la croissance de la nuit dominée de la Vierge, correspond celle de la nuit dominante de la Balance. Ces deux Signes étant l’inverse l’un de l’autre, l’inadaptation à laquelle porte le premier repose sur la carence des qualités associatives que favorise le second. Là où la Vierge sensibilise aux besoins strictement individuels — gîte, santé, sécurité —, la Balance sensibilise aux données collectives — sociologiques, politiques, culturelles…— qui tissent un lien entre les individus. À la différence de l’adapté du premier Signe d’automne, l’inadapté du dernier Signe d’été est plus ou moins asocial et communique, échange, coopère difficilement. « Alain n’est pas capable de travail collectif, il ne semble pas savoir qu’à plusieurs on est plus intelligent que seul », a déploré l’un de ses collègues à propos d’Alain Lipietz, qui a failli être le candidat des Verts aux élections présidentielles de 2002.
La carence de l’associativité se manifeste par une réticence marquée à faire le premier pas vers l’autre, du moins par la propension à le faire si maladroitement ou de si mauvaise grâce, que cela revient au même. Une frilosité confinant à l’allergie généralisée raidit en permanence certains Virginiens, bloque leur spontanéité comme leur élan, dresse un mur infranchissable entre les autres et eux. La façon dont une journaliste a dépeint Hugh Grant va assez dans ce sens. « Une fragrance anglaise raffinée, mélange de fragilité et d’élégance cul serré. Trop poli, top précieux, trop propret, Hugh Grant. “Bloqué”, c’est lui-même qui le dit [17]. » Cette appréciation évoque celle de Marion Brando (né sous le Signe instinctif, impulsif et direct du Bélier) sur Montgomery Clift [18] qu’il jugeait « crispé » et à qui il reprochait « son jeu étudié ». Il trouvait que son ami Monty marchait « comme s’il avait un mixer dans le cul »… « Ce que tu as, Marion, c’est des couilles, ce que Monty, lui, n’a pas… », s’étaient empressés d’insister ses proches. Encore une fois, le mot même de Vierge suggère ce qu’il y a de craintif et de verrouillé, de « coincé », chez l’inadapté du Signe empêtré dans sa crainte que le non-moi — l’inconnu — que représente la nuit, ne le mette en échec.
« Je voulais rencontrer des gens, faire partie de quelque chose, atteste Leonard Cohen en évoquant ses premiers séjours à New York au début des sixties. Je n’y suis jamais parvenu. La plupart du temps, je me retrouvais seul dans la ville. De temps à autre, je tombais sur quelqu’un dans un club, Bob Dylan, Phil Ochs ou Joni Mitchell. J’en ai connu certains intimement. Mais c’était principalement une situation solitaire, je ne faisais partie d’aucun groupe. » L’inadapté de la Vierge n’a pas à son actif la mobilité, la souplesse, l’aisance dans les relations sociales de l’adapté de la Balance. Il n’est pas non plus doté du puissant instinct de vie et de la belle confiance en soi de celui du Lion. La vie de groupe comme de couple peut lui être une telle source d’inconfort, qu’il y préfère la retraite dans une solitude où rien ni personne ne risque de l’embarrasser. La pudeur, la délicatesse et la discrétion hors pair du bon profil ne sont plus alors qu’une façon déguisée de mettre et maintenir l’autre à distance. « Je ne me laisse pas approcher, a avoué Françoise Giroud. Ce qui est certainement une façon de protéger une forme de vulnérabilité. » « D’abord je parle de la frustration, de la peur de tout ce qui m’entoure, puis du ressentiment que j’éprouve à avoir peur des gens plutôt que me sentir proche d’eux… », a expliqué la chanteuse américaine Fiona Apple. « Je sors très peu, vois peu de gens. Je vis comme une recluse. J’ai parfois le sentiment d’être enterrée vivante », a constaté la chanteuse canadienne Mylène Farmer avec une sorte de tristesse résignée.
La difficulté à se lier ou s’associer aux autres va de pair avec celle à relier les mots et enchaîner les idées. Le besoin louable d’utiliser le terme exact, dégénère en obsession du détail qui fait perdre le fil, rend le propos laborieux ou fragmentaire. « Je ne parlais qu’après avoir cherché mes mots, mon propos chaque fois arrivait en retard », a confessé l’écrivain et dramaturge Félicien Marceau… « Je ne suis pas un homme de la parole immédiate. C’est à partir des ratés de ma parole que je commence à entrevoir ce que je pense », s’était excusé en guise de préambule à une interview, Gaétan Picon, qui a été directeur général des Arts et des Lettres au ministère de la Culture et a publié de nombreux ouvrages littéraires, critiques et esthétiques. Née sous le Signe visionnaire et idéaliste du Verseau, avec la Balance comme Signe Ascendant, Virginia Woolf a dénoncé dans son Journal « … la pauvreté lexicale, le côté sermonneur et l’intolérance… » de D. H. Lawrence [19].
La fluidité de la pensée, condition sine qua non du brio, fait défaut à l’inadapté de la Vierge, tandis que ses rationalisations systématiques barrent la route à l’intuition, à l’imagination et à la fantaisie. Cherchant toujours la petite bête, il se braque dessus au point de casser le rythme de la conversation. Il n’a pas son pareil pour jeter ce froid qui amène à dire qu’un ange passe. « Qu’ils sont agaçants, lit-on dans un traité d’astrologie moderne, ces natifs de la Vierge, qui corrigent les fautes d’orthographe quand vous leur donnez à lire l’œuvre de votre vie [20]. »
Les images que Leonard Cohen utilise pour exprimer son désarroi résument la tragique incapacité de l’inadapté du Signe à sortir du cadre rigide de ses références et de sa logique étriquées — dernier rempart contre l’envahissement de l’irrationnel que symbolise la nuit —, autrement dit à lâcher la dérisoire bouée de sauvetage à laquelle il se cramponne maladivement, par peur de se laisser (em)porter par le courant qui l’emmènerait vers des rivages inconnus certes, mais peut-être plus accueillants qu’il ne croit. « Quelqu’un qui se trouve en mer et qui s’agrippe à une planche de bois, peut éventuellement lever les yeux et voir passer des oiseaux ou faire des signes à quelqu’un d’autre sur une autre planche de bois, mais il n’a qu’un réel souci : s’accrocher à ce morceau de bois. C’est la sensation que j’ai de ma vie : qu’il se passe quelque chose de très urgent et de très dangereux, qui réclame toute mon attention. Et tout le reste paraît hors de propos et superficiel. (…) J’ai du mal à m’accrocher à ce bout de bois. Ce serait peut-être une bonne idée que de le laisser partir, je pourrais peut-être découvrir que je nage merveilleusement bien dans cette tempête, dans ce déluge. Mais je ne le pense pas. En tout cas, je ne courrai pas le risque. Donc l’essentiel de mon énergie, de mon attention est consacré à m’accrocher à ce bout de bois et aux quelques autres personnes qui s’accrochent au même bout de bois, envers lesquelles j’ai des responsabilités [21]. »
Croissance de la nuit dominante de la Balance : vitesse d’inhibition adaptée. Croissance de la nuit dominée de la Vierge : vitesse d’inhibition, rapidité de rétraction inadaptées, panique injustifiée.
Avec sa nuit croissante et dominante, l’adapté de la Balance a le sens des opportunités et sait se retirer du jeu sur la pointe des pieds dès que le contexte le requiert, quitte à y retourner de la même façon dès qu’il le permet de nouveau. Avec sa nuit croissante mais dominée, l’inadapté de la Vierge se rétracte trop vite au moindre semblant de prétexte qui réactive son angoisse de fond. « Il se croit vite menacé, écrit une journaliste à propos de Richard Gere, il a toujours essayé de se défier à cause d’une peur terrible de se faire épingler. De près, on sent sa vulnérabilité. C’est un inquiet qui devient méfiant dès qu’il s’agit de répondre à des questions… »
Les peurs et autres inconforts estivaux qui tournent autour de ce qu’on ne peut ni voir, ni prévoir, ni par conséquent contrôler, ont un fondement apparemment moins fantasmatique à la fin qu’au début de l’été où la nuit pointait à peine. L’inadapté de la Vierge rationalise l’irrationnel en projetant sa hantise globale de perdre la boussole sur des dangers aussi objectifs que les radiations atomiques, les virus, les épidémies, la pollution, la surpopulation, les transports collectifs ou amoureux, les attentats terroristes, etc. Si l’adapté en a une appréhension qui, pour être plus développée que la moyenne, n’en reste pas moins normale, l’inadapté se pétrifie au premier signe qui y renvoie. Régi par des phobies qu’un rien amplifie sur-le-champ, il fait penser à Michael Jackson que la crainte d’on ne sait quelle contagion force à vivre cloîtré et masqué.
Certains des natifs qui actualisent cette facette courent consulter leur médecin, font des bilans de santé à la plus infime alerte, se sentent « souillés » au plus petit contact physique et manifestent une propreté compulsive ou se rendent esclaves de toutes sortes de régimes, rituels et autres manies, destinés à prévenir, éviter ou éloigner ce que l’on ne peut justement ni prévenir, ni éviter, ni éloigner. Comme celui de la peur, le déclenchement du dégoût — qui est une forme de peur et d’inhibition — se produit vite et inopportunément chez l’inadapté de la Vierge. Assurément, l’auteur d’Histoire d’O n’était pas une « inadaptée » et a même fait preuve d’un grand courage en adhérant activement à la Résistance pendant l’occupation allemande, mais la façon dont elle a commenté son initiation à l’amour physique est typique de cette facette : « Quant à tous ces ruissellements, ces sueurs, ces salives mêlées, ce n’était pas très engageant. Heureusement qu’il y avait de l’eau chaude, des serviettes et de l’eau de Cologne [22] ! »
En s’hypertrophiant, la cérébralité, qui constitue la meilleure arme de l’adapté pour affronter la vie, se retourne contre l’inadapté, le prédisposant, entre autres, à avoir autant de problèmes avec sa part d’animalité qu’avec l’animalité tout court. Ce qu’il y a de moins domesticable dans le règne animal : les reptiles, les poissons, les insectes, etc. le panique instantanément. Notons à ce sujet que la Vierge orientant davantage vers ce qui est « petit » que vers ce qui est « grand », certains natifs éprouvent au contraire un intérêt particulier pour les insectes et ont d’ailleurs toutes les qualités requises pour être d’excellents entomologistes.
L’un des points faibles majeurs du Virginien est de perdre son sang-froid dès qu’on le sort de sa routine, en particulier quand on le met en position de faire ses preuves dans un contexte qui lui échappe. Les premiers pas au cinéma d’une actrice sont toujours éprouvants, mais ce que Lauren Bacall a révélé des siens vaut le détour : « Nous répétâmes. Ma main tremblait, ma tête tremblait, la cigarette tremblait. Quelle mortification ! Impossible de me contrôler ! Que devait penser Howard (Hawks) ? Et (Humphrey) Bogart ? Et les techniciens ? J’étais au supplice ! Après la troisième ou quatrième prise, je m’aperçus que la seule façon d’empêcher la tête de trembler, c’était de la garder baissée, le menton presque sur la poitrine, les yeux levés vers Bogart. La méthode était efficace et ce fut là l’origine du surnom dont on me gratifia : “The look” [23]. » Si, en l’occurrence, le trac insurmontable auquel prédispose la Vierge a tourné à l’avantage de l’intéressée et contribué à l’immortalisation de son regard, le plus souvent, hélas, il constitue un lourd handicap que l’inadapté traîne comme un boulet sa vie durant et qui diminue encore un rayon d’action déjà peu étendu
La durée de la nuit croissante mais dominée équivaut presque à celle du jour dominant mais décroissant. Phase égalitaire : réactions unilatérales de blocage défensif devant des choix ou des circonstances diamétralement opposés…
Sur fond d’autoprotection, l’adapté de la Vierge réfléchit mûrement à ce qui est utile, important, sûr ou non, et fait ses choix en conséquence. Sur fond d’asocialité ainsi que de rapidité à se tourmenter et se rétracter pour un rien, l’inadapté n’en finit pas d’osciller entre les contraires auxquels il est sensibilisé, en ce que les uns comme les autres lui semblent des sources de problème, d’angoisse et d’échec. Il pèse donc indéfiniment le pour et le contre sans parvenir à se décider, au point qu’il en arrive à repousser toute opportunité, toute tentation, toute offre alléchantes à sa portée, de la même façon qu’il repousse celles qui ne le sont pas, augmentant d’autant l’immobilisme des deux facettes précédentes. « Comme la neige brûle, il y avait cette glace-flamme, a confié Claude Nougaro à propos de ses premières relations au sexe opposé. Cette matière féminine, torturante, me faisait fuir en même temps qu’elle m’attirait et j’ai été longtemps paralysé devant les femmes. »
Obsédés par l’appréhension qu’une pichenette ne les fasse basculer du jour dans la nuit, de l’ordre dans le chaos, de vie à trépas, certains natifs de la Vierge réagissent à l’identique devant des situations opposées, en ayant une attitude uniformément précautionneuse, sceptique, suspicieuse, anxieuse et, pour tout dire, tragiquement stérile. Au quotidien, l’inadapté prend son parapluie par tous les temps—qu’il pleuve ou que le soleil brille ; se lave en permanence—qu’il soit sale ou propre ; se serre autant la ceinture quand il est fauché que lorsqu’il est plein aux as ; range et époussette même quand tout est nickel ; s’inquiète pour sa santé et se soigne autant quand il va bien que lorsqu’il est malade ; se méfie de ses amis comme de ses ennemis ; se montre aussi peu engageant vis-à-vis de qui l’attire que vis-à-vis de qui lui déplaît. Sur le plan relationnel, le flair des non-affinités du profil adapté devient ici une propension à ne voir partout que des incompatibilités, y compris avec les proches. L’immobilisme s’en trouve renforcé. « Quelqu’un m’a dit un jour : “Vous souffrez d’inertie”, a rapporté Greta Garbo. Comme je ne savais pas ce que ça voulait dire, j’ai regardé dans le dictionnaire. Si je me souviens bien, ça veut dire quelqu’un qui ne bouge pas, un mollusque : c’est moi. Je souffre d’inertie [24]… »
Après sa mise en garde « Si vous n’avez pas dès ce jour, le sentiment relatif de votre durée, il est inutile de regarder devant vous car devant c’est derrière… », Léo Ferré exprimait son aspiration à « … devenir le non-dit, le non-avenu, le non-vierge par manque de lucidité [25]… » Plutôt que lutter en permanence pour maintenir un équilibre trop précaire, certains natifs laissent tomber, lâchent les rails et sombrent en connaissance de cause dans ce que la meilleure partie d’eux-mêmes redoute et vilipende le plus : le bâclage, la passivité, le nihilisme… C’est peut-être à cause de ce comportement inattendu que la Tradition parle de Vierge sage et de Vierge folle. La Vierge sage s’épuise en permanence à maintenir un juste milieu entre des contraires dont l’un s’apprête à détruire l’autre ; la Vierge folle renonce à tout effort puisque le résultat, faute de temps et de moyens, en prouvera la vanité. « C’est curieux comme le je-m’en-foutisme peut marcher de pair avec le perfectionnisme, s’étonnait Maurice Pialat. Finalement, s’en foutre complètement parce qu’on sait qu’on n’atteindra pas, et de loin, ce qu’on voulait faire. » Là où l’adapté de la Vierge reste lucide sur l’étroitesse de sa marge de manœuvre sans pour autant renoncer à agir et exister, l’inadapté se braque en permanence tant sur les inconvénients du contexte que sur ses multiples insuffisances. Quoi qu’il arrive, il part perdant. À l’image du jour impuissant devant la progression de la nuit, l’inadapté de la Vierge se laisse paralyser par le sentiment d’une catastrophe imminente. La vigilance inquiète du profil adapté a basculé dans la peur généralisée qui résume ce profil, de perdre ce que symbolise le jour : ses repères, ses moyens, son intégrité, peur de perdre la face, la tête, l’équilibre, le contrôle.
Pastor, un guide spirituel qui s’est exprimé par la voix d’une jeune femme marquée par le Signe, a résumé les effets conjugués de la difficulté à se mêler aux autres, de l’alarmisme galopant et de la défensive permanente : « Ceux qui se protègent le plus en fermant la porte aux expériences, à la communication, aux échanges, conduisent les énergies à n’avoir d’autre recours que la maladie pour expérimenter quelque chose. Les énergies doivent circuler : descendre et remonter. Si elles rencontrent un individu qui bloque tout, elles implosent et engendrent la maladie. » À force d’être constamment en état d’alerte et de se verrouiller en conséquence, l’inadapté finit par provoquer ce qu’il redoute le plus et par se rendre réellement malade. La Tradition attribue les intestins à ce Signe et si de nombreux Virginiens souffrent de problèmes intestinaux, c’est sans doute parce que la peur siège dans le ventre.
[1] Entretien des Inrockuptibles, réalisé en mai 1991.
[2] Isabella Rossellini, Quelque chose de moi, Éditions Nil.
[3] Sophie Marceau est Scorpion par Neptune, le Soleil, Mercure et Vénus. Elle est Vierge par Pluton, Mars et Uranus qui se levaient dans ce Signe — son Signe Sscendant — à sa naissance.
[4] Julia Roberts est Scorpion Ascendant Vierge et trois de ses planètes les plus fortes sont dans ce Signe.
[5] Françoise Giroud, Si je mens, Stock.
[6] Interview de Katherine Pancol pour Paris-Match, 2002. Lou Doillon a le Soleil en Vierge, mais l’anticonformisme et la positivité de son Ascendant Verseau, la socialité de sa dominante automnale et le survoltage de sa dominante Uranus-Mars modifient considérablement le profil virginien global.
[7] Frédéric Beigbeder : écrivain, journaliste, animateur. Auteur, entre autres, du best-seller 99 F, Grasset. 3 planètes et le Soleil en Vierge. Ascendant Gémeaux. Forte composante Scorpion.
[8] Régine Deforges, O m’a dit, Jean-Jacques Pauvert.
[9] Kazan par Kazan. Entretiens avec Michel Ciment, Stock.
[10] Interview de Paul Amar sur Paris Première, en novembre 1997.
[11] Sean Connery : Vierge Ascendant Lion.
[12] Article de Juliette Michaud, Studio, novembre 2002.
[13] Ingrid Bergman et Alan Burgess, Ingrid Bergman, ma vie, Fayard.
[14] Entretien des Inrockuptibles, réalisé en mai 1991. Bob Dylan est né sous le Signe vif, mobile, improvisateur des Gémeaux.
[15] Voir note 8.
[16] Les messages du guide spirituel Pastor ont été captés et communiqués par une jeune femme dans le ciel de qui trois Signes de contraires sur quatre — Vierge, Poissons, Bélier — sont occupés de façon significative.
[17] Marie-Hélène Martin, Libération, 13 octobre 2001.
[18] Montgomery Clift : Balance Ascendant Vierge, avec une dominante Jupiter-Saturne en Vierge.
[19] D. H. Lawrence : Mercure, Jupiter, Soleil en Vierge, Uranus, Vénus et Lune en Balance, Signe Ascendant : le Bélier. Autrement dit, dominante équinoxiale.
[20] Jean-Pierre Nicola.
[21] Entretien des Inrockuptibles, réalisé en mai 1991.
[22] Entretiens avec Pauline Réage, O m’a dit, Régine Deforges, Jean-Jacques Pauvert.
[23] Lauren Bacall par moi-même, Stock. Lauren Bacall est née avec le Lion comme Signe Ascendant et une Lune dominante fin Bélier, ce qui explique que bien des traits de sa personnalité soient peu conformes à la Vierge, son Signe solaire.
[24] Françoise Ducout, Greta Garbo, Stock. Greta Garbo était Vierge Ascendant Cancer.
[25] Léo Ferré, La Solitude.