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en Astrologie Naturelle

Poissons
Le rythme Poissons

Le rythme du Soleil en Poissons repose sur l’écart minimal entre la durée de la nuit dominante et décroissante et celle du jour dominé et croissant.

Poissons

Poissons : profil adapté

Poissons

Première facette : force d’inhibition extinctive

Déconnexion encore plus grande qu’au Capricorne vis-à-vis de l’environnement et des données collectives.

Aux Poissons, le règne de la nuit qui dominait depuis six mois et dont le déclin avait commencé dès le début de l’hiver est au bord de l’anéantissement. Il faudra attendre le Signe suivant pour qu’arrive celui du jour. Avec le douzième Signe se ferme le cycle zodiacal dans son entier et la façon Poissons d’appréhender la vie témoigne d’une sensibilisation particulière à la fin des choses. « Est-ce la destinée ou est-ce ma faute, s’est demandé Paul Morand, j’arrive toujours quand on éteint ; dès le début, c’était terminé (…) Je suis voué à ce qui finit [1]… » Bernardo Bertolucci a réalisé Avant la révolution, Le Dernier Tango à Paris, Le Dernier Empereur… Claude Sautet s’est surtout penché sur des hommes entre deux âges dont la vie se délite. Il a défini ainsi le thème récurrent de ses films : « L’angoisse des hommes de quarante/quarante-cinq ans installés dans l’existence, qui se sont construit une vie sur une réussite et voilà que des jeunes gens vont tout foutre en l’air… » Comment ne pas faire un parallèle avec la nuit sur le point d’être éclipsée par le jour ? Ou avec la vieille âme Poissons en passe d’être supplantée par celle toute neuve du Bélier ? Les scènes de pluies diluviennes qui reviennent systématiquement dans chacun des films de Sautet symbolisent le naufrage aussi personnel que général auquel sensibilise le dernier Signe de la dernière saison. « I’m only happy when it rains… », chante Shirley Manson du groupe Garbage.

L’image à retenir des états d’âme auxquels prédispose la fin de l’hiver est probablement celle de l’imminence d’une mort et d’une naissance annoncées, qui ne seront effectives qu’au Signe suivant. La psychologie ambiguë qui en découle a été résumée par Isabelle Huppert. « Je me sens potentiellement tout, mais existentiellement rien [2]. » Quand les jeux sont faits sans qu’il y ait ni perdants — la nuit qui court à sa perte domine encore —, ni gagnants — le jour qui court à sa victoire reste dominé —, ce qui agite le commun des mortels paraît extraordinairement futile et vain. La déconnexion hivernale qui détache des superficialités et des aléas de l’environnement revient en force aux Poissons. « Il avait reçu du ciel le don précieux de surdité opportune, révèle le cinéaste Jean Renoir à propos de son père, le peintre impressionniste Auguste Renoir. Beaucoup prenaient cela pour de la distraction, c’était plutôt la faculté de choisir les impressions et de couper le contact avec ce qui lui paraissait inutile [3]. »

« Tu suis le courant, recommandait Auguste Renoir à son fils, ceux qui veulent le remonter sont des fous ou des orgueilleux, ou pire, des destructeurs… De temps en temps tu donnes un coup de barre à gauche ou à droite, mais toujours dans le sens du courant [4]. » Les animaux symboliques par lesquels la Tradition représente le Capricorne et les Poissons suggèrent la différence de leur distanciation. Il est a priori plus ardu d’escalader une montagne élevée que de se laisser porter par le courant. L’ego capricornien est encore assez encombrant pour que le sentiment de son impuissance lui fasse écarter avec raideur ce qui gêne sa laborieuse ascension vers d’inaccessibles sommets. Se sentant comme une « barque sur l’océan [5] », l’ego Poissons relativise davantage la condition humaine et accepte avec plus de philosophie le décalage entre sa petitesse et l’immensité qui l’entoure. « Ce bref arrêt qu’on appelle la vie, dont nous nous préoccupons si intensément, n’est rien d’autre qu’un petit week-end passé en prison, comparé à ce qui viendra avec la mort. La vie est loin d’être aussi sacrée que la faculté d’apprécier la passion… », lit-on dans le Journal posthume de Kurt Cobain, le leader du groupe au nom évocateur de Nirvana.

À la fin de l’hiver, le sentiment inconfortable d’inappartenance est devenu une seconde nature, au point de rejoindre celui plus agréable d’être de partout. « Je suis un vrai voyageur solitaire. Je n’ai jamais appartenu sans réserve à mon pays, à ma maison, à mes amis, ni même à ma famille la plus proche… », disait Albert Einstein. Le natif appartient à l’au-delà de la nuit moribonde et du jour pas encore né, à un absolu intemporel — inconnaissable — qui se situe au-delà du connu comme de l’inconnu. S’il donne l’impression de n’être plus tout à fait de ce monde, c’est parce qu’il ne s’attache sérieusement qu’à ce qui témoigne d’un tel absolu. « La mode, ça ne pardonne pas, pensait Renoir père. Ça empêche de voir ce qui est éternel. » « Le surréalisme n’était pas pour moi une esthétique, un mouvement d’avant-garde de plus, a expliqué Luis Buñuel, mais quelque chose qui engageait ma vie dans une direction spirituelle et morale [6]. » « … Une société régie par les purs principes de la morale universelle durerait autant que le monde », écrit Michel Houellebecq dans Les Particules élémentaires. « Juliette va au-delà de la sincérité, elle travaille sur la vérité, quand elle le peut, elle va directement s’abreuver à la source », pense de Juliette Binoche l’un de ses professeurs d’art dramatique. Ex-leader du groupe mythique Velvet underground, le non moins mythique Lou Reed a déclaré ne s’être jamais soucié des modes et avoir eu la musique comme unique objet de préoccupation. « Le rock and roll est mon dieu, a-t-il affirmé. C’est un pouvoir obscur qui peut changer votre vie, et la partie la plus importante de ma religion consiste à jouer de la guitare. »

N’ayant nul besoin d’apprendre à « perdre sa propre importance [7] », l’adapté se met modestement au service du dieu qui s’est imposé à lui et au regard duquel les étiquettes, distinctions et statuts sociaux sont dérisoires. Auguste Renoir, qui allait jusqu’à proscrire de son vocabulaire le mot « artiste » et se présentait comme un « ouvrier de la peinture », pensait qu’« il faut une sacrée dose de vanité, pour croire que ce qui sort de notre seul cerveau vaut mieux que ce que nous voyons autour de nous… » « L’idée de but dans la vie, de réussite ou d’échec, de récompense ou de punition, lui était étrangère », a commenté son fils [8]. « I never felt I was an artist… », nous dit le cinéaste américain Robert Altman. « Dieu sait si on m’en a collé des étiquettes, mais toute cette aura de superstar, de star internationale, tout ça n’est qu’une illusion, ce n’est pas réel », assure Bruce Willis qui pense qu’il est toujours possible d’en faire moins au cinéma et cherche à développer la technique de l’immobilité dans chacun de ses rôles [9]. Sviatoslav Richter est allé encore plus loin qu’Arturo Benedetti Michelangeli dans le déconditionnement et l’effacement hivernaux, puisqu’il a fini par donner des récitals sans éclairage sur lui. « Je joue dans l’obscurité, se justifiait-il, pour me vider de toute pensée extérieure et permettre à l’auditeur de se concentrer sur la musique plutôt que sur son exécutant. » « Il ne faut pas vous regarder ? » s’était étonné le critique musical Bruno Monsaingeon. « Regarder quoi ? L’interprète ? Ses mains ? Non », avait répondu Richter avec son laconisme habituel. « L’expression de son visage ? » avait insisté l’intervieweur. « Pour quoi faire ? Il n’exprime rien d’autre que le travail en train de s’accomplir sur une œuvre. Qui a besoin de voir ça ? » avait conclu, comme s’il s’agissait d’une évidence, l’un des meilleurs pianistes du XXe siècle [10]. « Préférant les petites gens au gratin de la musique, Richter se lance dans un périple en Sibérie, jalonné par de nombreux concerts dans les villages les plus reculés, afin de servir la musique là où on l’attend le moins… », relate par ailleurs Bruno Monsaingeon.

Aux Poissons, la partie qui se termine est perdue pour tout le monde. Quelle que soit sa position, le natif est humble et se sent, comme Richter, plus proche des exclus, des « losers », des petits que des soi-disant grands de ce monde. « Vous éprouvez une plus grande sympathie pour les perdants, les solitaires, les rêveurs et les ratés, que pour les héros conventionnels… », constatait un journaliste qui s’adressait à Robert Altman. Bertrand Blier se reconnaît « … peu intéressé par les héros car ils ne le font pas rire. Alors que les paumés, ceux qui sont à côté de la plaque l’amusent ». « Mes personnages ne comprennent pas ce qui leur arrive, explique-t-il, la plupart du temps ils ne savent pas pourquoi ils sont là. Ils sont largués. Plus à l’aise dans le malheur. » « J’ai toujours aimé les causes perdues, disait Paul Morand, Fouquet, Cailloux, Berthelot, Laval… Quand ils furent envoyés en forteresse, traînés en Haute Cour, mis ignominieusement à la retraite, attachés au poteau, mon affection pour eux a crû d’autant. » Considéré comme l’avocat du diable, Jacques Vergès a bâti sa réputation en plaidant pour ceux dont la cause était indéfendable, ainsi que pour des laissés-pour-compte qui n’avaient pas les moyens de le payer. « Disraeli disait qu’il y a deux types d’hommes, rapporte-t-il [11], le gentleman qui obéit aux usages de son club, et l’aventurier qui obéit aux caprices de son cœur. Je suis un aventurier, je n’ai jamais eu d’envie de carrière. Il faut faire ce qu’on a envie de faire, à l’ébahissement des gens. »

Le natif ne perd pas son temps avec ce qui ne sollicite pas son moi profond, auquel il obéit sans se laisser troubler par les impératifs extérieurs « Nos chiffres de vente actuels me laissent indifférent, affirmait Kurt Cobain au plus fort de son brusque succès planétaire, j’ai seulement besoin d’une soixantaine de fans, de gens qui me comprennent. » « Il n’y aura jamais de mauvais album de Nirvana, avait-il garanti, nous tuerons le groupe avant… Nous sortirons peut-être des choses expérimentales, des disques difficiles à appréhender pour le grand public, mais seulement si cette musique a une véritable valeur à nos yeux [12]… » « Continuez à jouer ainsi, pour vous seule et sans vous occuper du public. C’est d’ailleurs le meilleur moyen d’obtenir sa faveur… », écrivait à une jeune pianiste Maurice Ravel que son existence monacale a auréolé d’un mystère qui perdure.

Sans aller jusqu’à vivre aussi retiré du monde que Maurice Ravel, le natif se tient éloigné des mondanités et de la société du spectacle. À ses yeux, le verbe est le plus souvent synonyme de verbiage. « Il y a des gens qui trouvent toujours quelque chose à ne rien dire… », a ironisé Raymond Queneau. « Il ne faut jamais faire de confidences, cela abîme les sentiments », pensait-il aussi. Vercors, l’auteur du Silence de la mer, à la naissance de qui une conjonction Soleil-Mars se couchait dans le Signe des Poissons, a magistralement développé dans ce beau roman, paru dans la clandestinité en 1942, comment il est possible de rester intègre en n’adressant pas la parole à l’ennemi. « Il invite des amis pour jouer des opéras de Wagner. Jamais de bla-bla. Il n’aime pas », raconte sa compagne à propos de Richter, lequel était reconnaissant à son professeur du Conservatoire de musique de Moscou de lui avoir appris à faire « sonner les silences » et, alors que sa force physique lui valait la frappe la plus puissante qui soit, se disait d’abord intéressé par « l’extrême pianissimo [13] ».

Trop de « bla-bla » « noie le poisson ». Les artistes dont le moyen d’expression passe par la parole en ont une approche et une utilisation spécifiques. « C’est aussi un roman sur la vertu du silence, a expliqué Paul Morand à propos de son ouvrage Tais-toi. Je me suis aperçu que dans la vie tout ce qui était important n’était jamais dit, était tu, de même que dans la presse les grandes questions ne sont jamais abordées. Il m’a semblé que, sur cette espèce de vide et autour de ce vide, on pouvait créer un personnage, lequel — mon héros — est mort et on le reconstitue justement par ce qu’il n’a pas dit et par ce qu’il n’a pas fait [14]. » « L’important ce n’est pas ce qu’on dit, c’est ce qu’on ne dit pas…, tel était le leitmotiv du metteur en scène américain Vincente Minnelli… Le langage étant ce qu’il est, se plaisait-il aussi à répéter, il est impossible de faire comprendre exactement aux autres ce qu’on veut dire. Il faut donc trouver d’autres moyens [15]. » « Pour moi, certaines scènes ne servent pas à faire passer une information à travers les dialogues, mais, au contraire, à exprimer ce qui se passe au-delà des mots, et qu’on appelle généralement le non-dit…, a expliqué Claude Sautet. On sait bien que le regard et le silence sont partie constituante de la dramaturgie. L’acteur qui regarde a plus de force que l’acteur qui parle. » « Ce qu’il y a de plus intéressant se produit quand personne ne parle, confirme Bruce Willis. Si on arrive à exprimer une émotion sans avoir à dire de réplique, je trouve ça plus intéressant qu’un dialogue [16]… »

D’une part, le natif répugne à analyser le pourquoi du comment de tout ce qui parle de soi-même quand on prend la peine de se taire pour écouter ou observer ; d’autre part, il est branché sur l’indicible qui, par définition, ne se met pas en mots. Un jour qu’Albert Einstein était convié par une institution très sérieuse à exposer les travaux qui l’avaient fait mondialement connaître, il proposa à un public médusé — qui n’aurait rien compris à ses équations — de remplacer la conférence prévue par un air de violon. « Ce n’est pas nécessaire de poser des questions. Moins vous en poserez, mieux ce sera pour moi », avait annoncé Claude Sautet aux journalistes venus à l’une de ses conférences de presse. Dans son film L’Âge d’or ; Luis Buñuel a été le premier à utiliser cinématographiquement « la voix intérieure ». Jean-Claude Carrière, son scénariste favori, dit de lui qu’il avait « la vraie passion de se cacher », donnait peu d’interviews et refusait de théoriser sur son œuvre. « Il se défend beaucoup et interdit totalement que l’on tente de “se pencher au-dedans” », ont écrit dans leur préface les deux journalistes mexicains à qui l’on doit l’un des rares livres d’entretiens avec ce très singulier metteur en scène [17].

En dire le moins possible, mais aussi ne pas agir, errer sans but précis, est le propre d’une personnalité contemplative qui se ferme au tumulte extérieur, pour mieux rester à l’écoute d’elle-même. « Il faut flâner et rêver, conseillait Auguste Renoir. C’est quand tu ne fais rien que tu travailles le plus. Avant de faire ronfler le poêle, il faut accumuler du bois [18]. »

À sa façon extravertie, le natif du Verseau cherchait les signes avant-coureurs d’un avenir meilleur. À sa façon introvertie, celui des Poissons « accumule du bois », en étant aussi réceptif aux messages de l’inconscient qu’à ceux de l’invisible. « Est-il vrai que l’au-delà, tout l’au-delà soit dans cette vie ? » demande la Nadja d’André Breton, le pape du surréalisme dont le cinéma onirique de Luis Buñuel aura été très représentatif. André Breton s’est intéressé de près à l’écriture automatique et à la médiumnité. Victor Hugo a pratiqué le spiritisme. Les fantômes hantent l’œuvre d’Edgar Allan Poe [19]. Robert Louis Stevenson [20] stimulait son imaginaire par le rêve, qui lui aura dicté plusieurs scènes de roman. Robert Altman s’est inspiré de l’un de ses rêves pour son film Three Women. Le peu loquace David Gilmour, leader du groupe Pink Floyd, a déploré qu’on n’accorde pas assez de place à ce que capte le subconscient, allant jusqu’à suggérer que le secret de son inspiration musicale tenait à ce qu’il ne savait ni lire, ni écrire la musique. Sans doute insinuait-il que la culture, de nature rationnelle, gêne l’accès à l’inspiration, de nature irrationnelle.

Souvent déconcertant, le comportement Poissons est celui d’un intuitif introverti dont les références sont hors normes. S’il arrive au natif de faire des vagues, ce n’est pas pour se faire remarquer, mais parce que sa distance maximale vis-à-vis de l’environnement et de lui-même lui donne une perception aux antipodes de la logique qui régit la vision occidentale du monde [21]. Ce sont deux Poissons, Nicolas Copernic d’abord, Galileo Galilée ensuite, qui ont démontré que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse, comme on l’enseignait depuis des siècles. Né aussi sous ce Signe, Albert Einstein a énoncé des théories dont les conséquences allaient changer la face du monde. « Inventer c’est penser à côté… L’imagination est plus importante que le savoir. (…) La plus belle chose que nous puissions éprouver, c’est le mystère des choses… », assurait-il. Aucun Signe n’a l’exclusive des chercheurs de génie, mais les découvertes de ceux marqués par les Poissons ferment une époque et en annoncent une autre, de la même façon que leur Signe ferme un cycle et en annonce un autre, ou que le fini entrouvre pour ceux capables d’en lâcher les repères, une porte sur l’infini.

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Deuxième facette : lenteur d’inhibition

Décroissance du processus dominant : lenteur. Nuit : inhibition. Décroissance de la nuit dominante : lenteur d’inhibition. Stabilité des défenses, force inébranlable du non.

La déconnexion innée vis-à-vis des façons conventionnelles de penser, dire, agir, qui constitue le premier atout Poissons, est renforcée par un système défensif bétonné qui ferme ad vitam aeternam l’adapté du Signe à ce qu’il ne considère pas comme essentiel. « Je sais être absente pour vivre quelque chose jusqu’au bout », confirme l’auteur-compositeur-interprète Keren Ann. « Je ne suis peut-être pas la femme des décisions promptes, a admis Michèle Morgan, mais je sais fort bien prendre mes résolutions et m’y tenir… »

Derrière son apparence discrète, le natif qui a trouvé son absolu s’y tient une fois pour toutes. Il est beaucoup moins malléable, beaucoup plus imperméable que son flottement apparent ne le laisse supposer. « Quand je sais ce que je veux ou ne veux pas et que quelqu’un veut m’emporter vers autre chose, je me sens si oppressée que je deviens radicale dans mon refus », explique Sandrine Kiberlain [22]. Bien qu’il lui soit régulièrement rappelé que l’application des idées d’extrême gauche a toujours débouché sur le totalitarisme, Arlette Laguiller continue de défendre mordicus ce en quoi elle croit. Si malgré un radicalisme de fond qui contraste singulièrement avec son attitude humble et timide [23], elle s’est gagné la sympathie de nombreux Français de tous bords, c’est sans doute à cause de sa fidélité Poissons à un idéal qui se veut altruiste et derrière lequel elle s’efface totalement [24]. D’après un journal syrien dont les informations ont été reprises par diverses agences de presse occidentales, quand, au début des années 1980, la mère d’Oussama Ben Laden a tenté de détourner son fils de son « pieux militantisme », « elle s’est aperçue qu’il croyait à ce qu’il faisait et qu’il n’y renoncerait pas [25] ». « Apparemment serein, malgré le déluge de feu qui s’abat sur ses protecteurs talibans, Ben Laden, qui est un homme patient, semble paradoxalement convaincu que le temps travaille pour lui », a écrit un journaliste après que la plus grande puissance mondiale eut déclaré la guerre à celui-ci et commencé à bombarder l’Afghanistan, pour le supprimer et anéantir son réseau [26]. Le Signe prédispose au sacrifice de soi, mais tous les natifs ne sont pas à même de servir un absolu digne de ce nom, ni de se dévouer à la cause des opprimés. L’utilité ou la dangerosité de ceux d’entre eux qui détiennent un pouvoir dépendront donc du type d’absolu qu’ils défendent, comme du type de sacrifice qu’ils sont prêts à faire en son nom.

La fermeture aussi hermétique qu’irrévocable à ce qui n’importe pas favorise la constance dans tous les domaines. Claude Sautet travaillait le plus souvent avec les mêmes équipes, le même compositeur, les mêmes acteurs. « Je suis incapable de tourner en trois, quatre ou six prises, avoue Jacques Doillon. Il m’en faut quinze ou vingt ou trente, ou plus… » « Je calcule tout, a confié de son côté John Irving, révisant constamment, avançant de trois ou quatre pages par jour. L’écriture d’un roman est pour moi un processus lent qui ne laisse aucune place à la surprise, sauf, je l’espère, pour mes lecteurs [27]. » C’est l’une des ambiguïtés du natif des Poissons que de s’avérer, selon le contexte, apte à laisser un maximum de choses — celles qui ne le concernent pas — se faire sans lui, ou d’aller sans précipitation aussi loin que sa vision peut le mener, quels que soient les chemins apparemment détournés par lesquels il y parvient. L’adapté qui a trouvé sa voie ne lâche ni ne donne prise.

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Troisième facette : sens des contraires

L’écart entre la nuit dominante qui croît et le jour dominé qui décroît est minimal et se comble : sens des contraires et union des contraires…

Parce que l’écart entre la nuit dominante et le jour dominé est maximal au Capricorne et minimal aux Poissons, le détachement hivernal diffère de l’un à l’autre. Comparativement au natif du début de l’hiver, pour qui l’absolu trouvé ne laisse pas place à la contradiction et favorise un certain absolutisme, celui de la fin de l’hiver se montre plus subtil grâce à une meilleure perception des contraires et à une façon très spéciale d’en jouer.

Le stade Bélier de dépense d’énergie incitait à partir en guerre contre ce qui s’oppose aux convictions ; le stade Vierge d’autoprotection à se protéger de ce qui menace la sécurité ; le stade Balance d’associativité, à repérer en quoi les rivalités sont complémentaires. Le stade Poissons de déconditionnement porte d’abord à se tenir à égale distance des dualités courantes. « Je n’arrive pas à voir les choses sous l’aspect d’une victoire ou d’une défaite », constate Bernardo Bertolucci. Il pousse ensuite à trouver une alternative qui relativise les oppositions apparentes. Au début du XXe siècle, l’incompatibilité des deux théories qui tentaient d’expliquer les phénomènes physiques menait la science à une impasse. Il a fallu qu’arrive Albert Einstein pour imaginer que la lumière n’était ni continue, ni discontinue, mais les deux à la fois, et énoncer la théorie de la relativité qui unifie les concepts d’espace et de temps, et pose l’équivalence matière-énergie. Sur le plan personnel, Einstein échappait pareillement aux dualités auxquelles s’arrête le commun des mortels : « En me vendant corps et âme à la science, expliquait-il, j’ai fui le “Je” et le “Nous” pour le “Il” du “Il y a” [28]. » Sur le passeport dont il avait besoin pour s’exiler aux USA et qui lui demandait de préciser sa race, il avait écrit « humaine ».

Pratiquant avec aisance l’art difficile du recadrage, l’adapté du Signe contourne les options et les systèmes trop binaires qu’il réprouve d’instinct. La relativisation Balance revenait à moduler un contraire par l’autre, celle des Poissons consiste à trouver un troisième terme qui coiffe les deux autres au poteau. À la question « Si vous deviez choisir entre un bon film ou un dîner en tête à tête avec le ministre de la Culture ? » Luc Besson avait pris la tangente chère à son Signe solaire, en répondant : « Je préférerais qu’il vienne avec moi au cinéma. » « Qu’y a-t-il de plus opposé à un feuilletoniste de l’école populaire, formé par la lecture des “Pardaillan”, qu’un poète surréaliste, confiné dans la religion de l’élite ? » demandait un journaliste à Léo Malet — auteur de romans policiers et père du détective Nestor Burma. « C’est complexe, rétorquait ce dernier, mais pas contradictoire. Mes romans ont l’air d’être réalistes, mais ils ne le sont pas. Ils ont une tournure poétique… Ils sont du domaine du rêve [29]… » Quand il s’est porté candidat aux élections présidentielles de 2002, l’ex-ministre Jean-Pierre Chevènement est sorti du système droite-gauche en proposant d’être le « troisième homme ». Dans les démocraties où la décision revient par définition au grand nombre, dont la subtilité n’est pas la qualité première, l’originalité d’un tel positionnement n’était pas sans risques et a débouché sur l’incompréhension et l’échec. « Si le peuple n’a pas compris ses idées, déclarait Lech Walesa en 1999 à propos de Mikhaïl Gorbatchev, c’est peut-être parce qu’il n’a pas su les expliquer… Aujourd’hui, Gorbatchev croit toujours en la possibilité d’une troisième voie, à mi-chemin du capitalisme et du socialisme, mais le peuple russe ne le comprend pas [30]. »

« Le doute n’est pas forcément négatif, a remarqué Juliette Binoche. C’est un état où tu ne sais pas, qui te permet d’être à la fois fort et vulnérable. Réceptif… » (Ce à quoi son partenaire Olivier Martinez, né sous le Signe du Capricorne, rétorquait : « Moi, je dois croire pour avancer. ») « Rien n’est sûr dans mes histoires, pas même le pire », ironisait Léo Malet. « Votre seule thèse serait qu’on ne sait rien ? » insistait un journaliste auprès de Luis Buñuel. « C’est possible, mais même cette thèse, je la mettrais en doute… », répondait finement celui-ci. L’aptitude à gérer le doute est une qualité plus rare et précieuse qu’on ne l’imagine, tout comme celle à le semer pour échapper au simplisme ou le mettre discrètement en lumière. « Il peut y avoir quelque chose de très naïf dans le cœur d’un assassin et un nid de vipères dans celui d’un honnête homme », suggère Maître Vergès qui ne s’est laissé enfermer dans aucune catégorie et justifie son intérêt pour les causes « indéfendables » par l’allégation suivante : « Quand le procès est fait par avance et qu’on va lyncher quelqu’un — fut-il le plus grand criminel —, la créature de Dieu, c’est celui qu’on va lyncher [31]. » Dans Le Silence de la mer, Vercors a personnifié l’envahisseur allemand par une figure qui relativisait la notion d’ennemi. Le silence, le louvoiement, la disparition ou le recadrage quand il s’avère possible, sont la réponse de l’adapté au manichéisme, ainsi que sa façon de ne pas entrer dans le jeu des dichotomies réductrices où l’on cherche à l’enfermer. Artiste russe très apprécié aux USA, Richter a su ne pas devenir l’otage du clivage Est/Ouest qu’on aurait aimé faire de lui. « Je me tais, a avoué Michèle Morgan [32]. On apprend vite que, si le silence n’est pas une règle d’or absolue, la parole peut vous entraîner là où vous ne voulez pas aller. Se taire… Glisser toujours… » Boris Vian a écrit et chanté Le Déserteur, un texte qui illustre le refus Poissons du duo/duel et des conflits ouverts.

Mis devant la nécessité de choisir entre des options qui lui indiffèrent autant ou lui conviennent aussi peu l’une que l’autre, l’adapté laisse couler l’eau sous les ponts ou navigue entre les courants contraires, jusqu’à ce que la situation se décante et finisse par décider pour lui. « Ne rien faire, se dit un personnage de John Irving [33] mis dans une situation cornélienne, quelle grande idée ! Peut-être que si j’attends assez longtemps de voir, je n’aurai rien à faire ou à décider. Peut-être que si j’ai assez de chance, quelqu’un d’autre décidera et fera à ma place. » « C’est ainsi que je vois la liberté, nous apprend Michel Houellebecq, un moment où on a le choix et où, en fin de compte, on ne choisit pas, on se laisse guider par quelque chose de plus fort que soi qui vous pousse. »

À la fin de l’hiver, la nuit — symbole de l’inconscient et du rêve —, court à la rencontre du jour — symbole de la conscience et de ses implications —, si bien que l’astrologie contemporaine parle d’« union des contraires [34] ». « La réalité sans l’imagination, c’est la moitié de la réalité… », a souligné Luis Buñuel. Parce qu’il n’est plus tout à fait de ce monde-ci et pas encore de l’autre, l’adapté est sensible à l’aspect arbitraire des clivages vie/mort, visible/invisible, rationnel/irrationnel, réalité/ rêve, ici-bas/au-delà, fini/infini… Doté d’un sixième sens et du troisième œil, il vise la quatrième dimension qui rend mieux compte de la complexité du « réel ». « “Transformer le monde”, a dit Marx. “Changer la vie”, a dit Rimbaud. Ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un », déclarait en 1935 André Breton dans Manifeste du surréalisme. D’après Jean-Jacques Brochier, « Cette impérative, même si parfois désespérée, volonté d’unifier les contraires, de tenir ensemble les deux bouts de la chaîne du corps et de l’esprit, de la veille et du rêve, de l’imaginaire et du réel, personne mieux que Breton ne l’a incarnée… » Breton partait du principe que le potentiel de l’image poétique serait d’autant plus élevé « que les termes mis en rapport seraient plus éloignés l’un de l’autre [35]… ». On lui doit des expressions telles que « humour noir », « hasard objectif », « union libre » où la réunion de deux termes antinomiques débouche sur une idée neuve qui les contient tout en les dépassant, ce qui, intellectuellement, est la plus brillante façon d’actualiser le sens des contraires du Signe.

Poissons

Poissons : profil inadapté

Poissons

Première facette : faiblesse d’excitation naturelle

Jour dominant du Bélier : force d’excitation, fougue, mobilisation, enthousiasme. Jour dominé aux Poissons : manque d’excitabilité, inertie, indifférence.

Poissons et Bélier sont l’inverse l’un de l’autre, puisque aux Poissons la nuit dominante et décroissante court à sa perte, alors qu’au Bélier le jour dominant et croissant confirme sa victoire. Il manque à l’inadapté des Poissons la spontanéité, le dynamisme, la fougue, la combativité, qui sont les moyens d’adaptation au monde de l’adapté du Bélier. Si le Capricorne prédisposait à penser qu’on a un pied dans la tombe et le Verseau à se polariser sur le pied qui n’y est pas encore, dans le registre de l’inadaptation les Poissons braquent sur le constat que le deuxième pied est déjà très engagé. Pourquoi se donner la peine de jouer, quand la fin — en queue de poisson — de la partie n’est plus qu’une question d’heures ?

L’inadapté — ou l’adapté dans ses mauvais jours —, ne s’intéresse à rien ni à personne et s’avère l’être le moins communicatif qui soit. Les confidences empruntées à diverses personnalités du Signe se recoupent. « Je n’ai pas un besoin accentué de contact direct avec d’autres êtres ni avec les communautés humaines », assurait Albert Einstein. « J’étais quelqu’un de très fermé, de très secret avec un tas de problèmes de communication », a révélé à propos de son adolescence Bernardo Bertolucci qui a dû se faire psychanalyser pour atténuer ses difficultés. « Il disait souvent que jeune homme, il avait eu du mal avec le langage et que son rapport à la musique était né du besoin d’un refuge pour pallier une incapacité à aller vers l’autre qui était très ancienne chez lui, et reconstituer une sorte d’idéal, d’harmonie… », rapporte l’un de ses scénaristes à propos de Claude Sautet. « Dès que je sens des signes d’appartenance à une bande, une tribu, un milieu, des codes, dès qu’un groupe se constitue, je suis automatiquement en dehors… Je suis mal avec les riches, mal avec les pauvres, mal avec les branchés, mal avec les BCBG traditionalistes, mal avec les bandes de jeunes ou les milieux professionnels… », a reconnu Michel Houellebecq [36].

Exagérées, les dispositions contemplatives du bon profil basculent dans une inertie pire qu’au stade Capricorne qui portait à endosser la responsabilité des états négatifs, alors qu’au stade Poissons de dépersonnalisation, ce genre de question ne se pose même pas. « Il y a cette capacité à se mouvoir agréablement partout qui, à un moment donné, n’est plus qu’une apparence qui recouvre justement le contraire : l’incapacité à se mouvoir », a déploré Isabelle Huppert [37]. « Impossible de dépasser les limites de Seattle. Je n’avais envie de rien, je me sentais très bien tel que j’étais », a raconté Kurt Cobain à propos de son état d’esprit avant sa fulgurante réussite, laquelle ne l’a pas empêché de se suicider en pleine gloire, à l’âge de 27 ans [38]. « M’évader pour faire quoi ? est-il arrivé à Paul Morand de s’interroger. Pour ne rien faire… Ce détachement, cet égocentrisme contemplatif, cette passivité ne m’ont pas épargné les ennuis ; les raccourcis ont singulièrement allongé ma route, même si la paresse allongea ma vie [39]… »

Il y a paresse et paresse. Ce n’est pas la peur de la difficulté ou le goût de la facilité qui sous-tendent la léthargie Poissons, mais un pénible manque d’attrait pour tout, y compris pour ce qui est censé rendre la vie agréable. Si l’inadapté du Signe a autant de mal à s’affirmer et à agir que celui du Capricorne, il s’avère plus démissionnaire que pessimiste, plus indifférent que misanthrope ou complexé, plus invertébré que rigide. Peu ébranlé et encore moins stimulé par l’utilité ou l’urgence objectives d’une quelconque nécessité ou obligation, il la remet aux calendes grecques, laissant le désordre et la poussière s’accumuler autour de lui.

Faute d’ouverture sur l’extérieur, les moins inactifs font preuve du manque de renouvellement auquel prédisposent en gros tous les Signes pairs. « Ainsi, devait constater Claude Sautet sur le tard, je réalise que, malgré toute l’énergie que j’ai pu mettre dans chaque nouveau projet pour le rendre différent, au final, je n’ai pas arrêté de refaire le même film toute ma vie [40]. » Les autres sont tellement dépourvus de motivation et, par conséquent, d’énergie, que la perspective des efforts à fournir pour concrétiser le moindre projet les accable par avance. Leur seule aspiration semble être qu’on les laisse croupir dans leur coin. « Il suffit que vous soyez fatigué et n’ayez envie de rien faire pour que les gens vous croient dépressif, s’est énervé Michel Houellebecq [41]. En réalité, je peux me sentir très bien quand il ne se passe absolument rien. Je ne suis pas si dépressif que ça, j’ai juste besoin d’être seul. » « Je ne suis pas très obstiné comme tempérament, reconnaît-il malgré tout. Je ne crois pas beaucoup à la théorie selon laquelle il faut se forcer… »

L’adapté des Poissons se ressource dans le silence et la solitude, l’inadapté est un « àquoiboniste [42] », un « déserteur » qui donne l’impression que rien ne presse et qu’il a toute la vie devant lui. Mais c’est bien plutôt le sentiment qu’elle est derrière lui, ou, pire encore, ni derrière, ni devant, qui le porte à ne s’ancrer nulle part et se laisser dériver. Tôt ou tard, l’entourage, quand il y en a un, finit par se lasser du mutisme prolongé, du désintérêt perpétuel, de la passivité chronique et du pesant sentiment d’inanité dont rien ne semble pouvoir distraire ce type de natif.

Poissons

Deuxième facette : vitesse d’excitation inadaptée

Croissance du jour dominant au Bélier : vitesse d’excitation adaptée, réactivité instantanée et appropriée qui constitue une force. Croissance du jour dominé aux Poissons : vitesse d’excitation inadaptée, accès d’impulsivité et de fébrilité inappropriées qui constituent une faiblesse.

Avec son jour dominé minimal et croissant, l’inadapté du Capricorne sortait parfois de son monolithisme par des éclats saugrenus. En raison du jour dominé dont la renaissance est imminente, l’inadapté des Poissons est encore plus sujet à une impulsivité malvenue. Tout se passe comme s’il couvait un futur Bélier. Derrière son apparence calme — ne faut-il pas se méfier de l’eau qui dort ? —, ses émotions sont à fleur de peau et risquent de le submerger. La vivacité réactive que favorisera le printemps n’étant pas encore mûre à la fin de l’hiver, elle ne s’extériorise ni au bon moment, ni de la bonne façon. Quand le natif perd son sang-froid, il donne des coups d’épée dans l’eau.

Les emportements de Claude Sautet, très blessants pour ceux qui en faisaient les frais, sont restés célèbres [43]. « Tous les événements le bouleversaient, explique son assistant. Si un ami employait le mauvais mot à propos d’une chose, il se mettait en colère. Il était très impatient en face de la connerie ou de lui-même… ou si on ne comprenait pas ce qu’on était en train de faire. Il n’aimait vraiment pas qu’on puisse se tromper sur quelque chose d’essentiel qui était écrit dans le scénario et était le sens même de ce qu’il voulait faire. Il l’acceptait mal. » Daniel Auteuil [44] a raconté qu’un jour où il était à bout, il s’était mis à crier à son tour qu’il ne pouvait travailler dans cette violence et qu’à partir de là, Sautet était allé piquer ses colères hors du plateau. « J’apprends à connaître cet homme qui m’impressionne beaucoup, ses emportements contre moi et les autres… Il ne pouvait pas s’empêcher de crier… », se souvient Auteuil.

Paul Morand s’est beaucoup livré dans ses romans et ses chroniques où l’astrologue averti retrouve une partie des traits Poissons. Mais bien qu’il ait écrit Éloge du repos, il est aussi l’auteur de L’Homme pressé [45]. Peut-être faut-il voir dans la caricature qu’il fait de son héros, ainsi que dans le destin tragique qu’il lui réserve, la confirmation que l’accélération de leur rythme de base réussit aussi peu aux natures lentes de la fin de l’hiver qu’à celles du reste de la saison [46].

Poissons

Troisième facette : phase égalitaire

La durée du jour croissant mais dominé équivaut presque à celle de la nuit dominante mais décroissante. Phase égalitaire : réactions unilatérales d’indifférence devant des situations ou des choix opposés…

La dernière facette du profil inadapté des Poissons tient à l’équivalence des durées du jour et de la nuit. Malgré les éventuelles sautes d’humeur de la deuxième facette, l’inertie de la première incite à manifester la même indifférence devant des situations ou des options radicalement opposées. Au regard de la partie perdue qui s’achève, tout est égal, tout se vaut : dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire, être ou ne pas être, quelle importance ? L’indécision de la phase égalitaire Poissons aggrave la démotivation de fond qui accentue en retour l’indécision. C’est ce qu’on appelle un cercle vicieux. « Dire oui ou non m’angoisse absolument… Dès que je veux quelque chose, en même temps je ne le veux plus… », a déploré Isabelle Huppert [47]. « Il me semble qu’il y aura toujours chez moi des moments de prostration où je ne parviens pas à résoudre la dualité rester seule/aller vers le monde extérieur », a reconnu Sandrine Kiberlain [48].

Loin de trouver une troisième voie qui aide à sortir de l’impasse où le mettent certaines dualités, l’inadapté qui doit trancher, choisir ou simplement répondre à une question, reste paralysé par ses hésitations. Ne pouvant dire oui ou non à ce qui le sollicite, il se résout au « non » pour avoir la paix, alors qu’il y adhère aussi peu qu’au « oui ». L’agacement éprouvé devant ce qui est trop explicite va ainsi jusqu’à l’incapacité foncière à expliquer quoi que ce soit, en particulier à justifier les atermoiements. « Éluder les problèmes a toujours été ma spécialité », dit Michel Houellebecq [49]. Quelle que soit la façon d’éluder—report, ambiguïté, silence, fuite…—, elle reflète l’insoluble dilemme dans lequel se trouve le natif concerné. Jamais là où on le cherche quand il va bien, il n’est pas là du tout quand il va mal. Éternel abonné absent, il tient d’autant moins compte des abîmes de perplexité dans lesquels il plonge ceux qui ont affaire à lui, qu’il s’y noie lui-même.

Il manque à l’inadapté l’aptitude Bélier à aller au feu, et plus encore à faire feu. « Sa neutralité confine à la perte d’identité », pense l’une de ses amies à propos de MC Solaar. « Quand il s’embrouille avec un ami, il laisse le malaise gagner, ne vide pas son sac, choisit le retrait, la déprime lente… Son éloignement d’une certaine réalité le pousse vers la solitude. » Un critique avisé a résumé ainsi le sujet du film de Claude Sautet Les Choses de la vie : « C’est un homme pris entre deux femmes et qui fuit. Et c’est parce qu’il fuit qu’il a un accident. » Dans Les Choses de la vie, le personnage incarné par Michel Piccoli, auquel Claude Sautet faisait jouer ses propres fragilités, s’entend reprocher par sa maîtresse, jouée par Romy Schneider : « Tu m’aimes parce que je suis là, mais s’il faut traverser la rue pour me rejoindre, tu es perdu. » D’autres films de Claude Sautet, en particulier Un cœur en hiver, illustrent la problématique Poissons d’engagement [50]. Comme les héros de Sautet, l’inadapté du Signe ne parvient à franchir la frontière entre velléité et volonté qu’à partir du moment où ses louvoiements ont définitivement pourri la situation.

L’identité de traitement des contraires incite à émettre des avis qui s’annulent et débouchent sur le néant. « À aimer son pareil on s’ennuie, pensait Paul Morand, à aimer son contraire on s’irrite. » « C’est vivre et cesser de vivre qui sont des solutions imaginaires », lit-on dans l’un des Manifestes du surréalisme. « Lâchez la proie pour l’ombre », préconisait son auteur, André Breton. « Je crois assez à cette frange entre le tout et le rien, a confié Isabelle Huppert : étant atteinte par tout, la seule solution est en fait de ne se laisser atteindre par rien. [51] » « Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve… », « Je t’aime… moi non plus… », doit-on à Serge Gainsbourg qui pensait par ailleurs que « quand on a tout, on n’a rien ».

L’absolu hivernal n’étant pas à la portée du tout-venant, l’ensemble de ce profil se traduit par la difficulté globale à avoir un but. « Quel était le noir de ma cible ? se demandait Paul Morand. Pour mes amis, c’était leur œuvre, leur carrière, ou les deux. Je ne rêvais que d’une liberté totale… Qu’attendais-je donc d’une émancipation définitive, d’une indépendance que la mort seule peut donner ? (…) S’élever dans la condition d’homme ou satisfaire ses instincts ? (…) Portais-je en moi les germes de ce délit de fuite dont l’homme d’aujourd’hui fait ses délices ? » Le pluriel de Venises, titre du livre d’où est tiré cet extrait, évoque celui de « Poissons ». Avec les Gémeaux, ce Signe est le seul du zodiaque qui soit au pluriel. Pour les Gémeaux, le pluriel va de soi et le terme « Gémeaux » exprime la multiplicité d’un Signe qui porte à avoir beaucoup de cordes à son arc, ainsi qu’à imaginer les autres pareils à soi. S’appuyant sur la Tradition, Jean-Pierre Nicola explique que l’un des Poissons — celui de la nuit qui court à sa défaite — va devoir retourner aux eaux primordiales dont toute vie est issue, alors que l’autre — celui du jour qui court à sa victoire — va devoir en émerger. Le symbole montre l’ambivalence « un pas en arrière pour un pas en avant », à laquelle prédispose le dernier Signe de la dernière saison. L’inadapté se laisse ballotter au gré de ses ambivalences, l’adapté les transcende.

Cet article vous a été proposé par Françoise Hardy

[1] Paul Morand, Venises, Gallimard.

[2] Interview accordée à l’auteur pour Entre les lignes, entre les Signes, Éditions RMC, 1986.

[3] Jean Renoir, Pierre-Auguste Renoir, mon père, Gallimard.

[4] Voir note précédente.

[5] Une barque sur l’océan est une œuvre de Maurice Ravel, natif des Poissons.

[6] Tomas Pérez Turrent et José de la Colina, « Conversations avec Luis Buñuel. Il est dangereux de se pencher au-dedans », Cahiers du cinéma.

[7] Perdre sa propre importance, est une injonction que l’on trouve dans Le Voyage à Ixtlan ou les Leçons de Don Juan, de Carlos Castaneda (Soleil en Capricorne, Uranus en Poissons), Gallimard.

[8] Voir note 3.

[9] Interview de James Lipton dans l’émission « Actors Studio ».

[10] Bruno Monsaingeon, Sviatoslav Richter : Écrits et conversations, Actes Sud. Les dominantes planétaires de Richter, Saturne et Pluton, accentuent le détachement Poissons. En tant que Signe Ascendant, le Sagittaire concerne l’éclectisme de son répertoire.

[11] Pascal Nivelle, Libération, octobre 2002.

[12] Interview d’Emmanuel Tellier, Les Inrockuptibles, septembre i993.

[13] Voir note 10.

[14] Paul Morand, Entretiens avec Jean José Marchand, La Table ronde.

[15] Vincente Minnelli, Tous en scène, Ramsay « Poche Cinéma ».

[16] Interview de James Lipton pour l’émission « Actors Studio ».

[17] Tomas Pérez Turrent et José de la Colina, « Conversations avec Luis Buñuel. Il est dangereux de se pencher au-dedans », Cahiers du cinéma.

[18] Voir note 3.

[19] E. A. Poe, Soleil Capricorne, Ascendant Scorpion. Vénus, Lune, Pluton, Jupiter en Poissons. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de littérature fantastique, dont ses célèbres Histoires extraordinaires.

[20] Robert Louis Stevenson est l’auteur, entre autres, de L’Île au trésor. Soleil Scorpion, conjonction Lune-Neptune en Poissons. Si le Scorpion sensibilise au conflit entre le bien et le mal et à l’électricité qui en surgit, les Poissons favorisent une sorte de médiumnité.

[21] Comparativement, le Scorpion est au contraire « branché » sur la pensée dominante, tout en cherchant s’en démarquer et en dénoncer les approximations.

[22] Interview accordée à l’auteur, octobre 2000.

[23] Arlette Laguiller est Poissons Ascendant Vierge. La Vierge accentue les prédispositions Poissons à l’effacement, à la modestie et au dévouement pour les humbles.

[24] On ne sait plus trop, en l’occurrence, où finit la fidélité et où commence l’aveuglement. Malgré tout, même si l’aveuglement relève de l’inadaptation, la non-remise en cause d’un idéal fixé une fois pour toutes est un moyen d’adaptation dans la mesure où une conviction, une vocation donnent une grande force.

[25] Selon une source en provenance du FBI, Oussama Ben Laden serait né le 10 mars 1957 à Djeddah, en Arabie Saoudite. Notons que Ben Laden use et abuse de la faculté hivernale de se rendre invisible, puisque au moment de la rédaction de ces lignes, le monde entier ignore où il est et n’est pas sûr qu’il soit en vie.

[26] Alain Louyot, avec les services de L’Express.

[27] Réponses de l’écrivain américain, auteur, entre autres, du Monde selon Garp et de L’Œuvre de Dieu, la part du diable, à des questions posées par des visiteurs du site de son éditeur.

[28] On peut mettre le « je » en rapport avec l’individualisme du jour printanier ou estival, le « nous » avec la socialisation de la nuit automnale, et le « il y a » avec l’absolu hivernal.

[29] Interview de Léo Malet par Jean-Louis Ezine, publiée dans Écrire, lire et en parler, Robert Laffont.

[30] Interview Paris Match, mars 1999.

[31] Interview de Paul Amar pour « Recto Verso », Paris Première, octobre 2002.

[32] Michèle Morgan, Avec ces yeux-là, Robert Laffont.

[33] Il s’agit de Homer Wells, le personnage principal — et typiquement Poisson s— de L’Œuvre de Dieu, la part du diable, adapté au cinéma par John Irving pour Lasse Hallström.

[34] Dans leurs aspects inadaptés, les Signes de solstice portent à les confondre, ce qui n’est pas la même chose.

[35] Jean-Jacques Brochier, Magazine littéraire, mai 1988.

[36] Interview accordée à l’auteur en janvier 1999. D’autres facteurs—le fait d’avoir été abandonné par ses parents en premier lieu, une dominante Saturne-Pluton, une dissonance Lune-Pluton ensuite—accentuaient fortement chez Michel Houellebecq la propension Poissons à se sentir déclassé.

[37] Interview faite par l’auteur, Entre les lignes, entre les Signes, Éditions RMC, 1986.

[38] L’enfance catastrophique de Kurt Cobain a évidemment amplifié les dispositions dépressives de son Signe solaire.

[39] Paul Morand, Venises, Gallimard.

[40] Sautet exagère bien sûr et personne à part lui ne songerait à lui reprocher d’avoir fait le même film toute sa vie.

[41] Interview accordée à l’auteur, janvier 1999.

[42] Poissons par l’Ascendant et une conjonction Vénus-Mercure dominante, Serge Gainsbourg a écrit une chanson qui porte le titre de L’Aquoiboniste.

[43] Les dominantes planétaires de Claude Sautet, Mars et Jupiter en Sagittaire à la dissonance d’Uranus en Poissons, le prédisposaient à des tensions dont la double contention uranienne et Poissons favorisait l’explosion inadéquate.

[44] Daniel Auteuil : Verseau Ascendant Balance. Neptune dominant.

[45] Paul Morand avait l’axe Sagittaire-Gémeaux de mouvement et de rapidité valorisé par l’occupation de planètes en heure de puissance.

[46] Quand la vitesse compte beaucoup dans la vie d’un natif des Poissons, il faut en chercher la raison ailleurs que dans son Signe solaire. Alain Prost, par exemple, a les Gémeaux comme Signe Ascendant et Mars en Bélier.

[47] Voir note 37.

[48] Interview accordée à l’auteur, 2000.

[49] Les Inrockuptibles, avril 2000.

[50] Le fait que Claude Sautet ait été Poissons Ascendant Vierge, avec la Lune en Balance, accentuait son problème d’indécision.

[51] Voir note 37.

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