Cela s’est passé samedi 7 avril 2001, vers 13 h 30, sous les ors de la Sorbonne et les flashes de meutes de photographes. Le président d’un jury vient d’annoncer que Germaine Hanselmann, plus connue sous le pseudonyme d’Élizabeth Teissier, est déclarée “digne du titre de docteur en sociologie, avec mention très honorable” suite à sa soutenance de thèse sur la “Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination-rejet dans les sociétés postmodernes”. Scandale : l’astrologie ferait son retour à l’université ! Que s’est-il réellement passé ? Pour le comprendre, un peu d’Histoire…
Entre 1450 et 1650, l’astrologie savante a connu un véritable âge d’Or. Les plus grands esprits s’y intéressaient et, même si elle avait déjà ses détracteurs scientistes ou religieux, elle était officiellement enseignée dans de très nombreuses universités européennes. Copernic (1473–1543), Kepler (1571–1630) et Galilée (1564–1642), ces géants qui fondèrent l’astronomie et la physique moderne, étaient tous trois astrologues ou astrologisants. Mais en même temps sévissait une astrologie populaire entachée de superstitions.
L’essor de la science rationaliste et la guerre de Trente Ans, qui opposait catholiques et protestants et qui ravagea l’Europe entre 1618 et 1648, mirent fin à cet âge d’Or. D’une part, l’héliocentrisme (pourtant découvert et défendu par des astrologues contre les universitaires de l’époque !) remettait en cause les fondements géocentriques de l’astrologie ; d’autre part, la guerre de Trente ans favorisa l’apparition de faux prophètes catastrophistes et d’astro-charlatans dont les prévisions horoscopiques hallucinées finirent par faire perdre tout crédit à la science des astres.
En 1670, prenant acte des progrès de la science et des errements de l’astrologie populaire, l’homme d’État Jean-Baptiste Colbert (1619–1683) prend la décision officielle d’interdire l’enseignement à l’Académie des Sciences qu’il avait fondée en 1666. Rationaliste convaincu, il jette ainsi le bébé de l’astrologie savante avec l’eau (très saumâtre il est vrai) du bain des superstitions horoscopiques.
Les universitaires favorables à l’astrologie doivent désormais se cacher. Du reste, ils sont de moins en moins nombreux : la vision du monde mécaniste de la science officielle est incompatible avec celle de l’astrologie. Rejetée aux marges du savoir, réduite à un art divinatoire exercé par des mages ou des escrocs, la science des astres dépérit rapidement. Son âge d’Or est bel et bien fini, et sa traversée du désert va durer deux siècles et demi.
Le XXe siècle voit la renaissance de l’astrologie. Le psychologue Carl-Gustav Jung n’hésite pas à écrire que “Si des gens dont l’instruction laisse à désirer ont cru pouvoir, jusqu’à ces derniers temps, se moquer de l’astrologie, la considérant comme une pseudo-science liquidée depuis longtemps, cette astrologie, remontant des profondeurs de l’âme populaire, se présente de nouveau aujourd’hui aux portes de nos universités qu’elle a quittées depuis trois siècles.”
Effectivement, de nombreux travaux universitaires vont être consacrés à l’astrologie, le plus souvent du point de vue de l’histoire des sciences, comme par exemple l’excellent Kepler, astronome-astrologue de Gérard Simon en 1979, ou de celui de la sociologie, comme dans Le Retour des astrologues, recherche collective réalisée sous la direction d’Edgar Morin dans les années soixante.
Contrairement à ce qu’elle cherche à faire croire, Élizabeth Teissier n’est donc pas la première à consacrer une thèse universitaire à la science des astres. Par contre, cela fait longtemps qu’elle milite pour la création d’une chaire d’astrologie à la Sorbonne. Certaines pages de son livre Sous le signe de Mitterrand, qui relatait ses sept ans d’entretiens avec l’ex-Président de la République nous en apprennent long sur les rapports de l’astrologie avec le pouvoir politique et de ce dernier avec les institutions universitaires.
En 1992, grâce à l’intervention de François Mitterrand, elle obtient un rendez-vous avec le Recteur de l’Académie de Paris pour lui demander de créer un D.E.A. (Diplôme d’Études Approfondies) d’astrologie à Paris IV, dans le cadre de la section d’histoire des religions et de sociologie. Le Recteur l’informe du fait ce genre de décision dépend de l’ensemble des universitaires. Elle rencontre alors le président de la Sorbonne, à qui elle demande de diriger sa thèse de doctorat en astrologie, ce qu’il accepte, mais en la prévenant que ce ne sera possible que s’il obtient un consensus majoritaire auprès des professeurs titulaires de chaire… ce qui est loin d’être acquis pour deux raisons majeures : l’anti-astrologisme primaire sévissant à l’université, et la nécessité de débloquer des fonds du ministère de la Culture pour créer un poste d’enseignant.
À cette époque, la pythie vient de sortir Étoiles et molécules, un livre d’entretiens avec le neurophysiologiste Henri Laborit, et profite de cette occasion pour participer avec le vieux savant à une table ronde sur le sujet “Astrologie et Science” à la Sorbonne, tout en continuant à faire le forcing auprès de Mitterrand. Mais le ministre de la Culture d’alors, Jack Lang, fait la sourde oreille, et la défaite de la gauche aux législatives de 1993 enterre tous les espoirs de Teissier. Avec l’alternance du pouvoir, les dirigeants universitaires ont changé, et ne veulent plus entendre parler de chaire d’astrologie.
On assiste alors à la sainte alliance du sabre scientiste et du goupillon catholique contre la “sorcière” : “Moi vivant, déclare le nouveau président de Paris-IV, l’astrologie n’entrera jamais à l’Université ! Il faudra me passer sur le corps ou me tuer. Je m’y refuse, car je suis catholique pratiquant !” Jean-Claude Pecker, astronome athée, lui fait écho dans une lettre au Recteur : “L’astrologie d’aujourd’hui, celle de madame Teissier, avec des mots ‘scientifiques’, n’énonce que des contre-vérités, aussi bien en matière psychologique qu’en astronomie… Si ce n’était un rejet formel de la ‘proposition’ de madame Teissier, vous auriez certainement affligé tous, sans exception, les scientifiques, psychologues compris, dépendant de votre administration !”
Neuf ans plus tard, Élizabeth Teissier est donc de retour à la Sorbonne. Cela n’a pas été sans mal, puisque la veille du 7 avril, l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS), une secte rationaliste universitaire, était intervenue sans succès auprès du président de l’université Paris-V pour obtenir le report de la soutenance et la présence d’astronomes au sein du jury.
Je n’ai pas lu la thèse de la désormais sociologue, je n’en parlerai donc pas. Mais quand je lis qu’elle y insiste sur l’exploitation que les médias font de l’astrologie “entre sensationnalisme et opportunisme” (c’est exactement sa carte — du ciel ? — de visite) ; quand je sais que, si elle avait une chaire d’astrologie, elle y enseignerait magistralement la corrélation entre les accidents ferroviaires meurtriers et les dissonances Mars-Saturne (pur délire divinatoire régulièrement démenti par les faits), l’astrologue que je suis se dit qu’il vaut mieux que l’astrologie reste en-dehors de l’université plutôt que d’y être aussi mal représentée.
Dans cette affaire, quelle est la motivation profonde d’Élizabeth Teissier ? Elle dit être persuadée qu’il “serait souhaitable qu’un diplôme atteste la compétence des astrologues sérieux, pour séparer le bon grain de l’ivraie, écarter les charlatans et les incapables”. Bel idéal… mais qui serait le juge ? Au nom de tous les astrologues sérieux, je frémis à la pensée que ce pourrait être elle.
Mais d’abord, est-ce vraiment en faisant entrer l’astrologie à l’université qu’on mettra fin à une “situation qui entraîne ignorances et abus charlatanesques”, comme le prétend Teissier ? Après tout, les têtes d’œufs universitaires ont depuis des siècles démontré leur aptitude à raconter n’importe quoi et à s’opposer aux avancées du savoir.
La morale de cette histoire, c’est le médecin et chercheur Henri Laborit, grand découvreur de médicaments et franc-tireur inclassable, qui l’a le mieux formulée dans le Figaro du 09/02/1994 : “Je pense que nous faisons partie du cosmos, qui doit agir sur nous. Mais si l’astrologie est une approche parcellaire de la réalité, pourquoi vouloir la faire entrer à la Sorbonne ? Je ne vois pas l’intérêt pour elle. Les disciplines qui y sont enseignées n’en sortent pas grandies.”
Texte paru dans Astrologos n° 5, juin 2001.
Depuis la rédaction de cet article paru dans la revue Astrologos que j’avais créée et dirigée avant qu’elle ne devienne ce qu’elle est devenue, c’est-à-dire un ramassis de ce que l’astrologie magicosymboliste peut produire de pire, de plus idiot et fataliste, depuis que la grandiose Pascale Bergeron l’a rachetée à l’éditeur qui prenait sa retraite, j’ai lu la pseudo-thèse de sociologie de Calamity Jane, parue chez Plon sous le titre L’Homme d’aujourd’hui et les astres, fascination et rejet.
C’est gros, indigeste, inepte, farci de citations d’auteurs prestigieux masquant le vide sidéral de la pensée de Calamity Germaine, c’est de la très mauvaise astrologie et ça n’a strictement rien à voir avec quelque travail de sociologie sérieux. Bref c’est du Teissier à l’état pur : des paillettes, de l’autopromotion narcissique et du commerce vulgaire. C’est une insulte à l’astrologie et à la sociologie sérieuses. Beurk.
Mais après avoir balayé dans notre cour d’astrologues, n’oublions pas que les sociologues ont aussi beaucoup de ménage à faire. Suite aux cris d’orfraie que ceux-ci ont poussés en voyant avec horreur l’astrologie intestissant la Sorbonne, je vous conseille de lire ces propos d’un sociologue marxiste-tiers-mondiste et certainement anti-astrologue mais néanmoins lucide quant à l’état de la sociologie universitaire.
▶ Élizabeth Teissier ou Calamity Germaine à la Sorbonne
▶ La grippe aviaire d’Élizabeth Teissier
Les significations planétaires
par
620 pages. Illustrations en couleur.
La décision de ne traiter dans ce livre que des significations planétaires ne repose pas sur une sous-estimation du rôle des Signes du zodiaque et des Maisons. Le traditionnel trio Planètes-Zodiaque-Maisons est en effet l’expression d’une structure qui classe ces trois plans selon leur ordre de préséance et dans ce triptyque hiérarchisé, les Planètes occupent le premier rang.
La première partie de ce livre rassemble donc, sous une forme abondamment illustrée de schémas pédagogiques et tableaux explicatifs, une édition originale revue, augmentée et actualisée des textes consacrés aux significations planétaires telles qu’elles ont été définies par l’astrologie conditionaliste et une présentation détaillée des méthodes de hiérarchisation planétaire et d’interprétation accompagnées de nombreux exemples concrets illustrés par des Thèmes de célébrités.
La deuxième partie est consacrée, d’une part à une présentation critique des fondements traditionnels des significations planétaires, d’autre part à une présentation des rapports entre signaux et symboles, astrologie et psychologie. Enfin, la troisième partie présente brièvement les racines astrométriques des significations planétaires… et propose une voie de sortie de l’astrologie pour accéder à une plus vaste dimension noologique et spirituelle qui la prolonge et la contient.
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Pluton planète naine : une erreur géante
par
117 pages. Illustrations en couleur.
Pluton ne fait plus partie des planètes majeures de notre système solaire : telle est la décision prise par une infime minorité d’astronomes lors de l’Assemblée Générale de l’Union Astronomique Internationale qui s’est tenue à Prague en août 2006. Elle est reléguée au rang de “planète naine”, au même titre que les nombreux astres découverts au-delà de son orbite.
Ce livre récapitule et analyse en détail le pourquoi et le comment de cette incroyable et irrationnelle décision contestée par de très nombreux astronomes de premier plan. Quelles sont les effets de cette “nanification” de Pluton sur son statut astrologique ? Faut-il remettre en question son influence et ses significations astro-psychologiques qui semblaient avérées depuis sa découverte en 1930 ? Les “plutoniens” ont-ils cessé d’exister depuis cette décision charlatanesque ? Ce livre pose également le problème des astres transplutoniens nouvellement découverts. Quel statut astrologique et quelles influences et significations précises leur accorder ?
Enfin, cet ouvrage propose une vision unitaire du système solaire qui démontre, chiffes et arguments rationnels à l’appui, que Pluton en est toujours un élément essentiel, ce qui est loin d’être le cas pour les autres astres au-delà de son orbite. Après avoir lu ce livre, vous saurez quoi répondre à ceux qui pensent avoir trouvé, avec l’exclusion de Pluton du cortège planétaire traditionnel, un nouvel argument contre l’astrologie !
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