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en Astrologie Naturelle

Verseau
Le rythme Verseau

Le rythme du Soleil en Verseau repose sur l’écart moyen entre la nuit qui domine mais décroît, et le jour dominé mais qui a augmenté par rapport au Signe précédent et continue de le faire.

Verseau

Verseau : profil adapté

Verseau

Première facette : force d’excitation recréatrice

Concentration de la fermeture capricornienne qui débranche, déconditionne, distancie du monde, et retournement en ouverture ou excitabilité qui « re-crée » le monde…

Le déclin de la nuit dominante de l’hiver sensibilise au « non-moi » de l’absolu qui déconnecte du « non-moi » fluctuant du monde extérieur. Au Capricorne, l’écart maximal entre la nuit majoritaire et le jour minoritaire se traduisait par une distanciation généralisée vis-à-vis du monde environnant. Au Verseau, l’écart devenu moyen favorise la concentration du détachement hivernal, ouvrant ainsi un deuxième champ beaucoup plus large d’intérêt pour les données extérieures, non telles qu’elles sont et ont été, mais telles qu’elles pourraient et devraient être dans l’absolu. Selon l’astrologie contemporaine, l’inhibition déconditionnante du Capricorne se retourne au Verseau en « excitation re-créatrice », laquelle ouvre aux signes avant-coureurs d’un monde nouveau, porteur de valeurs plus épanouissantes que celles qui avaient eu cours jusque-là.

Le couturier Paco Rabanne a résumé en quelques mots la différence de fond entre l’état d’esprit du Capricorne et celui du Verseau : « Il vaut mieux être allumé qu’éteint. Je n’ai pas peur d’être allumé. Être allumé, c’est génial [1]… » Le Verseau incite en effet à « rallumer » le monde que le Capricorne avait éteint et à bannir tout ce qui avait contribué à cette extinction : le détachement, le pessimisme, l’immobilisme. Dans son Journal, Virginia Woolf confiait qu’elle aimait « … boire du champagne et devenir follement exaltée ». L’auteur de La Traversée des apparences n’a cessé de s’opposer à la « pétrification de la vie ». « Je suis astreinte dans une certaine mesure à rompre avec toutes les routines et trouver une nouvelle manière d’être », disait-elle [2].

L’adapté du Signe ne se résigne pas, comme y prédispose globalement l’hiver, à ce que la partie — celle de la nuit qui domine encore — soit bientôt perdue. Sa façon de s’abstraire d’un présent, sombre, froid et figé, ne consiste pas à s’en couper, mais à y détecter les germes qui, à l’image du rallongement des jours, préfigurent un avenir plus rose. À quoi bon se désoler des travers d’un monde finissant alors que l’émergence du monde futur est imminente et qu’il suffit de se donner la peine de regarder autour de soi pour en voir les prémices ? « Je suis un garçon qui positive », assure Daniel Auteuil. « Ce qui est fascinant chez elle, révèle une amie de la princesse Caroline de Monaco, c’est que dans n’importe quelle situation, elle parvient à transformer le négatif en positif. Elle a le goût du bonheur. Elle est un bel exemple d’optimisme. » « Je ne suis ni optimiste ni pessimiste. Je suis simplement positive », précise Jeanne Moreau.

La nuit, symbole de « non-moi », domine toujours. La positivité Verseau ne se fonde pas comme au Lion, sur des défis et des exploits personnels, mais sur des idées et des idéaux abstraits tournant autour de la nécessité de transformer le monde et l’homme. « Changez tout ! » chante Michel Jonasz. Comparativement aux Signes socialisants de l’automne et aux deux Signes désocialisants de l’hiver, le Verseau sensibilise à l’idée d’une société moins aliénante, qui jette aux orties les contraintes, routines, conventions inutiles, pour permettre aux mentalités de voler plus haut. « Il me semble, avance l’un des personnages d’Anton Tchékhov, que sur la terre tout doit changer petit à petit, et tout change sous nos yeux. Dans deux cents, trois cents, enfin… mille ans peut-être, ce n’est pas le délai qui compte, s’instaurera une vie heureuse. Nous n’y prendrons certes pas part, mais c’est pour cette vie-là que nous vivons aujourd’hui, que nous œuvrons, c’est elle que nous créons et là est le seul but de notre existence et, si vous voulez, notre bonheur [3]. »

Jacques Prévert a entretenu autant qu’il l’a pu ses amis dans le besoin. Il a aussi aidé à se cacher ceux qui étaient en danger pendant l’Occupation [4]. La conception Verseau de l’homme se fonde sur le désintéressement, la générosité et l’altruisme qui sont innés chez de nombreux natifs. Elle implique que l’argent soit un moyen et non une fin. L’adapté du Signe n’est pas matérialiste et voit d’un mauvais œil ceux qu’obsède le profit financier. Né sous ce Signe, Pierre Tchernia montre dans Le Viager — son film le plus réussi et le plus drôle — un homme âgé, interprété par un autre Verseau, Michel Serrault, qui enterre à tour de rôle tous les membres de la famille qui a spéculé sur sa mort. Dans The Insider, le réalisateur Michael Mann [5] dénonce le manque inqualifiable de scrupules de gros industriels du tabac qui n’hésitent pas à mettre gravement en danger la santé publique, en vue d’augmenter leur chiffre d’affaires. Abraham Lincoln, qui a mis fin à l’esclavagisme aux États-Unis, était Verseau Ascendant Verseau. Pour la plupart des natifs, l’argent devrait d’abord servir à dégager l’homme des contingences matérielles qui empêchent ou gênent son évolution. « Peter Gabriel, écrit une journaliste, traîne une réputation de précurseur éclairé. (…) Il peut discourir longuement sur le thème “la technologie améliore l’humain [6]”… »

« Si réussir sa vie, c’est être une grand-mère entourée d’une pléiade de petits enfants dans une maison bourgeoise avec toute une smala de gens… ce n’est pas mon idée de la réussite d’une vie… », ne s’est pas privée d’affirmer haut et fort Jeanne Moreau. « Si je me suis mariée trois fois, c’est uniquement par politesse, a signalé Juliette Gréco. J’appartiens à qui je veux, quand je veux. » Eric Clapton a prétendu qu’il avait rompu avec la chanteuse Sheryl Crow parce qu’elle ne voulait pas sacrifier un pouce de sa carrière à sa vie privée — l’intéressée n’a pas confirmé. Les célébrités Verseau du sexe dit « faible » se sont distinguées en s’affirmant en dehors du cadre traditionnel de la femme au foyer, sans se soucier du qu’en-dira-t-on. Après la naissance de son fils, Yoko Ono a inversé les rapports père/mère habituels, puisque John Lennon restait à la maison pour s’occuper du bébé, pendant qu’elle se consacrait à leurs affaires. Née en 1873, Colette a eu un parcours de femme libre, très sulfureux pour l’époque. Elle s’est dégagée d’un premier mari qui avait abusivement trompé et exploité la jeune amoureuse aussi éperdue qu’innocente qu’elle était, et a longtemps gagné sa vie comme danseuse nue avant de vivre de sa plume avec des ouvrages comme Le Blé en herbe ou Chéri qui firent scandale lors de leur parution. Ayant par la suite divorcé d’un second mari, elle a entretenu à la cinquantaine passée une liaison avec son très jeune beau-fils, pour épouser, à l’âge de soixante-deux ans et en troisièmes noces, un homme de plusieurs années son cadet.

« Je prends la voie du haut car celle du bas est trop encombrée », a joliment déclaré Mia Farrow lors de sa fracassante rupture avec Woody Allen. L’actrice américaine, dont le frère assure qu’elle a le chic pour donner un parfum d’aventure à tout, a actualisé à sa façon l’altruisme Verseau en adoptant un grand nombre d’enfants, dont certains étaient lourdement handicapés [7]. L’adapté du Signe ne perd pas un temps compté — nous sommes en fin de cycle — avec des êtres ou des situations glauques : il s’en écarte ou tente d’élever le débat. C’est la lumière, au sens propre comme au sens figuré, qui l’intéresse, et chacun sait qu’elle brille mieux sur les hauteurs que dans les bas-fonds. Les œuvres des artistes du Signe témoignent de cette attirance particulière pour la lumière, assimilée au bonheur, à la joie, au printemps qui arrive, mais aussi et surtout à l’esprit qui permet de dépasser les instincts auxquels obéissent aveuglément les êtres trop englués dans la matière. Le premier film tourné par Jeanne Moreau en tant que réalisatrice s’intitulait Lumière, Yoko Ono a baptisé l’un de ses albums Projet pour un lever de soleil. Auteur de poèmes et de scénarios, Jacques Prévert a signé : Lumières d’homme, Le jour se lève, Le soleil a toujours raison, Lumière d’été… Natif du Verseau, l’inventeur américain Thomas Edison a conçu puis fabriqué l’ampoule électrique, en basant ses recherches sur la volonté farouche que cette façon révolutionnaire de s’éclairer soit accessible à tous.

La personne très marquée par le Signe se sent — tout au moins se veut — aussi étrangère au matérialisme excessif qu’aux émotions triviales telles que l’envie, la jalousie et la possessivité. « Au nom de la liberté des êtres », Jacques Prévert prétendait « ne pas connaître la jalousie [8] » — ce qui n’était pas tout à fait exact —, et Yoko Ono aurait mis elle-même une autre femme dans le lit de son époux, parce que la relation entre eux s’étiolait. Sur ce plan comme sur les autres, le natif fonctionne différemment du commun des mortels et met l’amour au-dessus des mesquineries qui s’y rattachent couramment, qu’elles soient imputables aux vieilles injonctions socioreligieuses ou à l’étroitesse d’esprit individuelle courante. Seuls comptent les sommets auxquels l’amour fait accéder et où il se situe. Ne pouvoir aimer deux êtres en même temps, par exemple, ou être deux à aimer le même, sans que cela tourne au drame ou au scandale, fait partie des habitudes sociales dont le vécu de certains Verseaux tend à montrer l’absurdité. Dans sa prime jeunesse, Charlotte Rampling a choqué le Swinging London en vantant les charmes du ménage à trois. « Pourquoi ne pourrais-je pas me marier avec les deux ? » demandait-elle ingénument [9]. Le film de François Truffaut Jules et Jim ne traitait pas d’autre chose. Jeanne Moreau, qui y tenait le rôle principal, a fui la convention toute sa vie, et, bien avant elle, Virginia Woolf et Colette, qui considéraient la bisexualité comme naturelle, ont prouvé que l’amour pour l’un n’excluait pas celui pour l’autre. Si la Tradition a établi un rapport entre le Verseau et l’amitié, c’est parce qu’il s’agit là d’un domaine qu’aucun sentiment bas de captation, d’exclusivisme, de rivalité, de calcul, d’atteinte même minime à la liberté — la sienne et celle de l’autre —, n’est censé entacher. Comme les Gémeaux et la Balance, le Verseau est un Signe de liberté et de communication, mais à niveau d’évolution égal, il prédispose à une plus forte exigence de hauteur spirituelle.

« Je suis la personne la moins nostalgique du monde. Je n’ai qu’une idée, c’est de voir ce qui va se passer tout à l’heure. Les contacts humains, les rencontres [10]… » a confié Juliette Gréco à un âge avancé. « Il est interdit de regarder dans le rétroviseur. Il faut mettre la pression pour avancer », insiste le poète et chanteur Jean-Louis Murat. Selon ses propres dires, dès que Marcel Dassault avait fait un avion, il ne pensait plus qu’au suivant [11]. L’adapté du Verseau est dans une dynamique qui l’incite à ne pas se reposer sur ses lauriers, encore moins à ressasser aujourd’hui les insatisfactions d’hier. « J’aimerais laisser le souvenir d’un gars qui a su grandir sans pour autant célébrer ses victoires, de quelqu’un qui n’a pas été béatement satisfait de lui-même et qui n’a pas été battu par un échec », a souhaité Paul Newman.

L’imagination prospective dont dote cette facette fait anticiper la lueur que ne manqueront pas de faire jaillir les ténèbres, la sortie à laquelle mène toujours le tunnel, la réussite dont l’échec est secrètement porteur… Fort de sa faculté d’espérance, le natif a le chic pour galvaniser son entourage. Comme l’acteur Jack Lemmon, il « propage son rayon de soleil [12] ». « J’ai l’impression qu’il y a toujours quelque chose de nouveau à attendre, a constaté Jeanne Moreau, et je me trouve même incorrigible d’avoir une si grande faculté d’espérance et de curiosité… Je suis absolument inépuisable et c’est pourquoi mes amis veulent venir chez moi lorsqu’ils vont très mal : il ne me faut qu’une courte période de réflexion pour voir tout d’un coup, avec une clarté aveuglante, ce qu’il y a de bénéfique dans les désastres… »

Transformer les handicaps en atouts, les obstacles en tremplins, les inconvénients en avantages, les « impasses en avenues », comme dirait Michel Serrault, est l’une des actualisations de la fonction re-créative du Signe. « L’adversité a toujours eu sur moi des effets salutaires », a écrit dans ses Mémoires le toujours sémillant et enthousiaste Arthur Rubinstein. Mais la plus belle illustration de l’aptitude Verseau à positiver quand tout semble perdu vient sans doute de Django Reinhardt qui a eu la main droite brûlée à l’âge de 18 ans et est devenu avec les trois doigts qui lui restaient le guitariste le plus novateur de son temps.

Pour l’artiste du Signe, rien ne sert de s’exprimer si c’est pour reproduire ce qui existe déjà. Tout grand artiste, quel que soit son Signe zodiacal, est par définition un précurseur, mais artiste ou non, petit ou grand, le natif du Verseau est attiré sinon par l’avant-garde, du moins par ce qui sort des sentiers battus. « J’aimais les choses inattendues », a confié le grand violoniste de jazz — très novateur lui aussi — Stéphane Grappelli, qui a été séduit par Django Reinhardt avant même de l’entendre, parce que, disait-il : « Il avait une tête différente, les yeux surtout. » François Truffaut a aimé le cinéma à cause de la dimension « extraordinaire » qu’il met dans la vie ordinaire. Certains Verseaux s’intéressent à la science-fiction pour les mêmes raisons. L’un des pères du genre, Jules Verne, a intitulé l’ensemble de son œuvre Voyages extraordinaires. Jules Verne n’aura d’ailleurs voyagé qu’avec son esprit, véhicule de prédilection du Signe.

Marqués l’un et l’autre par le Verseau, les grands couturiers Paco Rabanne et André Courrèges [13] ont révolutionné la mode avec la coupe futuriste de leurs vêtements et l’utilisation de matériaux insolites. En littérature, James Joyce a tellement renouvelé l’écriture avec Ulysse, que beaucoup de gens n’ont pas pu le lire. « Nous devons écrire dangereusement, recommandait-il. De nos jours, tout est soumis au flux du changement, et la littérature moderne, pour être valable, doit exprimer ce flux… Ce que nous voulons éviter, c’est le classique avec ses structures rigides et les limitations qu’il impose aux émotions. (…) Bien que vous critiquiez Ulysse, disait Joyce à un ami, la seule chose qu’il vous faut cependant reconnaître, c’est d’y avoir libéré la littérature de ses contraintes séculaires. » « C’est l’esprit qui commande aux faits, non les faits à l’esprit », affirmait par ailleurs le grand écrivain irlandais [14].

« L’heure de la fin des découvertes ne sonne jamais, assurait Colette six mois avant sa mort, le monde m’est nouveau à mon réveil chaque matin et je ne cesserai d’éclore que pour cesser de vivre. » « Tant que je ne suis pas morte, il n’y a rien à faire : je me lève », affirme Juliette Gréco. L’adapté du Signe a la foi de celui qui, bien que gardant la balle dans son camp, se projette assez loin et de façon assez altruiste dans le temps, pour se conforter avec l’idée que lorsqu’il sera hors-jeu, la partie reprendra d’une façon différente et sera encore plus excitante que celle qui s’achève. « C’est bien beau de me récompenser pour ce que j’ai fait, déclarait Jeanne Moreau à plus de soixante-dix ans lors d’un hommage qui lui était rendu, mais ce qui compte, c’est le futur. Ce qui m’intéresse, c’est de passer le flambeau. »

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Deuxième facette : lenteur d’inhibition

Décroissance du processus dominant : lenteur. Nuit : inhibition. Décroissance de la nuit dominante : lenteur d’inhibition. Défenses immuables. « Non » permanent.

La lenteur d’inhibition propre à la décroissance de la nuit dominante de l’hiver se traduit par l’aptitude à rester imperméable à ce qui est secondaire, pour mieux aller au bout des priorités. Si sa première facette prédispose l’adapté du Verseau à réagir contre la démotivation et le pessimisme ambiants en trouvant des raisons d’espérer, la lenteur d’inhibition de sa deuxième l’incite à ne pas donner prise à ce qui entrave sa dynamique. Le natif a beau se montrer ouvert, stimulé et stimulant, il est moins influençable, moins tête en l’air, plus stable et volontaire, plus fermé et monolithique aussi, qu’il ne le paraît. Que vaudraient les notions d’espoir, de libération, d’innovation, si elles n’étaient que des mots et ne se concrétisaient pas dans une action menée avec détermination, ténacité et passion ? « Je pense que tout ce qui vaut vraiment la peine exige qu’on y consacre de la passion », déclarait Jack Lemmon à la fin de sa vie [15]. « Le sentimentalisme n’est jamais fort et il ne peut pas l’être, affirmait James Joyce. C’est un lambeau, bien chaud, bien confortable… La passion crée et détruit, alors que le sentimentalisme n’est qu’un remous qui retient toutes sortes d’ordures, et je ne vois pas une seule œuvre sentimentale qui ait survécu au-delà de deux générations [16]. » Si croire en son étoile est facile quand tout va bien, ça l’est moins quand tout va mal. L’adapté du Verseau ne cède pas au découragement et entretient l’intime conviction qu’en ne relâchant pas ses efforts et en donnant son maximum, il finira immanquablement par tout surmonter. La fermeté de sa foi en des jours meilleurs est inébranlable.

Selon la façon dont elle s’exprime, l’ouverture au monde de la première facette peut masquer la forme de fermeture qu’est la détermination de la seconde ou, à l’inverse, être masquée par elle. Si farfelu qu’il paraisse, Michel Serrault a eu la vocation de « clown » très tôt et n’en a jamais démordu. Il n’a pas non plus remis en question sa foi catholique quand sa fille adolescente a été fauchée par un chauffard. Derrière son optimisme à tout crin, sa bougeotte, son goût pour les fêtes et les mondanités, Arthur Rubinstein a toute sa vie travaillé le piano trois heures par jour et donné des concerts jusqu’à un âge très avancé. Malgré une existence agitée et un anticonformisme à la limite de la provocation, Colette a écrit jusqu’à son dernier souffle avec une exigence qui lui faisait cent fois sur le métier remettre son ouvrage…

Si ce sont la retenue et la distance, plus représentatives de la deuxième facette, que dégagent a priori d’autres natifs, il ne faut en général pas chercher longtemps pour trouver le grain de folie — le grain de printemps— spécifique de la première. Passionné de cinéma jusqu’à la fin de sa vie, François Truffaut a fustigé dans ses articles de nombreux réalisateurs dont il estimait les films dépassés, tout en s’emballant régulièrement pour d’autres, au point de devoir mettre un bémol à son enthousiasme, afin de ne pas indisposer les interlocuteurs qu’il souhaitait convaincre. Paul Newman, Vanessa Redgrave, Jeanne Moreau, Charlotte Rampling, James Spader [17] ont beau impressionner par leur abord austère, ils sont aussi des « allumés », toujours prêts à plonger dans des entreprises inattendues, folles, risquées, susceptibles d’abattre les préjugés, de briser les tabous et créer la surprise. « Il faut essayer sans cesse », a préconisé Paul Newman [18]. L’ouverture inconditionnelle à ce qui permet de re-naître, ré-nover, re-nouveler, re-considérer, re-visiter, ré-former, ré-inventer, ré-générer, se combine à l’imperméabilité vis-à-vis de ce qui interfère avec la vision personnelle, dans des proportions qui varient en fonction de la personnalité et des circonstances.

L’homme du New Deal [19], le président Franklin D. Roosevelt, aura vécu l’ambivalence Verseau au très haut niveau qui était le sien. Quand, après la guerre, Winston Churchill était venu fleurir sa tombe, il avait confié : « Rencontrer Roosevelt, c’était chaque fois comme de déboucher sa première bouteille de champagne de la soirée. » Parallèlement au pétillement qui fait le charme de tant de natifs, ce grand homme d’État aura été d’une ténacité exemplaire. Paralysé des deux jambes par la poliomyélite à une époque où ce type d’infirmité excluait l’accession à la présidence des USA qu’il briguait depuis sa prime jeunesse, il a réussi à faire oublier son handicap au prix d’efforts physiques constants et parfois surhumains. Son attitude pendant la Seconde Guerre mondiale relève aussi de la lenteur d’inhibition : malgré l’hostilité unanime de l’opinion américaine, il n’a pas mis en doute un seul instant sa volonté d’aider, le moment venu, les Alliés à triompher des nazis. Sa lutte contre le conservatisme et l’esprit de système, sa foi dans le progrès et l’avenir n’ont jamais faibli malgré les circonstances difficiles qui ont assombri ses présidences successives. Peu de temps avant sa mort qui allait interrompre son quatrième mandat, Roosevelt dont la croyance en un monde et un homme meilleurs n’avait jamais faibli, déclarait : « L’important c’est de se rappeler que le cours de la civilisation reste toujours ascendant. Si on trace une ligne qui relie le milieu des sommets et des creux, cette ligne s’élève toujours. »

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Troisième facette : sens des dosages

Le pôle nocturne majoritaire bien que décroissant a face à lui un pôle minoritaire diurne d’autant moins négligeable qu’il est croissant. Aptitude à doser et combiner l’ancien et le nouveau.

L’écart jour-nuit intermédiaire qui caractérise les Signes du centre de la saison revient à ce que le pôle majoritaire (diurne ou nocturne) domine plus nettement qu’aux Signes d’équinoxe, sans pour autant que le pôle minoritaire soit en voie de disparition, comme c’est le cas aux Signes de solstice. Il en résulte un sens des rapports dominant-dominé et une facilité non seulement à négocier efficacement avec les forces adverses, mais aussi à combiner des attitudes a priori opposées pour mieux concrétiser les objectifs. En bref, l’adapté du Taureau dose l’excitabilité printanière avec son aptitude à la canaliser, pour acquérir ce qu’il convoite ou faire fructifier ce qu’il possède. L’adapté du Lion dose le sens estival des limites protectrices avec son pouvoir de dépassement, pour devenir aussi performant et invincible que possible… L’adapté du Scorpion équilibre l’associativité automnale avec sa sélectivité pointue, pour développer des alliances exclusives, stratégiques au besoin. Il revient à l’adapté du Verseau de doser le détachement hivernal vis-à-vis du monde extérieur passé et présent, avec son imagination du monde et de l’homme de demain, pour avancer et faire bouger les choses.

La fin du cycle zodiacal, qu’annonce la dégradation de plus en plus rapide de la nuit encore dominante du milieu de l’hiver, implique d’avoir dépassé les instincts de possession (Taureau), de supériorité (Lion), de pouvoir (Scorpion), et demande d’accéder à la dimension spirituelle qui constitue la dernière étape de l’évolution. Dans le Tarot de Marseille, la dernière des lames majeures, la lame XXI, qui illustre l’accomplissement et s’intitule Le Monde, montre au centre du cadre un être humain entouré aux quatre coins par les symboles des Signes fixes, tels que les représente une vieille tradition. Les trois premiers ont figure animale — celle du taureau, du lion et de l’aigle [20] —, le quatrième est un ange, symbole évident de sublimation des instincts, autrement dit de transition entre l’humain et le divin. Bien que le physique soit en rapport avec l’héritage génétique et non avec le conditionnement solaire, il est troublant d’observer que de l’allure générale ou de l’expression du regard d’un certain nombre de personnalités pour lesquelles le Verseau était occupé à la naissance, émane quelque chose d’angélique, de plus ou moins évanescent, d’« extraterrestre » : James Stewart [21], Paul Newman, James Dean, Christopher Walken [22], Vanessa Redgrave, Mia Farrow, Nastassja Kinski, James Spader, entre autres…

L’adapté du Signe n’entre pas dans le jeu des rapports de force habituels, sans les ignorer pour autant. Il fait les concessions nécessaires à la réalisation de ses rêves, à condition qu’elles ne gênent pas outre mesure son besoin d’indépendance en tout. La romancière américaine Edith Wharton [23] a développé dans ses livres les conflits opposant les intérêts collectifs aux aspirations individuelles [24] Elle a raconté le combat mené par ses personnages pour gagner le droit d’aimer et d’exister en dehors des mariages arrangés à seule fin de conforter la puissance sociale et financière des grandes familles de l’aristocratie et de la bourgeoisie d’affaires. Elle-même a d’abord dû se plier aux contraintes de son milieu comme de son époque, et contracter un mariage d’argent, tout en s’en émancipant par la suite, pour se rapprocher peu à peu de son idéal de vie. À peu près à la même époque, Colette a eu une existence hors normes qui aurait pu la mettre au ban de la société, mais ne l’a pas empêchée d’acquérir une haute respectabilité, comme en ont témoigné sa Légion d’honneur et ses obsèques nationales. L’adapté du Signe se libère des conformismes qui l’empêchent de vivre sa vie, sans pour autant se marginaliser. Il sait que la liberté totale est autant un leurre qu’un danger et qu’elle se conquiert de haute lutte. En bon Verseau, le comédien André Dussolier a toujours estimé à sa juste valeur l’importance des repères, tout en veillant à ce qu’ils ne deviennent pas des ornières. « Le travail, dit-il, c’est une manière de me repérer, de créer mon espace le plus loin possible pour ensuite voler librement. »

Dans sa jeunesse, François Truffaut, qui aura été l’instigateur le plus dynamique de la Nouvelle Vague, ne s’est pas privé de dénoncer dans les articles qu’il écrivait pour Les Cahiers du cinéma, « … les procédés usés sous lesquels le cinéma français était en train d’étouffer… », ni de critiquer de façon aussi « … virulente qu’impitoyable les gloires officielles, les sujets sans vérité et sans vie [25] ». Devenu réalisateur, il a tourné des films qui, tout en ayant un ton et des thèmes très personnels, restaient classiques,— contrairement à ceux beaucoup plus déroutants de Godard. À tel point qu’un cinéaste canadien, Gilles Derome, a pu parler de « … continuité et de renouveau, de mélange d’ancien et de moderne, de sens aigu de l’avenir comme de la tradition [26] ». Parce qu’il distingue ce qui reste actuel de ce qui est dépassé et qu’il a l’intuition du futur, l’adapté combine de façon originale l’ancien avec le nouveau, ainsi que le recul sévère de l’hiver avec le grain de folie du printemps. Il espère ainsi apporter sa pierre à l’édification d’un monde meilleur.

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Verseau : profil inadapté

Verseau

Première facette : faiblesse d’inhibition récupératrice

Croissance du jour moyen mais dominant du Taureau : sens des réalités brutes, matérielles, instinct de conservation. Croissance du jour moyen mais dominé du Verseau : manque d’instinct de conservation…

Comme pour les autres Signes du zodiaque, le profil inadapté du Verseau est une caricature du profil adapté et revient à une carence plus ou moins prononcée de la force de détachement du Capricorne et des Poissons, ainsi que des atouts du Signe inverse, le Taureau. Au jour croissant, moyen et dominant du milieu du printemps, correspond en effet le jour croissant, moyen mais dominé du milieu de l’hiver. L’adapté du Taureau est un basique qui garde les pieds sur terre. L’inadapté du Verseau est un rêveur qui a la tête dans les nuages.

Les moyens d’adaptation spécifiquement Taureau tels que le solide bon sens paysan, le pragmatisme carré, le goût des constructions solides et l’instinct de conservation, ne sont assurément pas ceux du natif du Verseau et peuvent même lui faire cruellement défaut. Tout à ses idées révolutionnaires et à ses projets mirifiques, il en relègue au dernier plan leurs aspects concrets, en particulier financiers, quand il ne les méprise pas ouvertement. Bernard Tapie raconte qu’il s’est « réveillé un beau matin en se disant qu’il allait refaire le monde » ; il a reproché au management français de « manquer d’imagination et de créativité », dénoncé « l’immobilisme consistant à rester assis sur une recette qui a fonctionné à un moment donné [27] », mis l’accent sur la nécessité pour ceux positionnés au bas de l’échelle de pouvoir espérer en grimper les échelons, et s’est d’abord rendu célèbre en reprenant des entreprises en faillite ; autant d’attitudes typiques du profil Verseau adapté. Hélas, son galvanisant discours, qui bluffait les autres autant que lui-même, allait de pair avec l’extraordinaire désinvolture financière qui l’a mené à sa perte. Valéry Giscard d’Estaing a voulu dynamiser la région auvergnate avec un Parc européen du volcanisme, Vulcania.

Mais il a trop négligé les dégâts que son projet causerait sur l’environnement et l’opération aura finalement coûté plus du double de ce que prévoyait l’estimation initiale. Du rêve à la mythomanie, il y a un pas que certains natifs ne se privent pas de franchir plus ou moins consciemment. L’exemple le plus tragique est celui de Jean-Claude Romand qui a entretenu pendant des années toute une famille dans l’illusion de ce qu’il n’était pas — un médecin-chercheur à l’OMS —, a vécu grassement sur l’argent que ses proches lui donnaient à placer, pour finir par assassiner tous les témoins de son mensonge, dès que la vérité a menacé d’éclater.

La propension à chasser de son esprit toute considération d’ordre matériel ou pratique se manifeste selon les cas, soit par l’empressement à dépenser l’argent des autres, soit par l’inaptitude à thésauriser, voire même à faire le nécessaire pour subvenir à ses besoins. Mozart est mort prématurément dans la plus grande misère, alors que tous les théâtres lyriques d’Europe s’enrichissaient avec sa musique. « Bohème, longtemps insouciant, dénué de toute ambition, plus attaché aux enchantements du rêve qu’à la réalité, il vécut pauvrement mais conscient de son génie… », révèle un résumé [28] de la courte vie de Franz Schubert. « J’étais totalement dépourvu du moindre sens de l’économie, a confessé Arthur Rubinstein dans sa biographie [29], lacune qui s’est révélée fatale pendant une grande partie de ma vie. »

« On se foutait de l’argent, on n’en avait pas. On se foutait de la bouffe, on avait faim. Toutes les valeurs étaient lumineuses… », regrette Juliette Gréco en se souvenant du Saint-Germain-des-Prés de l’après-guerre [30]. Chez certains natifs, le désintérêt pour les réalités du quotidien se traduit par une distraction difficile à concevoir. Malgré son Soleil en Taureau James Stewart [31] s’est aperçu, après avoir parcouru plusieurs kilo mètres au volant de son automobile, que son épouse, qu’il était venu chercher à la maternité où elle avait accouché de leur premier bébé, n’était pas avec lui. Dans son euphorie, il l’avait laissée sur le trottoir ! « Il oublie tout ce qui gêne, révèle l’une des filles du réalisateur Roger Vadim que de graves ennuis fiscaux ont à un certain moment obligé à fuir en Californie. De sa part, c’est une forme de générosité. » « Il oubliait toujours de venir me chercher à l’école », confirme Christian, le fils qu’a eu Vadim avec Catherine Deneuve. « J’ai fait mieux, a renchéri l’intéressé, Vanessa, Nathalie et Christian habitaient à Paris, Londres et Rome avec leurs mamans respectives. J’ai un jour mélangé les avions et renvoyé chaque enfant à une mère qui n’était pas la sienne ! » « Ainsi était Vadim, conclut l’auteur de l’article auquel sont empruntées ces lignes, père aimant, mais un brin rêveur [32]. »

Non content de dilapider son capital financier ou celui d’autrui, l’inadapté gâche tout aussi inconsidérément son capital-santé. Il vit au-dessus de ses moyens sur tous les plans. Sous prétexte qu’on n’a qu’une vie, il dépense et se dépense sans compter au point que, vu de l’extérieur, on ne sait trop où finissent la motivation, le dynamisme, la générosité, où commencent l’exaltation, l’agitation, l’inconséquence. Brûler sa vie en se jetant à corps perdu dans tous les expédients qui permettent d’échapper aux problèmes trop terre à terre, résume cette facette. « Certains acteurs ont un formidable instinct de conservation et d’autres ne l’ont pas. Patrick ne l’avait pas », a remarqué l’une de ses plus prestigieuses partenaires, Catherine Deneuve, à propos de Patrick Dewaere qui, après avoir longtemps recouru aux paradis artificiels, s’est suicidé en laissant un gros découvert à sa banque, alors qu’il enchaînait film sur film.

L’inadapté du milieu de l’hiver n’arrive pas à prendre une pause pour recharger ses batteries et savourer paisiblement les joies simples de la vie. Fuyant tout ce qui, de près ou de loin, enracine ou ramène en arrière, il ne s’intéresse qu’à ses toujours tout nouveaux, tout beaux châteaux en Espagne. « Je ne fais partie d’aucune famille, assure l’actrice Karin Viard [33]. Je déteste ce sentiment d’appartenance. C’est peut-être très rassurant, mais je trouve cela très inhibant. Je déteste l’idée d’un attachement forcé, d’être tenue à une attitude sous prétexte qu’on fait partie d’une “famille” ! » « Do something and never look back », a été pendant longtemps le mot d’ordre de Yoko Ono. James Joyce pensait que les grands hommes portent en eux une pulsion de folie et que c’est la source de leur grandeur. « L’homme raisonnable n’accomplit rien », a-t-il décrété. Malheureusement, dans les rangs Verseau comme ailleurs, les grands hommes restent l’exception [34].

Verseau

Deuxième facette : vitesse d’excitation inadaptée

Croissance du jour dominant du Taureau : vitesse d’excitation adaptée. Croissance du jour dominé du Verseau : vitesse d’excitation inadaptée. Fébrilité, imprévisibilité, instabilité…

Comme pour la plupart des autres Signes, les trois facettes du mauvais profil Verseau s’associent, se prolongent et se recoupent non seulement entre elles, mais aussi avec celles du bon profil, si bien que certains des exemples utilisés pour illustrer l’une pourraient convenir en partie à l’autre. Derrière son attitude placide, l’adapté du Taureau fait preuve d’une vivacité à la mesure des circonstances. À l’inverse, la rapidité réactionnelle de l’inadapté du Verseau est en général inappropriée, comme si son jour croissant mais non dominant ne pouvait pas attendre de détrôner la nuit, comme si lui-même était trop pressé d’en finir avec ce qui ne l’intéresse pas ou lui pose problème. Du temps de sa jeune gloire, John McEnroe, l’enfant terrible du tennis américain et mondial, se faisait sans cesse rappeler à l’ordre sur les courts, pour sa façon insolente de contester systématiquement les décisions de l’arbitre dès qu’elles lui étaient défavorables [35].

Lorsque l’Allemagne a déclaré la guerre aux USA, Roosevelt voulait débarquer aussitôt en Europe, mais il a fallu que Churchill [36] l’en dissuade : les Alliés n’avaient la suprématie ni dans les airs, ni sur mer, c’était trop tôt. Parce qu’il ne pouvait se passer de la griserie que lui procurait la vitesse, James Dean est mort d’un accident de voiture à l’âge de 24 ans. Le décès un peu moins prématuré de Claude François a été la conséquence de l’irréflexion et de l’impulsivité par lesquelles se traduit la vitesse d’excitation inadaptée du Verseau. L’interprète de J’y pense et puis j’oublie, a été victime d’électrocution, parce que sous le coup de l’exaspération suscitée par une applique posée de travers, il s’était jeté dessus pour la redresser sans sortir de son bain et sans voir que les fils en étaient dénudés. Bien qu’il s’agisse là d’exemples extrêmes, la propension Verseau à ne pas respecter le rythme de la nature et à ne pas accorder le minimum de temps requis au monde des objets — au monde matériel —, se retourne tôt ou tard contre soi.

Son impatience à propos de ce qui l’ennuie, mais aussi son empressement à fantasmer sur la moindre petite chose sortant apparemment de l’ordinaire, rendent l’inadapté imprévisible. Il peut être le roi des emballements sincères et sans suite, des promesses tout aussi sincères faites sous le coup de l’enthousiasme et qu’il oublie de tenir, des coups de foudre amicaux ou autres qui tournent court, des revirements brusques qu’il ne prend pas la peine de justifier. Un parfait avant-goût des défauts Bélier, en somme. « Si je lui proposais d’escalader l’Himalaya, a raconté la comédienne Marie-Christine Barrault [Bélier], à propos de son époux, Roger Vadim [Verseau], nous y allions tout de suite. »

Verseau

Troisième facette : phase paradoxale

Inégalité relative entre le pôle diurne minoritaire croissant et le pôle nocturne majoritaire décroissant qui entraîne un déséquilibre dans la perception des rapports dominant-dominé auquel le Signe sensibilise. Réactions paradoxales par surévaluation de ce qui relève de l’idéal, de l’imaginaire, du spéculatif et sous-évaluation des réalités concrètes qui vont a contrario

L’écart moyen entre la nuit dominante, bien que décroissante, et le jour dominé, bien que croissant, qui définit le Verseau favorise chez l’adapté du Signe une perception correcte des rapports de force entre le réel et le virtuel, auxquels il est sensibilisé. Sur fond de refus des réalités terre à terre, tout se passe comme si seule jouait la disproportion entre les deux pôles, au point que cette troisième facette incite certains natifs à accorder trop d’importance à des indices positifs abstraits mineurs et pas assez à des indices négatifs concrets majeurs.

Né sous le Verseau, Paul Misraki a écrit la chanson Tout va très bien, Madame la marquise, qui illustre avec beaucoup d’humour la minimisation Verseau exagérée de ce qui est négatif. À partir de la mort de sa jument grise annoncée comme un « incident », comme une « bêtise », comme un « tout petit rien », à une châtelaine par son cocher, ce dernier décline sur le même ton une série de catastrophes pires les unes que les autres (incendie des écuries, château réduit en cendres parce que, après avoir appris sa ruine financière, le châtelain s’est suicidé et a entraîné dans sa chute celle de chandeliers allumés), et ponctue chacune de ses accablantes précisions par « Mais à part ça, Madame la marquise, tout va très bien, tout va très bien. »

La façon dont Françoise Giroud parle de Valéry Giscard d’Estaing montre bien aussi la propension de cette facette à trop sous-estimer les réalités préoccupantes, sous prétexte de rester positif. « Civilisé, Valéry Giscard d’Estaing, ô combien, a-t-elle écrit. Au point d’avoir, semble-t-il, perdu la faculté de percevoir les avertissements que donne le danger à qui marche dans la jungle des hommes et de s’y promener comme dans les allées d’un jardin à la française. Cette vipère ? Allons donc, c’est un ruban. Ce bruit de feuilles froissées sous la patte d’une hyène ? Vous rêvez, c’est le chat. L’orage qui gronde ? Des enfants qui jouent avec des tambours… Tout se passe comme si ce que son intelligence saisit et qui serait de nature à l’affliger était rapidement occulté par son aptitude au bonheur [37]. » « Le bonheur est une qualité de l’action », avait coutume de dire l’ex-président à ses ministres.

Lewis Carroll, l’auteur d’Alice au pays des merveilles, supportait mal le monde terne et trop souvent perverti des adultes où il gagnait sa vie en enseignant les mathématiques, « … aussi lui a-t-il fallu, construire un monde enchanté, un pays des merveilles, pour pouvoir à jamais rester de l’autre côté du miroir [38] ». L’imagination dont il avait à revendre ne lui a cependant pas permis d’envisager que son amour platonique pour les fillettes, et plus généralement pour l’innocence enfantine, finirait par lui attirer la suspicion malveillante des parents, ceux surtout d’Alice Liddell, l’inspiratrice de son célèbre conte [39].

La surestimation du positif porte l’inadapté à imaginer que la personne sympathique ou attirante est aussi désintéressée que lui, alors que son propre excès de confiance et d’insouciance revient plus ou moins à lui tendre le bâton pour se faire battre, comme le prouvent les mauvaises surprises qui font tomber certains natifs de haut. Le musicien anglais Sting, que ses ventes de disques avaient presque mis définitivement à l’abri du besoin, s’est retrouvé du jour au lendemain avec une dette fiscale monumentale sur le dos, à cause de l’homme d’affaires véreux en qui il avait placé sa confiance. Cas de figure plus éprouvant encore, le comédien français Jacques Villeret s’est, un triste matin, réveillé pauvre comme Job, alors qu’il avait de bonnes raisons de se croire riche comme Crésus, parce qu’un proche l’avait floué. Si l’absence du sens de la propriété et la subordination de l’argent à de plus nobles préoccupations figurent parmi les atouts de l’adapté, la propension de l’inadapté, d’une part à sous-estimer la dimension financière de la vie, d’autre part à surestimer les personnes qui lui plaisent, peut aboutir — paradoxalement — à ce que l’argent devienne la préoccupation majeure de son existence !

Au début de l’année 1966, Paco Rabanne présentait une collection intitulée Douze robes expérimentales et importables en matériaux contemporains.

Cet exemple ne met pas en cause le talent de ce couturier, mais illustre la propension que favorise la phase paradoxale Verseau à attacher trop d’importance à l’idée, au gadget, à l’inédit, à la gratuité, et pas assez aux applications pratiques, à ce qui est exploitable et utile. L’inadapté perd son temps, son énergie ainsi que ceux d’autrui, dans des cogitations fumeuses et des réalisations qui, sous couvert d’avant-garde, ne sont pas plus d’hier ou d’aujourd’hui que de demain, et n’intéressent personne. Plus il croit faire avancer le schmilblick, plus il le bloque.

Exagérée, la faculté de croire aux lendemains qui chantent prédispose également l’inadapté à se fourvoyer quant aux signes soi-disant avant-coureurs de l’amélioration de l’homme et de son sort. L’Ère du Verseau, qui inaugurerait l’âge d’or de l’humanité et dans laquelle nous serions censés entrer, résume à elle seule l’utopie, l’illusion, le mirage par lesquels l’ensemble du profil inadapté du Signe porte à se laisser piéger. Mis à part le fait que le monde ne va pas mieux que d’habitude, cette vue de l’esprit qu’est l’Ère du Verseau est dépourvue du moindre fondement astrophysique [40]. Encore une fois, l’astrologie tient sa cohérence du système solaire auquel elle se réfère exclusivement, alors que l’Ère du Verseau se réfère à la constellation du Verseau. Celle-ci est beaucoup trop éloignée du système solaire pour avoir une incidence quelconque sur les habitants de la planète Terre, et n’a aucun rapport avec le Signe du Verseau, en dehors d’une malencontreuse homonymie.

Cet article vous a été proposé par Françoise Hardy

[1] Paco Rabanne est Verseau par le Soleil, Vénus et Saturne, mais aussi Scorpion par l’Ascendant et Taureau par une Lune dominante.

[2] Magazine littéraire, Gérard de Cortanze.

[3] Extrait des Trois Sœurs.

[4] Yves Courrière, Jacques Prévert, Gallimard.

[5] Al Pacino et Russel Crowe sont les acteurs de The Insider (Titre français : Révélations). Michael Mann est né le 5 février 1943 à Chicago. On lui doit aussi Heat et Ali.

[6] Marie-Hélène Martin, Libération, fin 2002.

[7] Mia Farrow est également née à la culmination de la Lune et une dominante lunaire sensibilise au monde de l’enfance.

[8] Yves Courrière, Jacques Prévert, Gallimard.

[9] Article de Luc Le Vaillant, Libération, juin 2001.

[10] Propos recueillis par Dominique Simonnet.

[11] « Radioscopie », de Jacques Chancel, France-Inter.

[12] Jack Lemmon a raconté à James Lipton dans l’émission télévisée « Actors Studio », que, sur son lit de mort, son père Iui avait recommandé de propager son rayon de soleil.

[13] André Courrèges, Soleil-Uranus en Poissons, mais Vénus et Mercure qui culmine—domine—en Verseau. Les deux couturiers sont nés à une heure forte d’Uranus qui favorise la simplification des lignes.

[14] Arthur Power, Entretiens avec James Joyce, Belfond. James Joyce est né avec le Soleil et Vénus en Verseau, Saturne, Neptune, Jupiter et Pluton en Taureau. Mars se couchait en Gémeaux et le Sagittaire était le Signe Ascendant.

[15] Interview de Jack Lemmon par James Lipton dans « Actors Studio ».

[16] Arthur Power, Entretiens avec James Joyce, Belfond.

[17] James Spader est un acteur américain immortalisé par sa prestation dans Sexe, mensonges et vidéos, de Steven Soderbergh.

[18] Paul Newman, Verseau Ascendant Capricorne. Tout le groupe des planètes qui portent à la distanciation, Mercure, Saturne et Pluton, était très valorisé à sa naissance.

[19] La traduction en français de « new deal » est « nouvelle donne ».

[20] La Tradition a souvent représenté le Signe du Scorpion par un aigle, ce qui est à mettre en rapport tant avec l’acuité et la rapidité d’observation qu’avec les dispositions prédatrices auxquelles ce Signe prédispose.

[21] James Stewart avait davantage l’allure quelque peu éthérée de son Ascendant Verseau que celle, plus « terrienne » et carrée, de son Signe solaire, le Taureau.

[22] Christopher Walken, conjonction Lune-Mars en Verseau. C’est dans Voyage au bout de l’enfer et, plus globalement dans sa jeunesse, que cet extraordinaire acteur dégageait quelque chose d’angélique. Il est bien évident que les contre-exemples sont légion, y compris parmi les personnalités citées dans le cadre de ce profil. Mais bon…

[23] Edith Wharton a écrit, entre autres, Le Temps de l’innocence, Les Beaux Mariages, Chez les heureux du monde.

[24] À la naissance d’Edith Wharton, la Lune était en Scorpion.

[25] Roger Boussinot, Encyclopédie du cinéma, Bordas.

[26] Aline Desjardins s’entretient avec François Truffaut, Ramsay « Poche Cinéma ».

[27] Interview faite par l’auteur pour l’ouvrage Entre les lignes, entre les Signes, Éditions RMC.

[28] Biographie France-Musique.

[29] Artur Rubinstein, Les Jours de ma jeunesse, Robert Laffont.

[30] Propos recueillis par Dominique Simonnet.

[31] James Stewart, Ascendant Verseau, Soleil à la toute fin du Taureau, Mercure Pluton, Mars en Gémeaux.

[32] Paris-Match, février 2000.

[33] Le propos est cité pour illustrer cette facette, il ne suggère en aucune façon que Karin Viard l’actualise.

[34] On peut imaginer ce que donne l’association chez une même personne ou entre deux individus du Verseau avec le Bélier ou les Gémeaux, deux autres Signes qui portent à négliger les réalités terre-à-terre !

[35] John McEnroe est aussi né sous une conjonction Lune-Mars en Gémeaux. Il est bien évident que l’occupation — fréquente puisque Mercure et Vénus ne s’éloignent jamais beaucoup du Soleil — dans un ciel de Verseau d’un ou plusieurs Signes de printemps, favorise la fébrilité et l’impulsivité, alors que l’occupation—tout aussi fréquente pour les mêmes raisons — des deux autres Signes d’hiver, accentue la lenteur d’inhibition et le monolithisme qui va avec.

[36] Winston Churchill est né sous le Signe du Sagittaire qui porte à avoir une vision d’ensemble ainsi qu’à se retirer du jeu ou à ne pas y entrer quand les conditions sont trop mauvaises (vitesse d’inhibition adaptée).

[37] Françoise Giroud, La Comédie du pouvoir, Fayard. La Vierge, Signe solaire de l’auteur, porte au contraire à ne négliger aucun signe inquiétant, parfois même à se braquer exagérément dessus. L’exemple choisi est caricatural et illustre presque mieux la phase ultraparadoxale qui consiste à prendre le + pour le −, et le − pour le +. VGE est né avec un Mars puissant en Sagittaire et un Pluton, puissant lui aussi, en Cancer, deux Signes de solstice qui portent à la confusion et à l’inversion des contraires.

[38] Psychoportraits du XXe siècle, Éditions Josette Lyon.

[39] Lewis Carroll est également né au lever de la Lune et à la culmination de Saturne. Une dominante lunaire sensibilise au monde tic l’enfance, peut favoriser une forme d’autisme, ainsi qu’augmenter l’attrait Verseau pour le merveilleux. Au négatif, Saturne favorise l’inhibition et la tendance l’isolement.

[40] Natif du Taureau, Jean-Pierre Nicola s’est attaché à démontrer l’inanité de l’Ère du Verseau. D’après un raisonnement strictement basé sur les cycles planétaires du système solaire dont la Terre est indissociable, il en a déduit que nous serions pour pas mal de temps encore dans l’Ère des Gémeaux, Signe de communication mais aussi de bric-à-brac et d’amalgame où les extrêmes se mélangent dans l’incohérence la plus dommageable.

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