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en Astrologie Naturelle

Cancer
Le rythme Cancer

Le rythme du Soleil en Cancer repose sur l’écart maximal entre le jour dominant qui entame sa descente et la nuit dominée qui entame sa remontée.

Cancer

Cancer : profil adapté

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Première facette : force d’inhibition protectrice

Décroissance du jour le plus long de l’année (arrêt de la croissance du jour dominant) : inhibition, fermeture autoprotectrices.

Au moment précis où sous les latitudes Nord moyennes dont s’occupe l’astrologie, le Soleil franchit le point qui correspond à 0° du Cancer, quelque chose de spectaculaire se produit, puisque sa durée de présence au-dessus de la ligne d’horizon qui n’avait cessé d’augmenter depuis six mois, commence à diminuer et continuera de le faire jusqu’à l’hiver suivant. La croissance du jour dominant du printemps favorisait un tempérament excitable et vif ; la décroissance du jour dominant de l’été favorise un tempérament moins excitable et plus lent. Pour l’acupuncture, c’est le moment où l’énergie positive du yang, après avoir atteint le pic de la fin du printemps, se stabilise et commence à diminuer graduellement. Pour l’astrologie, tout se passe comme si l’arrêt de la progression du jour tirait la sonnette d’alarme de la fin future de son règne et sensibilisait les natifs du premier Signe d’été au fait que l’expansion tous azimuts ne peut durer éternellement. « Je trouve la structure du monde assez bêtasse, a remarqué le cinéaste Claude Chabrol, entre autres, cette idée très étrange que le progrès consiste à aller perpétuellement de l’avant en tout. Ce qui est absurde. L’intelligence consiste justement à savoir que certains points limites sont atteints. »

L’amorce de la remontée de la nuit, qui va de pair avec celle du déclin du jour, porte en germe le danger potentiel que représente l’« inconnu » qu’elle symbolise. Le premier réflexe cancérien est donc de défensive vis-à-vis de l’inconnu et de refuge dans le familier. L’astrologie moderne parle pour le premier Signe d’été d’« inhibition autoprotectrice », tandis que la Tradition le représente par une écrevisse qui a la double particularité de marcher à reculons, à l’image du jour cancérien, et de disposer d’une carapace qui protège sa chair tendre. « Si je déteste les épinards, c’est qu’ils sont informes comme la liberté (chère aux Gémeaux). Le contraire de l’épinard est l’armure… Les crustacés ont réalisé cette merveilleuse idée essentiellement philosophique de porter leurs os à l’extérieur et de préserver leur chair si délicate à l’intérieur comme un dermo-squelette [1] », a écrit Salvador Dalí qui avait le Cancer comme Signe ascendant.

À l’instar des crustacés dont la logique structurelle émerveillait Dalí, le natif du début de l’été a besoin d’une forme ou d’une autre de carapace, de coquille, de cocon qui contienne et abrite ses fragilités. Ce cocon prend diverses formes selon l’individu et son contexte. Pour Ingmar Bergman, il s’agissait de son lieu de travail. « Nous nous enveloppons du théâtre comme on se blottit dans un manteau, a-t-il fait dire à l’un de ses personnages, et c’est à peine si nous réalisons que le temps passe et que la vie s’écoule. Les loges sont chaudes et lumineuses, la scène nous ceint de son ombre accueillante. Les poètes nous racontent ce que nous avons à dire et à penser. Au-dehors il y a des gens qui nous aiment… »

Le milieu familial étant le premier modèle de cocooning, le Cancérien tend en permanence à reconstituer et maintenir autour de lui quelque chose qui y ressemble et où, selon les circonstances et son degré de maturité, il tiendra tantôt le rôle de l’enfant choyé, entouré, protégé, tantôt celui du parent aimant, sécurisant et protecteur. « Au début, a confié Charlotte Gainsbourg, le cinéma, c’était vraiment pour moi une famille. J’avais l’impression d’être adoptée. Il y avait un cadre qui me sécurisait. »

Le natif a besoin d’édifier des murs solides entre son cocon et tout ce qui, de l’extérieur, est susceptible de le menacer. Comme Claude Chabrol, il sait « tenir les fâcheux à distance » et le secret dont il s’entoure, fait tout à la fois de réserve, de retenue, de pudeur et de discrétion, est sa première protection. « À la longue, j’ai fini par me forger une petite armure, reconnaît la comédienne Nathalie Baye… Je ne cherche pas à provoquer. Je mène ma vie avec un sens du secret qui m’est cher et nécessaire… »

Le Signe porte au retrait y compris quand l’activité amène à s’exposer. La devise « pour vivre heureux, vivons caché » semble avoir été inventée pour les Cancériens. « Je suis convaincu que je me serais davantage épanoui dans l’anonymat total », a avoué Ingmar Bergman sur le tard. « En entrant au gouvernement, j’ai perdu l’anonymat et j’en suis désolée », a regretté Simone Veil. Bien qu’il devienne intarissable sur la pluie et le beau temps quand il se sent en confiance, le natif reste le plus souvent muet sur ce qui le concerne personnellement, n’ouvrant son cœur qu’aux quelques personnes qui font partie du cercle sacro-saint des intimes. « Les comédiens — du moins ceux du genre auquel j’appartiens —, a expliqué la comédienne et écrivain Anny Duperey, ressentent impérativement le besoin du masque. Même, et dans mon cas, surtout en écrivant. Se servir de soi, de tout en soi, mais ne pas donner les clés… Il s’agit, bien au-delà de la pudeur et de la discrétion, de la sauvegarde d’une intégrité personnelle, alors que tout le reste est offert aux regards ou aux jugements… »

La sensibilisation à la précarité des acquis s’accompagne du souci des limites personnelles, et incite à ne pas se mettre en danger en les dépassant inconsidérément. L’adapté est un prudent qui se tient à l’écart de ce qui troublerait inutilement sa tranquillité d’esprit. « Il est prudent parce qu’il se méfie de ses impulsions premières. Son maître mot, c’est “contrôler” », a souligné François Hollande à propos de Lionel Jospin, à qui un observateur a décerné le surnom de Monsieur Ni-Ni [2], parce que l’ancien Premier ministre se définit toujours par les bornes qu’il établit clairement. « Tout ce que je donne, je le maîtrise », prétend Isabelle Adjani.

Très marqué par le Signe, l’écrivain Philippe Delerm a évoqué dans La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, les bonheurs simples de la vie quotidienne que savent apprécier la plupart des natifs, qui se méfient autant de l’appétit insatiable d’inédit de ceux du signe précédent, les Gémeaux, que des grandes ambitions, des grands défis de ceux du Signe à venir, le Lion. L’humilité des petites choses comme des petites gens, les touche et leur ressemble. « Tout ce qui nous ramène à la grandeur de ne pas être grand me fascine », a ironisé Claude Chabrol [3]. « Proust a gardé une simplicité et une modestie incroyables, note Paul Morand, qui ajoute : … On ne le dérangeait pas à l’improviste [4]… » Cette première facette incite à apprécier plus que tout l’affection sûre et chaleureuse des proches, ainsi que les plaisirs accessibles qu’évoque Philippe Delerm—le confort douillet de l’intimité, un bon repas, un bon feu, un bon livre… La définition que donne cet auteur du bonheur—« Le bonheur c’est d’avoir quelqu’un à perdre »—est hautement révélatrice de la sensibilité cancérienne. « Le siècle a mis dans le cœur de chacun cette idée de bonheur, écrit-il. Il aime à laisser dire cependant que le bonheur est impossible, ou ennuyeux. Je sais qu’il est possible. Et pour l’ennui… Ce qui est menacé ne peut être ennuyeux [5]. »

Alors que le natif des Gémeaux était dans une quête centrifuge de renouvellement sur tous les plans, celui du Cancer, moins polyvalent — moins dispersé aussi —, reste dans une démarche centripète consistant à gérer et consolider l’héritage du printemps — autrement dit du passé. Le grignotage quotidien du jour par la nuit indique en effet que la victoire du premier sur la seconde n’est plus d’actualité. Un peu comme beaucoup de gens éprouvent toute l’année la nostalgie du printemps, de nombreux natifs éprouvent toute leur vie celle de leur enfance, période en principe surprotégée où la peur du manque et de la mort n’existe pas encore.

Le Cancérien attache une importance primordiale à sa terre natale, ses ancêtres, ses racines. Le paléoanthropologue Yves Coppens s’est consacré à la recherche des origines de l’homme et aime se référer au proverbe sénégalais : « Quand tu ne sais plus où tu vas, retourne-toi et regarde d’où tu viens. » Il cite volontiers aussi cet extrait du Pentateuque : « Souviens-toi des jours anciens, médite les annales de génération en génération. Interroge ton père, il te racontera, interroge les anciens, ils te diront. »

Autant marqués l’un que l’autre par le Cancer, Yasser Arafat et Leila Shahid [6], son porte-parole en France, se seront battus toute leur vie pour la restitution partielle des territoires dont leurs parents et leurs compatriotes ont été dépossédés. « Les camps, a expliqué à sa façon typiquement cancérienne Leila Shahid, c’est un peu la Palestine transportée par les Palestiniens dans leur exil. C’est leur vie, leur mémoire, le village, qu’ils ont emmenés avec eux quand ils ont dû prendre la route après la destruction qui en a été faite en 1948. Tous pensaient alors qu’ils partaient pour fuir les zones de combat, comme les réfugiés du Vietnam, du Cambodge ou du Salvador, et qu’ils reviendraient chez eux quelques mois après, lorsque la situation se serait calmée. Ils sont partis avec un baluchon et le minimum vital (souvent en emportant la clé de la maison, pensant qu’ils reviendraient bientôt). Et ils ne sont jamais revenus. » De caractère paisible et doux [7], le Cancérien peut devenir agressif quand on touche à son territoire, puisqu’il s’en dissocie aussi peu que l’escargot de sa coquille ou la tortue de sa carapace. Ingmar Bergman s’est résigné à quitter son pays natal, la mort dans l’âme, quand il a été accusé à tort de fraude fiscale. « Il se peut que l’exercice de mon métier soit si fortement lié à mon milieu et à ma langue que je me retrouve dans l’incapacité d’opérer un rétablissement », s’était-il alors inquiété.

Bien des Cancériens gardent longtemps certains traits propres à l’âme enfantine : candeur, vulnérabilité, attrait pour le rêve et le merveilleux qui stimulent l’imagination et font oublier la violence des hommes. Aussi se sentent-ils proches du monde de l’enfance. Nombreuses sont les célébrités du Signe qui ont manifesté un intérêt particulier pour l’âge le plus tendre et se sont engagées pour des causes destinées à les défendre [8]. La princesse Diana a porté assistance aux enfants dans le malheur et utilisé sa notoriété pour que cesse la prolifération des mines antipersonnel. La chanson la plus connue d’Yves Duteil est Prendre un enfant par la main [9], et celle de Susan Vega, Lucas, parle d’un enfant battu. Les films dont le personnage principal est un enfant sont souvent signés par des réalisateurs du signe : Le Vieil Homme et l’Enfant de Claude Berri, Fanny et Alexandre d’Ingmar Bergman, L’Incompris de Luigi Comencini [10], ou encore La Nuit du chasseur, unique film de Charles Laughton dans lequel un garçonnet et une fillette sont poursuivis par les forces du mal — de la nuit — incarnées par Robert Mitchum. Mais la palme revient à Antoine de Saint-Exupéry et à son chef-d’œuvre Le Petit Prince, où l’auteur oppose les qualités de l’enfant aux défauts de l’adulte. « On est de son enfance comme on est d’un pays », y lit-on.

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Deuxième facette : lenteur d’excitation

Jour dominant : excitabilité. Décroissance du pôle dominant : lenteur. Décroissance du jour dominant : lenteur d’excitation. Action réfléchie, orientée, rythme lent mais soutenu.

Au printemps, la croissance du jour dominant va de pair avec la vitesse d’excitation qui se manifeste par l’aptitude à apporter des réponses immédiates et adéquates aux sollicitations du milieu. En été, la décroissance du jour dominant se traduit par la « lenteur d’excitation » qui consiste à réserver ses réponses et à ne pas agir précipitamment ainsi qu’à suivre ses décisions jusqu’au bout. Les réactions aux sollicitations du milieu sont pondérées et assez prévisibles.

Comparativement au Gémeau qui, pareil au lièvre de la fable, table un peu trop sur sa vélocité et s’autorise des détours au gré de sa fantaisie, le Cancérien ressemble à la tortue qui coiffe le lièvre au poteau parce qu’elle se contente d’aller son bonhomme de chemin en progressant lentement mais sûrement vers son but. Des proverbes tels que « Chi va piano va sano », ou « Rien ne sert de courir, il faut partir à point » s’appliquent à lui. Faut-il préciser que Jean de La Fontaine, auteur, entre autres fables, de celle du Lièvre et la Tortue, est né sous le Signe du Cancer ?

« Je ne suis ni impulsif, ni spontané. Toute forme d’improvisation m’est étrangère. S’il m’arrive parfois d’être obligé de prendre des décisions sans avoir le temps de réfléchir, je transpire et je me fige de peur », a écrit Ingmar Bergman dans son livre autobiographique La Lanterne magique. La lenteur d’excitation n’arme pas pour l’imprévu et tout caractère d’urgence constitue une pression qui prive le natif d’une partie de ses moyens. « Plus on force, moins on va loin », pense le chanteur canadien Robert Charlebois.

Se plaignant non sans raison de l’accélération du temps qui caractérise la société moderne pour son mal plus que pour son bien, l’adapté est conscient que le monde ne s’est pas créé en un jour, qu’il faut neuf mois pour que le fœtus arrive à maturité, que la belle ouvrage est incompatible avec la précipitation. Aussi s’accorde-t-il le temps qu’il faut pour bien faire. « Celui qui a confiance en lui-même tombe, a décrété l’architecte espagnol Antoni Gaudí. Pour cette raison, le seul qui ne se trompe pas est celui qui répète systématiquement [11]. » « Il me faut du temps pour convaincre et vaincre un personnage, a confié Isabelle Adjani, il me faut du temps pour le laisser me quitter, pour me remettre d’un tournage… J’ai besoin de répéter, d’être dirigée étroitement, de procéder à un travail de maîtrise, de contrôle, qui reste ma principale obsession. »

La longue gestation qui précède le passage à l’action du natif peut prêter à malentendu. « On me traite assez facilement de feignasse, a constaté Claude Chabrol avec son humour habituel. Parce que je passe beaucoup de temps devant la télé, par exemple. La vérité, c’est que quand je commence un scénario, avant de me mettre à écrire, j’ai toujours un temps d’hébétude durant lequel je reste devant la télé toute la journée, la bouche ouverte en attendant que le fruit tombe [12]. » « Peut-être étais-je trop rêveuse ou contemplative pour une vie où les rôles s’enchaînent, a suggéré Isabelle Adjani… Je ne peux pas truquer, je n’ai que ma vie à donner. Je dois emmagasiner des richesses. Mais comment vais-je les faire, mes réserves, si on m’oblige à jouer sans arrêt [13] ? »

La patience et une ténacité à toute épreuve sont inhérentes à la lenteur de rythme et en compensent largement les inconvénients. La persistance des impressions et des affects en est un autre aspect. « Je connais mon passé par cœur », assurait Frédéric Dard. Le Cancérien a une mémoire développée, en particulier pour tout ce qui touche de près ou de loin à son environnement proche. N’oubliant aucune fête, aucun anniversaire, il se montre très attaché aux rituels qui maintiennent un lien précieux entre hier et aujourd’hui et procurent un sentiment de permanence.

Il va de soi que le natif est d’autant moins perméable aux courants et aux modes, par essence éphémères, qu’ils cherchent à rompre trop radicalement avec la tradition. « Je n’ai jamais été à la mode, a prétendu Ingmar Bergman. Ça va trop vite pour moi. Si j’essayais d’être à la mode, je n’y arrivais pas… » « Je suis comme les vieilles chaussures, a remarqué de son côté Harrison Ford, si je suis encore là, c’est probablement parce que n’ayant pas été un phénomène de mode, je ne risquais pas que l’on veuille me remplacer par quelqu’un de nouveau. »

Le respect et la pratique des règles et du savoir-faire ancestraux que la Tradition transmet n’empêchent pas les créatifs du Signe de faire preuve d’originalité, comme le prouve le cinéma bergmanien. Le réalisateur le plus célèbre de Suède a soutenu « … qu’il fallait que les jeunes élèves apprennent la technique du métier de comédien pour être à même de diffuser leur message révolutionnaire… Des révolutionnaires frustrés se cramponnent encore à leurs bureaux et parlent avec amertume “du renouveau qui tomba en panne”. Ils ne comprennent pas que leur action fut un coup mortel porté à une évolution qu’il ne faut jamais couper de ses racines », s’est-il plu à souligner à propos du mouvement de 68 qui lui avait valu son éviction du Conservatoire d’art dramatique [14].

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Troisième facette : sens des ensembles

Écart maximal entre la durée du jour et celle de la nuit au profit du jour décroissant : esprit des ensembles. Sur fond d’autoprotection : ensembles fermés, nécessité de contenir un maximum de choses dans un espace clos et protégé.

L’espace maximal laissé par le pôle nocturne minoritaire au pôle diurne majoritaire se traduit concrètement par une diffusion maximale de la lumière. À la façon du grand angle de l’appareil photo, l’œil — et par analogie l’esprit — tant gémellien que cancérien, embrasse une multitude d’éléments divers et variés à l’intérieur d’un large cadre.

À la fin du printemps, l’afflux continuel d’éléments nouveaux offre le loisir d’agrandir les dimensions du cadre et d’en varier à l’infini la composition. Au début de l’été, l’arrêt de la croissance du jour rend la situation plus restrictive et met face à la nécessité de conserver, organiser, développer de façon durable un contenu abondant certes, mais non renouvelable, à l’intérieur d’un cadre devenu fixe.

La symbolique de l’œuf relève du Signe et ses natifs ont une prédilection marquée pour les « globalités fermées fourmillantes [15] », pour les formes rondes et pleines, tels la poche protectrice du ventre de la femme enceinte, son sein nourricier, un estomac bien rempli, un buffet bien garni. Le style architectural baroque d’Antonio Gaudí avec ses volumes arrondis et ses multiples ornementations, souvent plus pittoresques que fonctionnelles, témoigne de la sensibilisation cancérienne aux espaces circonscrits et foisonnants. La perspective de la fin de l’été a beau être éloignée, elle pousse le natif du Cancer à mettre dans ses synthèses tout ce dont il dispose, sans en perdre une miette, en prévision du moment où il n’y aura plus rien et où il ne sera plus personne. De là sa prolificité : il s’agit d’organiser et faire fructifier inlassablement le copieux matériau accumulé par ceux qui l’ont précédé, pour le transmettre à ceux qui lui succéderont, puisque « avec le temps, va, tout s’en va [16]… ». « … Nous frissonnons en présence de l’instabilité des choses, a écrit Herman Hesse… Lorsque, comme artistes, nous créons des formes…, nous le faisons pour arriver tout de même à sauver quelque chose de la grande danse macabre, pour fixer quelque chose qui ait plus de durée que nous-même. »

Comme tous les Cancériens, les artistes du Signe aiment se pencher sur leurs souvenirs et sur les émotions profondes qu’ils ont inspirées. Certains en déroulent l’écheveau jusqu’au dernier fil, pour construire pas à pas, jour après jour, un édifice où rien ne manque et où tout se tient : celui de leur être et de tout ce dont il participe. « Mon premier livre contenait en germe tout ce que, dans mes ouvrages suivants, je n’ai cessé de développer », a constaté Nathalie Sarraute qui révélait à propos de son ouvrage Enfance : « On ne peut pas imaginer, le travail, et la lenteur de ce travail que représente cette tentative inlassablement répétée de faire venir dans la langue ce qui se joue en deçà [17]. »

L’écriture du roman introspectif en sept volets À la recherche du temps perdu, à laquelle Marcel Proust a consacré sa vie, est un puzzle cancérien type. Son esprit de synthèse a permis à l’auteur d’agencer savamment les multiples éléments que sa mémoire prodigieuse avait emmagasinés, afin que chacun d’eux trouve sa place et concoure à un ensemble cohérent. Proust a expliqué lui-même qu’il ne pouvait rien retrancher de son œuvre et que les passages qui paraissaient superflus sur le moment, trouvaient toujours leur justification plus loin. « L’idée de ma construction ne me quittait pas un instant, a-t-il précisé à propos de la genèse de celle-ci. Je ne savais pas si ce serait une église où les fidèles sauraient peu à peu apprendre des vérités et découvrir des harmonies, le grand plan d’ensemble, ou si cela resterait comme un monument druidique au sommet d’une île, quelque chose d’infréquenté à jamais… Même ceux qui furent favorables à ma perception des vérités que je voulais ensuite graver dans le temple, me félicitèrent de les avoir découvertes au “microscope” quand je m’étais au contraire, servi d’un télescope pour apercevoir des choses, très petites en effet, mais parce qu’elles étaient situées à une grande distance, et qui étaient chacune un monde [18]. » Ingmar Bergman a lui aussi réalisé une œuvre intimiste dans laquelle il a exploré en long et en large les huis clos pleins à craquer de contradictions difficiles à gérer du couple, de la famille et, plus généralement, de l’âme humaine. Son dernier film Fanny et Alexandre, où il est parti à la recherche de son enfance perdue mais toujours prégnante, a été considéré par la critique comme une « somme » qui « bouclait la boucle ».

En tant que « tout » indissociable, autogéré et protecteur, le modèle familial est l’ensemble cancérien type. Le temps (présent et passé), l’espace (maison, village, ville, quartier, pays) et le relationnel (parents) y sont indissolublement liés. Non seulement l’adapté se sent spontanément intégré au « tout » dont il provient, mais il s’entend à faire de ses divers plans de vie un « tout » harmonieux. « Ma vie et ma musique sont intimement liées, constate Susan Vega. L’une ne peut pas exister sans l’autre, ce sont comme les deux têtes d’un même siamois. » Comme Claude Chabrol et Ingmar Bergman, le Cancérien travaille en famille ou institue des rapports familiaux dans son travail. « En France, croyait Jean Cocteau, on travaille en famille et nul ne s’insurge lorsqu’on empiète sur ses prérogatives : éclairage, décors, costumes, maquillage, musique, etc. Tout cela se trouve dans ma main et je collabore étroitement avec ceux qui m’assistent… J’en reviens à cette idée de famille qui n’a rien à voir avec l’idée d’une famille où chacun se disperse, mais de l’idée antique de famille (ou de village) liée par un intérêt commun et cette gentillesse que donnent les contacts, gentillesse morte dans la société moderne où les contacts n’existent plus. »

La façon dont Jean-Pierre Raffarin, désigné Premier ministre en mai 2002, a été présenté par les médias et s’est présenté lui-même illustre la dominante cancérienne sous laquelle il est né [19]. Cet homme discret se réclame du terroir, prône l’humilité, le service et la proximité, souhaite aider la droite à retrouver les « racines de sa pensée » ainsi que réconcilier la France du haut avec celle du bas. « J’adore les réunions de famille et notre famille est aujourd’hui au complet », s’est-il réjoui lors du congrès fondateur de l’UMP. Là où certains n’y auront entendu que des mots, l’astrologue aura reconnu une attitude de fond. L’addition de l’autoprotection, du rythme lent mais sûr et de l’esprit de synthèse cancériens porte en effet à savoir gérer « … un grand nombre d’éléments différents, dans un espace aux frontières établies une fois pour toutes, ainsi qu’à maintenir la cohésion, l’homogénéité, la sécurité d’un groupe, d’une famille, d’une équipe, en sachant évita les fausses notes qu’apportent les rapports trop hiérarchiques ou les discriminations trop pointues [20] ».

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Cancer : profil inadapté

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Première facette : faiblesse d’excitation associative

Croissance de la nuit maximale au Sagittaire : aisance dans la vie relationnelle collective et associative, facilité à étendre toujours plus loin le rayon d’influence et d’action. Croissance de la nuit minimale au Cancer : difficulté à sortir de son cocon, de son clan, à jeter des ponts et établir des liens avec le reste du monde…

Le profil inadapté auquel prédispose le Signe du Cancer est une caricature du profil adapté et peut se comprendre comme une carence des atouts tant du Signe précédent, les Gémeaux, que du Signe suivant, le Lion, ainsi que du Signe inverse, le Sagittaire. À l’augmentation de la nuit la plus longue de l’année qui caractérise le dernier Signe d’automne, correspond, en effet, celle de la nuit la plus courte qui caractérise le premier Signe d’été. Il manque à l’inadapté du Cancer aussi bien l’ouverture gémellienne sans a priori aux autres, que l’audace, l’ambition et la positivité léonines. Il lui manque surtout ce qui fait la force de l’adapté du Sagittaire, la facilité à trouver les points de jonction qui permettent de dépasser les différences et les frontières, d’élargir le cadre des références, de multiplier les relations et les activités et de s’exporter aussi loin que possible.

Aller vers ceux qui sont « étrangers » à son monde, représente pour l’inadapté, ou pour l’adapté en phase critique, une épreuve insurmontable. Décidément très représentatif du Cancer en général, Ingmar Bergman a confessé que la sociabilité n’était pas sa qualité première… « La gêne paysanne, bergmanienne, s’est-il justifié, le recul farouche devant des sentiments difficiles à apprécier : mieux vaut se retirer, se taire, s’abstenir. La vie emporte déjà assez de risques : je dis merci et je recule prudemment, la curiosité se change en anxiété, je préféré la grisaille quotidienne [21]. »

« Je suis obsédée par l’envie d’être tranquille, alors que mon métier ne me laisse absolument pas tranquille, observait Isabelle Adjani en 1984 [22]… Je me lève le matin en me disant : pourvu que je ne souffre pas trop aujourd’hui… … Depuis toujours, je suis derrière la vitre à regarder sans y entrer », a-t-elle déploré [23]. La renaissance de la nuit, symbole de l’inconnu avec ses risques de déstabilisation, incite certains natifs à se cramponner à leurs habitudes et à la fausse paix intérieure qu’ils en tirent. L’adapté se protège raisonnablement des dangers objectifs du monde extérieur. L’inadapté ou le natif dans ses mauvais moments, voit des dangers partout, se recroqueville sur lui-même en permanence et frise l’autisme qui menace ceux qui se coupent du réel par peur de l’affronter.

La faculté de renouvellement sur tous les plans est l’un des atouts majeurs, non seulement de l’adapté des Gémeaux, mais aussi de celui beaucoup plus socialisé du Sagittaire. Rien de tel chez l’inadapté du Cancer, porté à ne pas ajuster ses desiderata au contexte, autant qu’à se référer obstinément à son système de valeurs, y compris quand il vient d’un autre âge. Il se montre donc indifférent ou hostile à ce qui lui permettrait une plus grande ouverture sur le monde. L’idée d’acquérir un ordinateur, par exemple, horrifie certains natifs qui perçoivent la quasi-totalité des progrès techniques comme autant de facteurs de déshumanisation.

Ne pas varier les plaisirs est l’actualisation la plus anodine de cette facette : « Je me régale de lire et relire les ouvrages qui m’enchantent et j’ai toujours, depuis l’enfance, les mêmes amis », s’est vantée Nathalie Baye. Un cran au-dessus, et l’on tombe dans le ressassement d’une catégorie de natifs qui récitent ad libitum le même sempiternel refrain. Barbara Cartland a fait fortune, non seulement en s’avérant l’auteur le plus prolifique de tous les temps, mais aussi en calquant ses innombrables romans à l’eau de rose sur le même modèle éculé : un héros jeune et beau sauve une belle jeune femme innocente des griffes du méchant loup ; ils se marient, sont très heureux et ont beaucoup d’enfants… Le rose, couleur de la prime enfance et de la vie rêvée, a toujours été le signe de reconnaissance de cet auteur qui, tout en prônant la suprématie des valeurs familiales et l’importance d’arriver vierge au mariage, a actualisé le réflexe sécuritaire de son Signe en s’occupant activement de l’environnement et en promotionnant les médecines douces. Jusqu’à sa mort, survenue peu avant ses cent ans, Barbara Cartland s’est affublée de tenues rose bonbon extravagantes et a arboré le même maquillage outrancier, à la façon de Gina Lollobrigida, autre native du Signe qui, à soixante-dix ans passés, porte encore les accroche-cœurs et les faux cils de ses jeunes années. Certains Cancériens restent tellement scotchés à ce que le passé a pu avoir de gratifiant pour eux, qu’ils s’avèrent aussi incapables d’évoluer avec leur âge qu’avec leur époque.

Le blocage sur des positions conservatrices, voire xénophobes, va de pair avec la propension à ne se préoccuper que des besoins personnels ou de ceux des quelques personnes qui importent. Au lendemain de son élection, George W. Bush [24] qui jusque-là n’avait presque jamais voyagé hors des États-Unis, d’une part affichait son désir de ne pas intervenir dans le conflit du Proche-Orient, d’autre part refusait de souscrire aux accords de Kyoto par lesquels les pays industrialisés s’engageaient à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Autrement dit, le président du pays le plus riche et le plus pollueur de la planète sacrifiait sans état d’âme l’avenir à moyen terme de celle-ci, aux intérêts économiques à court terme de son électorat.

Autant le Sagittarien adapté privilégie le mouvement qui permet d’étendre son rayon d’action toujours plus loin et dans des directions multiples, autant le Cancérien inadapté reste excessivement dépendant de son port d’attache et du ronron quotidien. Dans Scènes de la vie conjugale, Johan, l’alter ego d’Ingmar Bergman, n’arrive pas à couper les ponts d’avec sa première femme : « Je te suis attaché d’une autre façon, plus profonde que je ne le savais moi-même, finit-il par lui avouer. J’étais dépendant de tout ce qu’on appelle la maison, la famille, une vie organisée, une vie quotidiennement tranquille. » Là où l’adapté aime évoquer en famille le bon vieux temps, l’inadapté voudrait au fond que rien ne bouge ni ne change jamais, que tout reste toujours « comme avant [25] ».

Marcel Proust s’est constitué prisonnier volontaire de son enfance, plus spécialement de sa mère, avec laquelle il a entretenu une relation immature jusqu’à la mort de celle-ci. L’asthme ainsi que la rédaction de son œuvre l’auront par ailleurs condamné à vivre le plus clair de son existence dans l’espace confiné de sa chambre. Incapables de couper le cordon ombilical, certains inadaptés du Signe restent d’éternels enfants qui ne veulent ni ne peuvent accéder à l’autonomie et cherchent, leur vie durant, un substitut parental qui les prenne en charge. Certains natifs sont des pantouflards têtus, d’autres s’enferrent dans une quête perpétuelle des paradis perdus ou imaginaires de l’enfance.

Cancer

Deuxième facette : vitesse d’inhibition inadaptée

Nuit : mécanismes d’inhibition. Croissance du pôle dominant : vitesse. Croissance de la nuit dominante : vitesse d’inhibition. Croissance de la nuit dominée du Cancer : vitesse d’inhibition inadaptée. Rapidité de rétraction inadéquate.

L’adapté du Sagittaire coupe le contact vite et bien pour ne pas nuire à l’ambiance générale, quitte à le rétablir aussi vite dès que la situation s’y prête. Dans ses moments d’inadaptation, le natif du Cancer coupe le contact vite et mal, de façon précipitée, inopportune et injustifiée, qui embarrasse et parfois tyrannise indirectement son entourage. Le moindre signe qui lui semble inquiétant le fait immédiatement rentrer dans sa coquille. La formule « vitesse d’inhibition inadaptée » désigne ce type de mauvais réflexe.

Autant les Signes d’automne, où la durée du pôle nocturne dominant augmente, prédisposent à maîtriser la peur, autant dans leurs aspects inadaptés, les Signes d’été portent à se laisser trop vite désarçonner par tout ce que la nuit symbolise : l’inconnu, l’invisible qui, par définition, sont incontrôlables. « J’ai peur, c’est tout c’que je sais faire… », chante Brigitte Fontaine. L’inadapté redoute, entre autres, les instances collectives et tente d’y échapper autant que faire se peut. C’est parce qu’il ne se sentait pas en mesure de faire face à des tracas administratifs, qu’Ingmar Bergman a fui sa Suède natale.

« Il a une peur mortelle des microbes et me regarde avec une rage sans paroles que je ne reconnais que trop bien », a noté Liv Ullman [26] après avoir amené leur fillette enrhumée à son metteur en scène de compagnon. « Phobique du toucher, Glenn Gould [27] ne voulait rien prendre avec les mains, pas même les journaux, et surtout pas la main de l’autre, tant il avait peur de contracter la mort ou l’infection à ce contact. » « Bien qu’attiré par le Nord et le froid, il redoutait paradoxalement d’attraper froid et se présentait vêtu comme pour une expédition polaire : pardessus, casquette, écharpe(s), gants. Il jouait même avec des mitaines et se baignait… avec des gants [28] ! » Le natif qui actualise cette facette est sujet à un alarmisme galopant dont l’hypocondrie n’est pas la seule manifestation courante. À partir de rien ou presque, il s’affole, édifie un scénario catastrophe, se claquemure au sens propre comme au sens figuré. Le bouton minuscule ne peut être qu’un début de tumeur… Le craquement inaudible, un cambrioleur… Le léger froncement de sourcil du partenaire, la preuve de son désamour… Dans son texte C’est normal…, Brigitte Fontaine part d’un « truc bizarre », d’une « odeur de brûlé », d’une légère sensation de vertige pour développer un délire hilarant sur l’imminente explosion de gaz qui va détruire son immeuble et faire passer tous ses occupants de vie à trépas. « … Proust nous reçoit sur son lit, a raconté Jean Cocteau, habillé, colleté, cravaté, ganté, terrifié par la crainte d’un parfum, d’un souffle, d’une fenêtre entrouverte, d’un rayon de soleil. “Cher Jean, me demandait-il, n’avez-vous pas tenu la main d’une femme qui aurait touché une rose ?—Non, Marcel.—En êtes-vous sûr ?” Et mi-sérieux, mi pour rire, il expliquait que la phrase de Pelléas où le vent a passé sur la mer suffisait à lui déclencher une crise d’asthme [29]. »

Cancer

Troisième facette : phase ultraparadoxale

Trop de jour et pas assez de nuit, mais le pôle en excès diminue alors que le pôle en insuffisance augmente : phase ultraparadoxale, confusion des extrêmes, irrationalité par emprise de la subjectivité…

Au début de l’été, l’excès de jour et l’insuffisance de nuit se compliquent de la décroissance du jour majoritaire et de la croissance correspondante de la nuit minoritaire. Alors que la mort de la nuit prédisposait l’inadapté des Gémeaux à trop ignorer les données qu’elle symbolise, sa renaissance y sensibilise davantage l’inadapté du Cancer. Le caractère embryonnaire de sa nuit le porte cependant à mal gérer ce à quoi elle renvoie. « Si l’art n’a pas une certaine irréalité, il n’est pas réel. Quand il n’y a pas un certain élément illogique, irréel, il n’y a pas de réalité… », disait à juste titre Marc Chagall. Autant l’adapté du Signe intègre de façon constructive la dimension de l’imaginaire à sa vie, autant l’inadapté se complique l’existence par la confusion qu’il fait entre les plans relevant du virtuel et ceux relevant du réel.

« Oncle Isaac dit qu’on est entouré de réalités toutes concentriques, ça fourmille de fantômes, de revenants, de spectres, d’âmes, d’esprits frappeurs, de démons, d’anges et de diables… », s’étonne le petit garçon censé incarner Ingmar Bergman dans le film Fanny et Alexandre. Le cinéma d’Abel Ferrara [30] combine avec talent et originalité le réel et le virtuel que ses personnages n’arrivent pas à maîtriser. Dans Invasion of Body Snatchers, le réalisateur américain nous montre des créatures venues d’ailleurs, aussi effrayantes que la nuit cancérienne porte à les imaginer, qui s’emparent du corps des humains durant leur sommeil pour s’y incarner elles-mêmes, si bien qu’on ne sait plus si l’on a affaire à l’individu lui-même ou à la créature diabolique qui l’a parasité. Il en résulte que l’on peut éprouver de la terreur face à l’être le plus proche de soi, tout comme se sentir rassuré par le monstre qui n’en a que l’apparence. Dans The Blackout, le héros du film, en proie à des hallucinations amplifiées par ses abus d’alcool et de drogue, ne cesse de se demander avec angoisse si les images qui l’obsèdent sont le fruit de son imagination ou de son vécu.

L’inadapté du Cancer est sujet à des remontées de l’inconscient qu’il n’identifie pas comme telles. Il perd son énergie à se battre contre les angoisses que lui inspirent ses fantasmes, au lieu de s’appesantir sur d’éventuels dangers objectifs, et tourne en rond dans la prison de son chaos intérieur, exactement comme il fait du surplace dans le capharnaüm d’un logis-musée où s’entassent pêle-mêle des objets-souvenirs qui occupent toute la place. Ainsi, tant la personne que son espace sont phagocytés par ce qui n’existe pas ou plus, aux dépens de ce qui existe.

Alors que l’adapté marie harmonieusement les divers domaines de son existence, l’inadapté en fait un méli-mélo douteux. Christine Deviers-Joncour, l’ex-maîtresse de l’ex-ministre Roland Dumas, inculpée avec lui à propos du scandale de l’affaire Elf, a mis allègrement dans le même sac les sentiments, l’argent, le pouvoir et brouillé à plaisir les cartes, en jouant avec une apparente bonne foi et un entêtement typiquement cancériens celle destinée à la faire passer pour une victime de l’amour. Bien des natifs épuisent tout le monde, hormis eux-mêmes, par leur art du chantage affectif, un art d’autant plus consommé qu’il est plus inconscient et instinctif que calculé. Chercher à apitoyer, attendrir, parfois séduire une personne avec qui un tel registre n’est pas de mise, est leur moyen privilégié d’en obtenir ce qu’ils veulent. Les plus doués y parviennent régulièrement, les autres sont vite catalogués comme des poisons pleurnichards, collants et peu fiables.

« On ne voit bien qu’avec le cœur », pensait Saint-Exupéry [31]. Si l’intelligence du cœur est la plus belle qualité d’un être humain et n’a pas grand-chose à voir avec son conditionnement céleste, l’amalgame entre le cœur et la tête, entre le ressenti subjectif et la réalité objective, auquel porte la disproportion entre le jour et la nuit, est une spécialité de l’inadapté du Cancer. Ayant un cœur aussi « ultraparadoxal », autrement dit aussi embrouillé et irrationnel que son cerveau, il prend ses chantages affectifs pour l’expression de son excès de sensibilité, sans se rendre compte de l’absurdité et de l’égocentrisme de ses comportements, ni de l’irritation qu’ils provoquent chez ceux qui les subissent.

Laissons le dernier mot à Jean Cocteau qui a exprimé à sa façon l’enchevêtrement du monde intérieur avec le monde extérieur, par lequel se résume le désordre cancérien. « Mes rêves m’entraînent dans des aventures innombrables…, a-t-il écrit. Je m’efforce d’éponger tout cela le matin, tellement je redoute d’embrouiller les deux mondes et d’ajouter l’incompréhensible à l’incompréhensible… N’ayant pas le sens du temps, emmêlant mes âges et mes points de repère, situant la veille, ce qui date de nombreuses années, incapable de me souvenir dans quel ordre sont nés mes ouvrages, oubliant des périodes entières de ma vie et par contre, me remémorant à merveille des détails impossibles à situer dans aucune époque, il est normal que je me sente au milieu d’un funeste colin-maillard, où je trébuche, les yeux bandés, les mains vagues, entouré de rires moqueurs [32]. »

Cet article vous a été proposé par Françoise Hardy

[1] Salvador Dalí, La Vie secrète de Salvador Dalí, La Table ronde.

[2] Le même observateur, Erik Izraelevitch, a surnommé Jacques Chirac, né sous le Signe inverse du Sagittaire qui porte à ne pas se laisser arrêter par grand-chose, le surnom révélateur de Monsieur « Et-Et ».

[3] Claude Chabrol, Pensées, répliques et anecdotes, le cherche midi.

[4] Paul Morand, Entretiens avec Jean José Marchand, La Table ronde

[5] Philippe Delerm, Le Bonheur. Tableaux et bavardages, Éditions du Rocher. Philippe Delerm a le Soleil en Sagittaire, mais il est né sous une Lune culminante en Cancer et la Vierge est son Signe ascendant.

[6] Leila Shahid : Mercure et Soleil en Cancer. Yasser Arafat : Soleil en Vierge, Ascendant et conjonction Vénus-Pluton dominante en Cancer.

[7] Les exceptions sont en rapport avec le reste du ciel : un natif du Cancer né, par exemple, à une heure forte de Mars et avec le Signe du Bélier occupé, sera plus vindicatif qu’un Cancer Ascendant Balance avec la Lune en dominante.

[8] Une dominante lunaire peut sensibiliser de la même façon aux problèmes de l’enfance.

[9] Yves Duteil : Soleil en Lion, mais Mars, Uranus, Lune et Mercure en Cancer.

[10] Luigi Comencini : Soleil et Mercure en Gémeaux. Pluton, Saturne et Vénus conjoints et dominants en Cancer.

[11] Psychoportraits du XXe siècle, ouvrage collectif, Éditions Josette Lyon.

[12] Claude Chabrol, Pensées, répliques et anecdotes, le cherche midi.

[13] Télérama, 1974, interview de Claude-Marie Tremois.

[14] Ingmar Bergman, La Lanterne magique, Gallimard.

[15] Expression empruntée à Jean-Pierre Nicola.

[16] Léo Ferré, l’auteur de la chanson Avec le temps, avait le Soleil et Mercure en Vierge, mais Pluton en heure de puissance, la Lune, Vénus et Saturne en Cancer.

[17] Les Inrockuptibles, article de Bertrand Leclair, novembre 1999.

[18] Claude Mauriac, Marcel Proust par lui-même, Le Seuil.

[19] Jean-Pierre Raffarin : conjonction Mercure-Soleil Pluton-Saturne non dominante en Lion, mais Ascendant et conjonction dominante Vénus-Uranus Lune en Cancer.

[20] Formulation empruntée à Jean-Pierre Nicola.

[21] Ingmar Bergman, La Lanterne magique, Gallimard.

[22] Interview accordée à l’auteur.

[23] Heureusement pour elle et pour nous, le conditionnement céleste d’Isabelle Adjani oppose le besoin de tranquillité qu’elle évoque, à celui de vivre intensément (Ascendant Bélier, Mars fort d’un côté, Cancer et conjonction Lune-Neptune dominante de l’autre).

[24] George W. Bush : conjonction Soleil-Saturne en Cancer, conjonction Mercure-Pluton-Vénus dominante en Lion, son Signe ascendant.

[25] « C’est comme au bon vieux temps, quand c’était mieux avant… », chante dans sa chanson La Mélodie du bonheur Benjamin Biolay dont le Cancer est le Signe ascendant.

[26] Liv Ullman, Devenir, Stock.

[27] Glenn Gould : Balance Ascendant Cancer. Pluton, sa planète dominante, se levait en Cancer.

[28] Psychoportraits du XXe siècle, ouvrage collectif, Éditions Josette Lyon.

[29] Jean Cocteau, La Difficulté d’être, Éditions du Rocher.

[30] Abel Ferrara : triple conjonction Uranus-Soleil-Vénus en Cancer au carré de Neptune. Mars en Scorpion. Dans l’ignorance de l’heure de la naissance, on ne connaît pas le Signe Ascendant.

[31] Saint Exupéry, Le Petit Prince, NRF Gallimard.

[32] Jean Cocteau, Entretiens sur le cinématographe, Ramsay « Poche Cinéma ».

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