Le processus d’inhibition est l’une des clés d’accès au zodiaque réflexologique. Que l’inhibition dominante soit lente (Capricorne, Verseau, Poissons) ou rapide (Balance, Scorpion, Sagittaire), qu’elle soit “naturelle” (Taureau), “bloquante” (Cancer, Vierge), “différentielle” (Scorpion) ou “extinctive” (Capricorne, Poissons), elle constitue une réponse constante du vivant aux signaux reçus de l’environnement (1).
Sa résultante fonctionnelle (sa finalité ?) est le découplage entre le comportement de l’individu concerné et les incitations à l’action que l’on peut percevoir dans le milieu : on dit non, on s’arrête, on n’en veut plus, on coupe le contact, on débranche ; ceci afin d’éviter les erreurs, les surchauffes, les dangers, les menaces, l’exténuation, et in fine l’autodestruction.
C’est dire si l’inhibition joue un rôle vital. Toute inhibition a sa raison d’être : l’auto-conservation, et ce, même dans les cas pathologiques d’inhibition excessive, où l’individu se protège grâce à elle de la survenue d’expériences vitales majeures qu’il redoute : s’adapter, se transformer, se révéler différent de ce que l’on croyait être.
Si l’excitation induit chez le sujet une densification de la dépense d’énergie, et, sous cet aspect, se manifeste comme consentement à s’inscrire dans le temps qui passe, l’inhibition fait divorcer la dépense d’énergie de l’évènementiel (ensemble des modifications de perceptions couplées à l’écoulement du temps), recherche la stabilisation de cette dépense au niveau le plus bas et le plus durable possible, et tend ainsi à nier le temps qui passe et les vicissitudes qui en découlent. Objectif : éternité.
Complexe dans ses modalités d’actualisation réflexologique, l’inhibition l’est également par la gamme des niveaux du vivant où elle intervient : depuis les modifications de spin liés aux échanges de “couleur” par l’intermédiaire des gluons entre les quarks qui constituent la structure la plus fine actuellement connue au sein des protons et des neutrons agencés en atomes dont nous sommes constitués, jusqu’aux problématiques collectives de fermeture à l’autre, à l’inconnu, qui se manifestent dans les sociétés humaines quand elles ont le sentiment d’avoir déjà (et trop) donné. En passant par les modulations électromagnétiques de la réactivité entre atomes, les variations fines des échanges d’ions intracellulaires ou transmembranaires, les conjonctures métaboliques pouvant affecter le nombre ou la capacité de réponse des récepteurs cellulaires, les conversions de méthylation/acétylation des histones au niveau de l’ADN, les louvoiements de l’efficacité des contrôles post-transcriptionnels ou post-traductionnels des protéines, les hauts et les bas de concentrations plasmatiques de telle ou telle hormone, les délibérations internes de tel neurone sur le déclenchement ou non d’un potentiel d’action, les caprices de la coopérativité synaptique à se révéler plus ou moins efficace et donc à activer ou non tel circuit neurophysiologique, le poids de la mémoire dans la prise de décision chez les individus dotés d’un psychisme… sans compter les facteurs exogènes variables comme les apports de nutriments, les agressions virales ou bactériennes, les conditions physico-chimiques de l’atmosphère…
Une étude sérieuse du pourquoi et du comment de l’inhibition devrait prendre en compte — au moins — l’ensemble de ces facteurs.
L’objet de cet article est plus modeste : mettre en valeur le caractère transversal de l’inhibition par rapport aux divers référentiels astrologiques. Plus clairement, montrer que l’inhibition n’est pas une réponse exclusivement affectée au référentiel “zodiaque réflexologique”, mais qu’elle peut être induite par des signaux planétaires dans le cadre du R.E.T. et — aggravons notre cas — par des signaux planétaires entre lesquels les mécanismes communs ne sautent pas vraiment aux yeux.
“Le raisonnement par analogie ainsi que le mimétisme sont caractéristiques de l’homme, mais ne sont pas exempts de toute erreur. Liés à la négligence et à l’étourderie, ils finissent par égarer l’historien et le détourner de son but. Il se peut que l’historien en possession de beaucoup de faits ne se rende pas compte des changements et bouleversements qui interviennent ; il confronte alors ses faits, sans hésiter, avec le présent qu’il connaît et les compare à ce qu’il voit. Donc la différence qui sépare le raisonnement du mimétisme est parfois si grande qu’elle induit dans de graves erreurs.” IBN KHALDÛN, Muqadimma (Prolégomènes), traduit par Mohamed-Aziz Lahbabi, in IBN KHALDÛN (Collection Philosophes de tous les temps, Éd. Seghers, 1968, p. 123)
Dans la théorie des âges, le développement psychologique de l’enfant et sa prise de conscience de soi en tant qu’individu ont partie liée avec le traitement des informations perçues comme provenant de l’environnement. Notons tout de suite que, lors du stade lunaire, cette prise de conscience n’a pas encore commencé, dans la mesure où l’environnement n’est pas alors perçu comme distinct de soi-même.
Mais, au stade mercurien, le système nerveux a poursuivi sa maturation suffisamment loin pour que l’enfant ne s’identifie plus radicalement aux signaux qu’il perçoit ; il aspire alors à en expérimenter la variété et donc, déjà, à se constituer une mémoire de la gamme d’interactions possibles avec cet environnement.
L’image et l’imitation jouent un rôle majeur dans cette évolution. Le sens de la vue — et les fonctions de stockage mnésique qui lui sont associées — devient le support essentiel des interactions sociales et émotionnelles de l’enfant. Aux stades vénusien, puis solaire, c’est en fonction de perceptions visuelles décisives que l’enfant structure son rapport au monde et à ses congénères. Formes, couleurs, expériences sensorielles et émotionnelles vécues en présence des objets et des personnes qui sont les véhicules de ces formes et de ces couleurs structurent les processus de prise de conscience de soi.
Dans les mémoires, l’image perdure en-dehors de sa perception dans l’instant, et se trouve associée aux émotions qui ont contribué à son ancrage mnésique. Ces expériences premières avec les images, une fois mises en mémoire, constituent une résultante d’apprentissage, dont la cohérence permettra une réutilisation en cas d’occurrence future d’images comparables. En attendant, la convocation de telles mémoires, requérant de moins en moins d’énergie au fur et à mesure que le processus devient habituel (cf. infra) et bien câblé (neuronalement parlant), se fait à partir des aires perceptives du cerveau, majoritairement situées vers l’arrière de ce dernier.
À l’adolescence, vers 14–15 ans, se met en place la pensée logique ou formelle, dite hypothético-déductive, “qui déduit” avec rigueur les conclusions de prémisses dont la vérité “n’est admise d’abord que par hypothèse et relève ainsi du possible avant de rejoindre le réel” (2). “L’enfant devient apte à raisonner à partir d’énoncés, d’hypothèses abstraites, de propositions, d’éventualités à peine esquissées, de probabilités, bref de diverses cérébralisations aigues à partir de ce qui pourrait être vrai. Alors que jusqu’à douze ans il ne pouvait développer sa logique qu’à partir de l’idée figée qu’il se faisait de sa situation concrète, en essayant par exemple de classer et répertorier des objets visibles ou immédiatement représentés, sa pensée peut maintenant se développer à partir d’éléments verbaux ou symboliques.” (3)
Cette approche psychologique est fondée sur les travaux de Jean Piaget et Bärbel Inhelder, qui en ont donné des exposés célèbres mais méthodologiquement incomplets : “Si Piaget, biologiste de formation, mais psychologue de profession, envisageait bien une réalité cérébrale correspondant au stade des opérations formelles, il lui manquait les méthodes d’imagerie cérébrale pour l’observer” (4).
L’intérêt de cette remarque est de mettre en question le caractère spontané et automatique de l’apparition de la pensée formelle. En effet, elle semble ne se développer que de manière conditionnelle, à savoir si, et seulement si elle est effectivement exercée sur des problèmes posés par l’environnement (5). Chez beaucoup d’adolescents et d’adultes, (dotés de pensée formelle selon Piaget), on repère lors de situations expérimentales des erreurs de déduction, nommées biais de raisonnement (4) :
▶ des adultes peu scolarisés échouent fréquemment à mettre en œuvre des instruments formels lors d’épreuves opératoires cliniques de Piaget (Schircks et Laroche, 1970) ;
▶ des adultes, de niveau culturel élevé, confrontés à des situations qui leur sont peu familières, ne savent pas utiliser les instruments formels dont ils disposent : le contenu du problème influence la découverte de la solution, le matériel concret donnant lieu à un taux d’échec moindre (Wason, 1969 ; Lunzer et collaborateurs, 1972) ;
▶ le degré de familiarité du sujet avec un certain contenu constituerait un facteur important dans l’apparition de raisonnements impliquant l’utilisation d’outils formels (Fischbein, 1970, 1972 : ses travaux suggèrent que la pensée formelle n’est jamais acquise en bloc) (2).
Dans une perspective astrologique, cela ne peut que confirmer l’existence d’un “travail” progressif au sein de la personnalité tout au long d’un cycle planétaire dont les aspects peuvent cristalliser les points forts : on n’acquiert les vertus saturniennes qu’en vivant un certain nombre d’“étapes critiques” au cours desquelles il convient d’apporter de nouvelles réponses à des problèmes jamais approchés, ou bien jamais sous cet angle.
On remarquera que rien, jusqu’ici, ne justifie concrètement le rôle des significations saturniennes dans l’acquisition de la pensée formelle : si on reconnaît sans peine la sémantique saturnienne dans l’approche psychologique présentée (hypothèses, questionnement, maîtrise d’instruments formels abstraits), les supports physiques de ce rôle de Saturne ne sautent pas aux yeux, d’autant que le caractère non automatique de la construction de la pensée formelle vient compliquer les choses. Comment y voir plus clair ?
En combinant l’approche psychologique et l’analyse physiologique que permettent les techniques récentes d’exploration de l’activité nerveuse. Suivons les travaux d’Olivier Houdé et de ses collaborateurs (4) :
▶ un groupe de personnes est invité à participer à un test ; chaque personne dispose d’un ordinateur pour visualiser un certain nombre de figures qui lui sont proposées, et d’un clavier d’ordinateur pour formuler sa réponse. Le but est de répondre conformément à une règle déductive qui apparaît sur l’écran. Par exemple, “S’il y a un carré rouge à gauche de l’écran, alors il y a un cercle jaune à droite”. Le sujet doit alors sélectionner avec la souris de l’ordinateur des formes qui apparaissent sur l’écran et qui rendent la règle vraie. Tout le monde place alors un carré rouge à gauche et un cercle jaune à droite, donc tout le monde réussit l’expérience.
▶ là où les choses se compliquent, c’est lorsqu’on propose une autre règle déductive : “S’il n’y a pas de carré rouge à gauche, alors il y a un cercle jaune à droite”, et l’on doit sélectionner avec la souris deux formes géométriques qui rendent la règle fausse. 90 % des personnes testées se trompent et mettent un carré rouge à gauche d’un cercle jaune. Or, la réponse qui répond strictement à la logique, c’est de ne pas mettre un carré rouge à gauche, et en même temps de ne pas mettre de cercle jaune à droite : la règle énoncée est alors fausse le plus littéralement possible. Il y a donc dans cette erreur un déficit de rigueur, dont on doit chercher les origines.
Cette erreur provient d’une carence d’inhibition. En effet, qu’est-ce qui conduit à cette erreur ? Le fait de se focaliser spontanément sur la force du percept : carré rouge, cercle jaune : le sujet est pour ainsi dire hypnotisé par ces deux figures qui combinent toutes les séductions de l’image : simplicité des couleurs, perfection des formes ; le sujet ne se pose pas assez de questions : à ses yeux, de toute manière il faut qu’il y ait au moins un carré rouge ou un cercle jaune quelque part. On appelle cela un appariement perceptif impulsif.
Vient le moment douloureux où le sujet de l’expérience constate son erreur, en éprouve du désarroi, se remet en question, conteste les schémas de pensée auxquels il s’identifiait jusqu’ici : c’est lors de ce moment difficile de décentration par rapport à soi-même que l’on est au cœur de la problématique saturnienne : on perd pied, une angoisse plus ou moins forte se met à sourdre, même si c’est pour peu de temps (les corrélats biologiques de cette angoisse ne seront pas étudiés ici). Pour les phobiques des maths, ils reconnaîtront sans peine le sentiment qui les assaille lorsqu’ils sont astreints à pratiquer cette discipline. La prise de conscience des erreurs se manifeste au niveau cérébral par une activité du cortex préfrontal ventromédian et le cingulum antérieur : ce dernier engendre une émotion négative associée à la perception de conflits entre les réponses possibles.
Le point central de cette remise en cause, du moins pour un sujet qui ne se décourage pas d’office et qui cherche à dépasser cette erreur, c’est ce qui se passe dans son cerveau à ce moment-là : la technique employée pour explorer l’activité cérébrale est ici la tomographie par émission de positons (dont le mécanisme ne sera pas non plus étudié ici) :
Dans l’activité cérébrale, on constate une reconfiguration des réseaux cérébraux, de la partie postérieure du cerveau à sa partie antérieure, préfrontale : cette modification est corrélée avec une procédure psychologique d’inhibition des appariements perceptifs impulsifs, au cœur de la problématique saturnienne : mettant en valeur les régions préfrontales, elle correspond à une inhibition cognitive déclenchée par un apprentissage expérimental.
Qu’est-ce qui est alors inhibé au juste ? L’activité de la partie postérieure des gyrus temporaux moyen et supérieur gauche (aire de Wernicke, liée au langage) et du gyrus angulaire gauche : en lisant la règle, le sujet se focalise trop sur les mots qui évoquent les formes colorées (carré rouge, cercle jaune) : ces aires sont moins actives après l’apprentissage qu’avant. L’aire visuelle V4 sur la voie ventrale (analyse des formes colorées) et les régions occipito-pariétales de la voie dorsale (traitement perceptif de l’espace : ici, distinguer entre la droite et la gauche) sont également plus activées avant l’apprentissage qu’après.
Le moteur de l’inhibition provient de la partie antéro-inférieure du gyrus frontal moyen, activé lors de l’apprentissage expérimental, en même temps que le gyrus frontal inférieur gauche, qui recouvre l’aire de Broca (autre aire du langage) : cette activation provient du fait que, même s’il reste muet, le sujet de l’expérience se met à “se parler” intérieurement pour résoudre le problème logique qui lui est posé. La pré-aire motrice supplémentaire est également activée dans un but inhibiteur, car c’est par un acte moteur (manipulation de la souris de l’ordinateur) que l’on va produire une réponse correcte.
Qu’est-ce qui est plus activé après l’apprentissage qu’avant ? Le gyrus frontal moyen (mémoire de travail portant sur la manipulation logique des propriétés des objets et de l’espace : signe que le traitement logique l’emporte sur le traitement perceptif). Le gyrus parahippocampique mémorise les instructions de l’apprentissage ; le pulvinar (une région du thalamus) et le cortex péristrié filtrent les informations visuo-spatiales non pertinentes.
Oui, si l’on met le sujet dans les conditions nécessaires. Il est évident que l’on peut procéder à un apprentissage “froid”, ne suscitant pas d’émotion particulière, du genre : “Voyez, ici, tout le monde a tendance à se tromper parce que personne n’est suffisamment concentré sur tel aspect de l’énoncé ; donc, vous qui êtes prévenus, vous ne ferez pas cette erreur.”
Dans ce cas, le sujet n’est pas en situation d’émotion parce qu’il n’a pas été piégé en situation d’erreur : il n’a donc pas à se remettre en question lui-même. Par contre, chez les personnes qui ont commis cette erreur et qui doivent remettre en cause leurs stratégies logiques, on constate une activation spécifique du cortex préfrontal ventromédian droit, de la jonction des gyrus précentral et frontal moyen gauches, du pulvinar droit et du cortex péristrié bilatéral. Selon Antonio Damasio, ce cortex préfrontal ventromédian droit n’est pas spécialement impliqué dans une tâche de pure logique déductive, mais plutôt dans l’émotion et dans le “sentiment même de soi” associés à la prise de conscience de l’erreur de raisonnement, pouvant mener à des risques de dévalorisation sociale de soi. Cette région a donc à voir avec les processus solaires de conscience sociale de soi. L’émotion fournit l’énergie et la motivation indispensables à effectuer un pénible effort d’adaptation pour récupérer une maîtrise du réel qui s’est dérobée.
On retrouve ici la formule même de Saturne : utilisation de l’émotion (niveau-source ‘E’) dans une fonction déstabilisatrice (niveau-but ‘t’) de ce qui était acquis et sélectionné jusqu’ici et à quoi on s’identifiait (“non-R”). L’intérêt des recherches d’Olivier Houdé est de donner un fondement anatomique clair à ces mécanismes : pendant l’inhibition cognitive, l’activité cérébrale s’atténue du côté postérieur du cerveau (aires perceptives, spécialement visuelles) et augmente du côté antérieur (pôles frontaux intégrateurs).
Soulignons que si Saturne remodèle l’activité cérébrale, il ne garantit pas la pérennité de ce remodelage : c’est l’affaire de processus solaires que de procéder à une nouvelle sélection durable par des processus intégrateurs qui ne rendront efficace qu’au bout d’un certain temps — éminemment variable selon les individus — la dure loi répulsive de la restructuration de l’activité cérébrale : cette dernière sera éprouvée comme partie intégrante de la conscience de soi si cette intégration est réussie.
On peut douter que ce soit le cas si le sujet est marqué d’une dissonance Soleil-Saturne :
- si Soleil domine, refus de se soumettre aux rigueurs de l’inhibition cognitive, refus d’éprouver l’angoisse restructurante qui porterait atteinte à la conscience de soi déjà établie ; résultat : on apprend mal les dures leçons de la vie, et tout ce qui est nouveau ou inconnu fait plus peur que la moyenne. On peut alors nier l’évidence des nécessités adaptatrices : il n’y aura jamais rien de nouveau sous le Soleil ; mais, dans ce cas, il est difficile d’éviter de se sentir gagné par la panique s’il y a menace de perte de contrôle du réel.
- si Saturne domine, on tend à s’infliger en permanence l’ascèse restructurante à propos de tout et de n’importe quoi, sans discernement particulier permettant de hiérarchiser les occasions qui valent la peine de faire un effort véritable : l’angoisse devient chronique devant un monde dépourvu de sens et porteur de stress permanent : la dépression ou le nihilisme guettent alors les résistances nerveuses trop éprouvées. Et inutile de chercher à s’appuyer sur un consensus pour alléger sa quête sans fin : on est trop seul à penser ce que l’on pense.
Dans cette perspective du rôle joué par l’émotion dans l’apprentissage cognitif, Olivier Houdé nous montre les insuffisances de la théorie piagétienne grâce à une expérience qui vaut son pesant d’ironie (8) : selon Piaget, c’est vers l’âge de sept ou huit ans que l’enfant prend conscience du principe de nombre, par abstraction réfléchissante (conscience réflexive). Piaget déduisait ceci d’une expérience où l’enfant devait ne pas confondre la longueur d’une rangée de pions avec le nombre de pions contenus dans cette rangée : on met devant l’enfant deux rangées de pions, mais l’un de ces rangées (de huit pions) est plus longue que l’autre (de douze pions) du fait que les pions y sont plus écartés entre eux. Avant l’âge de sept ou huit ans, l’enfant désigne régulièrement la rangée la plus longue comme celle contenant le plus de pions : preuve, selon Piaget, qu’il n’a pas accès à la notion de nombre abstrait jusqu’à cet âge.
Or, les expériences de Jacques Mehler reprennent ce protocole d’expérience, mais remplacent les pions par des bonbons ! Et, comme par hasard, c’est dès l’âge de deux ou trois ans que l’enfant réussit cette expérience. Pourquoi ? Parce que la situation est émotionnellement plus forte : on a promis de donner à l’enfant tous les bonbons de la rangée qu’il désignerait comme contenant les plus d’éléments ! “L’émotion et la gourmandise rendent le jeune enfant ‘mathématicien’ et lui font sauter la marche — ou le stade perceptif !” (8)
En fait, il semble que la conscience réflexive du nombre commence avant même l’apparition du langage (expériences de Karen Wynn) (8).
Tout cela est bien joli, mais se rendre compte que les enfants sont mathématiciens à l’âge de deux ans, cela ne remet-il pas quelque peu en cause la théorie des âges, où l’émergence de l’abstraction mathématique cadre bien avec l’âge saturnien ?
Les tendances liées à une planète donnée sont en fait en cours d’élaboration dès le début du premier cycle de cette planète, c’est-à-dire depuis la naissance. Je vous renvoie à Richard Pellard, Les Significations planétaires, p. 184–185 : “Avant cet âge, ces tendances apparaissent sous la forme d’ébauches plus ou moins réussies, de préfigurations incertaines… Elles n’attendent pas, pour se manifester dans le comportement d’un individu, l’âge où elles vont pleinement se révéler et s’intégrer… Dès que nous naissons, nous sommes prêts pour tous les apprentissages, mais parmi eux il en est que nous ne ferons jamais, faute de temps, de circonstances favorables et de moyens…” L’enfant mathématicien de deux ans s’est vu offrir les trois : le temps soustrait à ses loisirs pour faire l’expérience, les circonstances favorables (emploi d’un argument émotionnel majeur : les bonbons !) et les moyens (présence d’un expérimentateur qui met au point l’expérience, et des objets constituant le support de l’expérience).
Parce qu’elle réclame un effort important. À douze ans, on n’a guère connu, sur ce plan-là, que les appariements perceptifs impulsifs, que toute l’éducation s’ingénie d’ailleurs à renforcer, en encourageant l’enfant à les pratiquer sans cesse (identification constante de l’enfant, positive ou négative, avec des personnages de contes, de films, de dessins, parce que lesdits personnages sont beaux, ronds, colorés, souriants, bardés de fourrures caressantes, caricaturalement agonistes ou antagonistes de l’idéal du bon père ou de la bonne mère…). Même chez les singes, l’apprentissage est essentiellement fondé sur l’imitation de ce qui est vu. Le système nerveux fonctionne essentiellement sur ce rapport-là au monde, et l’activité nerveuse qui sous-tend cette attitude a eu tout le temps d’être très hautement sélectionnée (constitution de graphes neuronaux très intégrés, synapses à haut trafic…). Il est beaucoup plus économique de continuer à fonctionner de la même façon que de se mettre soudainement à restructurer tout cela, pour un profit plus qu’incertain. Nombreux sont les gens qui n’arrivent jamais à intégrer totalement une remise en question aussi dérangeante.
On peut bien sûr renvoyer à toutes les significations négatives de Saturne : l’angoisse permanente tournant à vide sans signal clair de danger, la compréhension de la nécessité qu’il faut restructurer quelque chose sans comprendre qu’il s’agit de soi-même, ce qui mène à restructurer les autres : les Savonarole, les terroristes, les contempteurs de tout et de tous vomissant le genre humain ; les dépressifs renonçant d’avance à se restructurer parce qu’il ne s’en croient pas capables ; ceux qui ont bien compris qu’il s’agit de se transformer soi-même, mais qui n’ont pas le mode d’emploi : clients pour les utopies, les gourous de passage, les martingales d’auto-perfectionnement fabriquées au kilomètre par de philanthropiques sectes, églises ou partis…
Mais, puisque nous sommes en astrologie, restons un peu chez les astrologues : la pensée enfantine conditionnant vers les appariements perceptifs impulsifs conduit tout droit à l’analogisme, à la symbologenèse : le semblable produit le semblable, ou tout au moins y participe. Mars est la planète de la guerre parce qu’elle est rouge comme l’hémoglobine qui ne manque pas de couler dans ce cas-là, Saturne est tristounet parce qu’il est tout seul, là-bas, isolé et blafard, Mercure est la planète ailée des commerçants, des joggers et des bons petits diables parce qu’elle va drôlement vite par rapport aux autres, et la Lune représente la femme et la mère parce qu’il lui arrive d’être ronde comme un ventre féminin gravide…
Il y a quelque temps (6), je m’étais interrogé sur les bases physiologiques de cette tendance à l’appariement du percept et de l’émotion ; j’avais alors émis l’hypothèse de l’existence d’un “Enfer des Formes”, sous-répertoire neural stockant les formes géométriques basiques associées à des émotions tout aussi basiques, et dont le contenu est repéré dans les objets perçus dans l’environnement, l’objet en question suscitant alors l’émotion qui a permis le stockage de la forme : par exemple, une fenêtre médiévale en arc en plein cintre ne suscite pas la même émotion qu’une fenêtre en arc brisé : pourquoi ? Il se trouve que cet Enfer des Formes a été, depuis, repéré et localisé (7). Bien entendu, les savants ne l’appellent pas comme ça…
Chez les astrologues analogistes (et souvent anti-conditionalistes), cette stratégie d’appariement perceptif impulsif fonctionne à plein régime ; pas étonnant que tout soit dans tout lorsqu’ils nous présentent leur conception du cosmos ; l’essentiel, pour l’astrologue qui parle, est d’insérer dans son discours les émotions les plus gratifiantes possibles, en esquivant le déplaisir et la remise en cause : aussi l’astrologie traditionnelle, bonne fille mais un peu facile quand même sur les bords, racole-t-elle Ptolémée, la physique quantique, Jung, Nostradamus, Freud, la mythologie grecque plus ou moins subvertie, le karma, le Feng Shui, la réincarnation, les Tarots, le Kama Sutra et la magie blanche… On ne doit pas s’ennuyer quand il y a une soirée chic chez Dame Uranie ! Qui va coucher avec qui ?
Le réel, en astrologie comme ailleurs, est têtu et assez souvent décevant : désolé, la matière n’est pas l’esprit, et Vénus n’est pas une planète très propice aux étreintes érotiques vu le temps qu’il y fait, à moins de faire dans le très, très torride… Il y a, dans le réel, de bêtes atomes, de stupides rayonnements, d’ennuyeuses molécules, et il reste peut-être malgré tout quelques lois dans la nature sur lesquels l’imaginaire jouisseur des appariements perceptifs impulsifs n’a guère de prise. Jean-Pierre Nicola nous a rappelés au réel, au physique, et l’on sait son goût pour la formalisation mathématique des faits. Allez, devinez quelle est sa planète dominante…
Signalons que ce problème de l’inhibition cognitive, qui peut apparaître comme un nec plus ultra des sciences de l’Homme, surtout en notre orgueilleuse et nombriliste époque où tout ce qui a plus de dix ans est considéré comme une pitoyable vieillerie, a été très clairement formulé par l’historien arabe Ibn Khaldûn, dont on trouvera ci-dessus l’opinion sans équivoque sur les dangers de la pensée analogique et du mimétisme, c’est-à-dire des comportements fondés sur l’identification spontanée. Cette opinion a été formulée autour de 1375…
Résumons : lorsqu’on se rend compte que l’on vient de commettre une erreur cognitive, un signal d’alarme émotionnel se met en marche ; il est donc clair que cette prise de conscience de l’erreur provient du fait que quelque chose qui n’était pas conscient auparavant le devient à ce moment. “Notre capacité à déployer une stratégie nouvelle et à inhiber des traitements automatiques dépend de la disponibilité consciente de l’information concernée” (9).
Ceci revient à dire que l’“effort” saturnien, ce sursaut de dépense énergétique nécessaire à la restructuration de l’activité cérébrale, est associé à une prise de conscience, au moins ponctuelle. A-t-on les preuves qu’une information nouvelle nécessite plus d’énergie métabolique pour être traitée qu’une information déjà connue ?
Robert Desimone et Earl Miller ont mis en évidence le phénomène de “suppression par la répétition” dans des enregistrements cellulaires de neurones du cortex inféro-temporal du singe : lorsqu’un même stimulus visuel est présenté plusieurs fois, l’activité neuronale évoquée par ce stimulus diminue progressivement dans certains neurones. Quand la perception est consciente, l’amplitude du signal est élevée et durable, et de nombreuses autres aires cérébrales sont activées simultanément (10). Ce point, fondamental, concerne d’autres aspects de l’astrologie qui ne seront pas développés ici.
L’activité saturnienne passe donc par l’irruption momentanée d’une information dérangeante, qui a pour conséquence un surcroît de travail métabolique pendant un temps plus ou moins long. À quoi sert ce travail ? À apprendre. Or, “l’élaboration de représentations conscientes exige du temps… du fait que la conscience est un processus graduel” (11). “La conscience… rend possible un contrôle flexible et adapté des représentations formées au cours des apprentissages” (12). Si la conscience permet un contrôle des représentations, et que l’inhibition cognitive engendre un surcroît de conscience, c’est évidemment pour suppléer à un déficit de contrôle des représentations qui se révèle alors. Retenons-en l’idée que la mise en route de processus saturniens est déclenchée par les situations de perte de contrôle des relations avec l’environnement. Ainsi, le rôle saturnien se limite à la première partie de l’apprentissage : la déstabilisation des démarches automatiques intégrées. Tout ce qui est stabilisation et intégration des nouvelles stratégies adoptées relève de processus de niveau ‘R’.
L’inhibition des traitements automatiques (et donc inconscients) des informations perçues suppose une transformation dans la durée du traitement de l’information. Dans le cerveau, l’activation des voies dopaminergiques permet au cortex frontal de retenir l’information à traiter dans la mémoire de travail (consciente), et donc de la contrôler. Dans cet état, le cortex frontal envoie des signaux qui inhibent les aires cérébrales qui se livrent au traitement automatique (donc inconscient) des informations. Donc, pas de dopamine, pas de rôle inhibiteur exercé par le cortex. Or, les informations traitées sur le mode analogique (inconscient) sont traitées rapidement ; et les informations traitées de manière cognitive (consciente) sont traitées lentement (il faut le temps de les analyser).
Or, le traitement analogique est favorisé par l’activité noradrénergique, alors que le traitement cognitif est plutôt activé par l’activité dopaminergique : dopamine et noradrénaline, sous cet aspect particulier, se révèlent antagonistes, et l’on passe d’un régime de traitement à l’autre selon que l’un de ces neuromodulateurs domine sur l’autre (13).
Au final, l’irruption d’une situation saturnienne tend à solliciter momentanément un surcroît d’activité des circuits dopaminergiques et donc à favoriser un traitement plus lent de l’information, en vue de sa prise de conscience. Nul ne sera étonné, en astrologie, d’apprendre que Saturne décentre “l’état central fluctuant” neuro-hormonal vers plus de lenteur. Les référentiels énergie et temps qui entrent dans la composition du signal saturnien semblent ici clairement mis en cause. D’ailleurs, les émotions “saturniennes” (négatives) ralentissent la production des images par le cerveau, alors que les émotions positives accélèrent la production de ces mêmes images. De là à coupler leur tonalité affective à leur rythme métabolique… (14). De là, également, à coupler la rapidité/lenteur de l’inhibition aux types d’objets inhibés, et à déboucher sur une explicative neuro-hormonale des fonctionnements zodiacaux…
Le nouveau-né passe l’essentiel de son temps à dormir. Pour tous, le sommeil signifie repos, récupération, repli sur soi, distanciation vis-à-vis des signaux objectifs de l’environnement, et accès au monde énigmatique des représentations oniriques, où la distiinction entre objectivité et subjectivité ne veut pas dire grand’chose.
“Le sommeil est un état de suspension partielle et périodique des rapports sensitifs et moteurs d’un être vivant avec son environnement” (15). Cela implique, entre autres, que des voies neuronales, sensorielles et motrices, qui sont actives pendant l’éveil, se trouvent inhibées pendant le sommeil.
Le sommeil a-t-il une finalité physiologique ? (16). En tout cas, il semble bien entretenir un rapport majeur avec le fonctionnement du métabolisme : un être vivant dort d’autant moins longtemps que sa masse corporelle est importante et son métabolisme bas. Pourquoi ? Parce qu’une forte masse corporelle est l’indice d’importantes réserves énergétiques, et que, si le sommeil sert à reconstituer les réserves énergétiques, on a moins besoin de sommeil quand l’énergie disponible est importante. On n’est pas très loin de l’inhibition “naturelle” du Taureau, ou de l’inhibition “bloquante” du Cancer ou de la Vierge.
D’autant qu’alimentation (apports énergétiques) et sommeil sont étroitement liés. Des signaux sur l’état des réserves énergétiques corporelles parviennent à l’hypothalamus latéral ; dans cette région du cerveau, environ 1500 neurones sécrètent un neurotransmetteur, l’hypocrétine. Ces neurones se projettent sur une autre structure cérébrale, le locus coerulus, dont les neurones sont actifs pendant l’éveil, et au repos (en état d’inhibition) pendant le sommeil. Autrement dit, le locus cœrulus est un centre régulateur de la vigilance ; l’administration locale d’hypocrétine dans le locus cœrulus accroît leur activité, dont l’éveil.
D’autre part, les neurones à hypocrétine reçoivent des informations de la part de plusieurs régions de contrôle de l’appétit, comme le noyau du tractus solitaire qui véhicule les informations de satiété venant du tube digestif ; ils ont aussi des contacts étroits avec les neurones de l’hypothalamus sensibles au glucose. L’injection d’hypocrétine dans le cerveau augmente chez le rongeur la quantité d’aliments ingérés. Réciproquement, l’hypoglycémie et le jeûne alimentaire accroissent l’activité des neurones à hypocrétine. Celle-ci apparaît donc comme un médiateur de la prise alimentaire. Elle établit une relation constante entre la quantité de sommeil et la prise alimentaire : il faut être éveillé pour trouver sa nourriture (17).
Pas besoin donc de grandes considérations freudo-analogisantes sur l’intériorité stomacale ou utérine retrouvée dans le sommeil : le lien, bien matériel, entre deux fonctions étroitement associées des comportements lunaires, à savoir dormir et manger, est assuré par la distribution cyclique d’une plus ou moins grande quantité de molécules d’hypocrétine. Inutile d’aller chercher à coups de machette dans la jungle des mythologies une histoire loufoque qui témoignerait du lien entre ces deux fonctions ; de toute manière, il ne doit pas en manquer, et ces histoires n’ont aucune valeur explicative : elles ne font que témoigner de ce qui arrive à tout le monde : l’association du manger et du dormir, et bienheureux sont les “chercheurs” qui se contentent, pour “résoudre” la contigüité sémantique de deux fonctions vitales “régies” par une planète, de “trouver” que d’autres se sont rendu compte de cette même contigüité avant eux… ! En attendant, nous voici bien au cœur de la sémantique lunaire.
L’hypocrétine aurait également un rôle sur le traitement métabolique de le nourriture ingérée, quelle que puisse être sa quantité par ailleurs : les rongeurs dépourvus d’hypocrétine oxyderaient moins bien ce qu’ils mangent, ce qui les conduit à une surcharge pondérale. Voici notre petit ventre rond lunaire qui pointe son nombril à l’horizon : tout n’est pas perdu pour les analogistes !
Si la Lune concerne “un ensemble formé de fonctions et de parties différentes, peu ou mal différenciées mais rendues homogènes par leurs interactions” (20), on touche du doigt ici comment se font ces interactions.
L’éveil est favorisé par des neurones situés dans l’hypothalamus postérieur, et le sommeil “lent” (18) dépend de neurones situés dans l’aire préoptique, près du chiasma optique (19).
L’hypothalamus postérieur (HP) et l’aire préoptique (POA) sont innervés par des neurones venant de régions promotrices du sommeil, et évitant le thalamus (voie extra-thalamique). Une seconde voie, qui passe par le thalamus (voie thalamique) provient essentiellement d’amas de neurones situés dans le pont (en arrière et vers le bas du cerveau). Le thalamus, lui, est grossièrement au centre du cerveau. Ces amas de neurones du pont, à l’origine de certains aspects du cycle veille/sommeil, sont appelés pédonculopontins (PPT) et latérodorsal (LDT). PPT et LDT sont inactifs (inhibés) pendant le sommeil lent, et en pleine activité pendant le sommeil paradoxal (18).
Dans le sommeil lent, les neurones à noradrénaline du locus cœrulus, les neurones à sérotonine du raphé et les neurones à histamine du noyau tubéro-mamillaire ont un faible activité mais pas nulle, alors qu’elle devient nulle pendant le sommeil paradoxal : cet ensemble correspond donc aux neurones activateurs de l’éveil. Les neurones les plus spécifiquement actifs du sommeil lent sont ceux du noyau pré-optique ventro-latéral (VLPO).
Ce VLPO est un des piliers d’un système régulateur du sommeil : par des contacts utilisant deux neurotransmetteurs inhibiteurs, la galanine et le GABA, ils peuvent inhiber les centres d’éveil aminergiques et cholinergiques du locus cœrulus, du noyau tubéromamillaire, du télencéphale basal et du tronc cérébral, qu’on vient de citer comme centres de l’éveil.
En retour, les neurotransmetteurs de l’éveil (sérotonine, noradrénaline et acétylcholine) inhibent fortement les neurones du VLPO. Ainsi est établie un réseau d’interactions inhibitrices réciproques faisant alterner veille et sommeil. Voir le tableau joint pour classer ce qui est excité, ce qui est inhibé.
Enfin, pour ce qui concerne le sommeil paradoxal, sa mise en marche et son inhibition font également l’objet de boucles de régulations entre les neurones dits SP-on et SP-off, qui sont localisés dans le bulbe rachidien et le pont. Les neurones SP-on déclenchent le sommeil paradoxal et inhibent des neurones moteurs situés dans la moelle épinière, d’où ce caractère “non-E” du sommeil qui fait que l’on ne bouge pour ainsi dire pas même pendant les rêves les plus violents.
On constate que l’inhibition du sommeil ne se laisse pas réduire à une inactivité générale des systèmes neuronaux : dans l’organisme, c’est à perte de vue que les fonctions majeures sont contrôlées par des systèmes dualistes excitation/inhibition dont les deux éléments interagissent, l’un prenant cycliquement le pas sur l’autre. L’inhibition ne peut donc être considérée qu’à un niveau local, car, même pendant le sommeil, pendant que certains neurones sont inhibés, d’autres déchargent à plein rendement pour assurer la qualité du sommeil. En revanche, la notion d’inhibition retrouve un sens au niveau du métabolisme global de l’ensemble de l’organisme, puisque le sommeil favorise la reconstitution des réserves énergétiques épuisées : le sommeil lent est associé à une synthèse cérébrale de protéines et de glycogène (forme stockée du glucose), tandis que le sommeil paradoxal aurait plutôt tendance à dépenser cette énergie. (21)
Il en résulte que ce n’est pas l’ensemble du sommeil lui-même qui peut être considéré comme correspondant à une inhibition énergétique globale, mais seulement le sommeil lent. Le passage de l’état conscient à l’état inconscient est lié à l’inhibition des neurones du thalamus (22).
L’inhibition du traitement des entrées sensorielles lors du sommeil est assurée de la manière suivante : si l’on prend le cas de la vision, des neurones enregistrant les messages visuels transitent par le thalamus ; ils sont connectés à des neurones thalamico-corticaux (qui vont du thalamus jusqu’au cortex) ; une autre classe de neurones part également du thalamus, passe par le noyau réticulaire, et revient se brancher un peu plus loin sur les neurones thalamo-corticaux : cela forme donc une boucle, comme si, dans une course, le starter qui a tiré le coup de feu de départ courait par une voie détournée couper la route des coureurs qu’il a mis lui-même en mouvement. Ce neurone réticulaire est inhibiteur : il diminue l’activité du neurone thalamo-cortical. L’intensité de cette inhibition est variable, et, à un certain degré, fait basculer le cerveau d’un régime d’éveil vers un régime de sommeil. En effet, les messages visuels sont récupérés par le neurone réticulaire qui les réinjecte constamment en sens opposé de la marche normale dans le neurone thalamo-cortical : le starter empêche les coureurs d’aller plus loin et leur fait rebrousser chemin : le cortex ne reçoit plus aucun message visuel, et le cerveau peut dormir.
Nous voici clairement à la base de l’aspect “autistique” des comportements lunaires, qui tendent à ne prendre avis que de leurs perceptions intérieures, et à limiter les dépenses d’énergie liées aux réponses aux signaux extérieurs.
Cette forme d’inhibition pourrait jouer également à l’état de veille, lors de phénomènes d’induction négative : certains sens sont moins actifs lorsque d’autres font l’objet d’une attention très concentrée : les musiciens très concentrés sur les sons qu’ils produisent disent percevoir le monde visuel avec moins d’intensité, de façon floue (23).
On constate que la notion d’inhibition est d’un maniement délicat : elle est différemment applicable selon les échelles auxquelles on se place : un neurone ou un groupe de neurone peut être inhibé, au sein d’une majorité neuronale activée, et tout cela peut nous donner un comportement que, socialement, on va qualifié d’“inhibé”, parce que l’individu observé ne dépense pas beaucoup d’énergie. En fait, cette façon de juger les comportements relève d’une approche très grossière, et se limite aux rustaudes apparences de la motricité musculaire. De plus, moralement, le qualificatif d’“inhibé” comporte souvent un jugement de valeur péjoratif que l’on inflige aux calmes, aux timides, comme s’ils n’étaient pas vraiment en possession de tous leurs moyens “normaux”. Ce ne sont certes pas de telles appréciations qui vont les tirer de leur inertie !
Sur le plan astrologique, on vient de voir l’inhibition participer vigoureusement à deux processus planétaires dont les significations sont peu compatibles entre elles : Saturne et Lune.
On sait qu’elle contribue à définir la succession des signes du zodiaque réflexologique, et sous des espèces variées qui ont probablement à voir avec le rythme sur lequel elle se produit, les zones cérébrales affectées, et son rapport de force avec les excitations qui ont lieu en même temps. On vient de l’impliquer dans l’induction, et on sait qu’elle joue un rôle dans les phases saisonnières (égalitaire, paradoxale, ultra-paradoxale) qui jouent sur l’évolution du rapport entre l’excitation et l’inhibition. Aux astrologues de savoir utiliser avec pertinence une telle notion.
▶ (1) Jean-Pierre Nicola, La Condition Solaire, Éd. Traditionnelles, 1976, p. 47.
Richard Pellard, Manuel d’Astrologie Conditionaliste, Éd. Dervy-Livres, 1987, p. 79.
▶ (2) Jean Pailhous, Les fonctions d’organisation des conduites et des données, (Les conduites de l’Adulte), in Psychologie, volume publié sous la direction de Jean Piaget, Pierre Mounoud et Jean-Paul Bronckart, Encyclopédie de la Pléiade, Gallimard, 1987, page 904. Pailhous cite entre guillemets Inhelder et Piaget, De la Logique de l’Enfant à la Logique de l’Adolescent, Presses Universitaires de France, Paris, 1955, page 220.
▶ (3) Richard Pellard, Les significations planétaires, Ariana, 2002, page 160.
▶ (4) Olivier Houdé, Sylvain Moutier, Laure Zago, Nathalie Tzourio-Mazoyer, La correction des erreurs de raisonnement, in Pour la Science, n° 297, juillet 2002, pp. 48–55.
▶ (5) Cette nécessité des expériences et apprentissages pour voir se développer les contenus propres à chaque âge planétaire est bien développée par Richard Pellard, Les significations planétaires, Ariana, 2002, page 182.
▶ (6) Dans Condition de l’Image, recueilli dans L’Astrologie et le Vivant, éd. COMAC, 2002, pp. 149–150.
▶ (7) “C’est ainsi que l’on trouve, dans le sillon temporal inférieur, des neurones qui répondent de façon sélective à des formes géométriques élémentaires, des croix, des fourches, des arêtes, formant une sorte d’alphabet des formes élémentaires prêtes à être combinées en formes plus complexes” (Michel Imbert, Perception visuelle et conscience, in Pour la Science n° 302, décembre 2002, page 94)
▶ (8) Olivier Houdé, Les cheminements de la conscience chez l’enfant, in Pour la Science, n° 302, décembre 2002, page 81.
▶ (9) Lionel Naccache, Stanislas Dehaene, La perception subliminale : un aperçu sur l’inconscient, in Pour la Science n° 302, décembre 2002, page 99.
▶ (10) Lionel Naccache, article cité, pp. 101–102.
▶ (11) Axel Cleeremans, Arnaud Destrebecqz, Apprentissage et Conscience, in Pour la Science, n° 302, décembre 2002, page107.
▶ (12) Axel Cleeremans, article cité, page 109.
▶ (13) Jean-Pol Tassin, La neuropharmacologie de la conscience, in Pour la Science n° 302, décembre 2002, pp. 146–148.
▶ (14) Antonio Damasio, La conscience du temps, in Pour la Science n° 302, décembre 2002, page 113.
▶ (15) Michel Billiard, Un sommeil à durée variable, in Science et Vie Hors Série n° 220 : Le Sommeil, september 2002, page 6.
▶ (16) On sait avec quelle délicatesse il convient de manipuler la notion de finalité et toutes les perspectives téléologiques en biologie. On peut consulter à ce sujet Jean-Jacques Kupiec et Pierre Sonigo, Ni Dieu ni gène, éd. du Seuil, 2000 — Pierre Sonigo, Bâtir un nouveau cadre pour la mort cellulaire, in La Recherche, n° 359, décembre 2002, page 17 — Pierre Sonigo, Pour une biologie moléculaire darwinienne, in Médecine/Sciences, n° 10, volume 18, octobre 2002, pages 1038–1039.
▶ (17) Véronique Fabre, Patrice Bourgin, Appétit et Éveil : une même clé, in Science et Vie Hors Série n° 220 : Le Sommeil, september 2002, pp. 44–49.
▶ (18) Sommeil lent : stade III du sommeil : l’électroencéphalogramme du dormeur humain y révèle une onde appelée “fuseau” du sommeil, dont l’amplitude croît et décroît avec une fréquence de 15 à 18 cycles par seconde, avec mélange d’ondes “delta”, très lentes — 1 à 4 cycles par seconde —, de grande amplitude ; ces ondes delta prédominent lors du stade suivant, le stade IV du “sommeil profond”. Sommeil paradoxal : sommeil actif avec rêves riches et colorés, et mouvements rapides yeux sous les paupières fermées ; c’est un sommeil à ondes rapides et de faibles amplitudes, où se mêlent des ondes bêta, caractéristiques de l’éveil. (Jérôme Blanchart, Le sommeil par vagues, in Science et Vie Hors Série n° 220 : Le Sommeil, september 2002, p. 24.)
▶ (19) Patrice Fort, Les Neurones du sommeil lent, in Science et Vie Hors Série n° 220 : Le Sommeil, september 2002, pp. 50–55.
▶ (20) Jean-Pierre Nicola, Le Grand Livre de l’Astrologue, éd. Sand et Tchou, 1983, p. 44.
▶ (21) Jean-Louis Valatx, Les réseaux dormants et leurs agents, in Science et Vie Hors Série n° 220 : Le Sommeil, september 2002, pp. 66–69. Voir aussi La sieste pour la vue (non signé), in Pour la Science n° 297, juillet 2002, page 23 : renouvellement des tissus et restauration des capacités visuelles après une sieste.
▶ (22) Jean Delacour, Science et conscience, in Pour la Science, n° 302, décembre 2002, p. 30.
▶ (23) Le rideau du sommeil (non signé), in Pour la Science n° 301, novembre 2002, pp. 19–20.
Article paru dans le n° 19 du Fil d’ARIANA (avril 2003).
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