La nature des effets astrologiques est avant tout conjecturale, stochastique et chaotique. Il n’existe par conséquent pas de déterminisme astrologique mécanique dont une étude statistique pourrait montrer, et non démontrer, la probabilité ou l’improbabilité. Ce fait n’a pas empêché partisans et adversaires de l’astrologie de s’y livrer pour le meilleur (rarement) et le pire (presque toujours). Pourtant, des études statistiques sérieusement conduites pourraient mettre en relief et détecter quelques-uns des effets astrologiques les plus saillants et donc les plus visibles. Mais celles-ci n’ont encore jamais été réalisées, bien que tous les éléments soient réunis pour qu’elles puissent être faites. Pour des chercheurs audacieux, un vaste territoire inconnu reste donc à explorer, sachant qu’il se limiterait à la partie émergée de l’iceberg astrologique, dont environ 90 %, en filant cette glaciale métaphore, resteraient donc hors de portée de toute statistique…
“Les statistiques, faites par des pro- ou des anti-astrologues, sont consacrées à la vérification d’affirmations traditionnelles ou modernes. La matière est vaste, illimitée, et l’outil n’est pas toujours à la hauteur du problème. Si, de surcroît, l’utilisateur est novice ou mal intentionné - un rien d’a priorisme suffit - les résultats s’en ressentent immédiatement” (Jean-Pierre Nicola, astrologue-chercheur).
“De quelle manière la configuration du ciel au moment de la naissance détermine-t-elle le caractère ? Elle agit sur l’homme pendant sa vie comme les ficelles qu’un paysan noue au hasard autour des courges de son champ : les nœuds ne font pas pousser la courge, mais ils déterminent sa forme. De même le ciel : il ne donne pas à l’homme ses habitudes, son histoire, son bonheur, ses enfants, sa richesse, sa femme… mais il façonne sa condition” (Johannes Kepler, astrologue-astronome).
“Le gratifiant, c’est d’avoir une hypothèse de travail, de la contrôler expérimentalement, et qu’elle soit vraie” (Henri Laborit, chirurgien et neurobiologiste, qui s’est honteusement compromis avec Élizabeth Teissier pour d’inavouables raisons médiatiques sans pourtant être dupe, et sans être pro-astrologie pour autant… ni systématiquement contre non plus.
Voici ce qu’écrivait Michel Gauquelin dans son premier livre à propos de ses astro-statistiques : “Ces résultats représentent une enquête considérable dans le but de vérifier les règles astrologiques sur des groupes très étendus et très variés. Il faut bien se pénétrer de l’idée que ces résultats représentent une véritable démolition de l’astrologie […], car elle n’attaque pas un auteur quelconque, mais les bases les plus élémentaires de cette doctrine elle-même” (c’est lui qui souligne). Même si elle n’est pas dénuée d’un réel mais partiel fondement, il convient tout d’abord de mettre un sérieux bémol à cette affirmation péremptoire.
Il est absolument exact que les résultats de ses astro-statistiques ruinent la majeure partie des assertions contenues dans l’immense majorité des manuels d’astrologie classique ou “traditionnelle”, et en cela Gauquelin a raison. Mais il a tort quand il considère, sans le démontrer, que ces sources de données exposeraient les “bases les plus élémentaires de cette doctrine elle-même”. Ces ouvrages ont en effet en commun de ne proposer en réalité que des théories descriptives du fait astrologique qui s’originent partiellement dans la Tétrabible de Ptolémée datant du IIe siècle, ont été réélaborées entre les XVe et XVIIe siècles et n’ont pratiquement pas varié depuis. Ceci constitue une réalité historique et épistémologique incontestable.
Gauquelin n’a donc pas à travers ses statistiques ruiné les bases élémentaires du savoir astrologique en soi, lequel remonte à des millénaires avant la parution de la Tétrabible. Ce qu’il a effectivement invalidé, ce sont les assertions dogmatiques ou doctrinaires qui fondent la conception de l’astrologie dite “traditionnelle”, ce qui est très différent. À titre de comparaison, quel crédit pourrait-on accorder à un chercheur qui prétendrait invalider les théories et pratiques de la médecine moderne en ne se fondant que sur la critique des conceptions médicales d’Hippocrate ou de Galien ? Aucun. Or c’est précisément ce que Gauquelin a fait.
Cette importante précision ayant été faite, on pourrait immédiatement exposer quelles sont les assertions théorico-dogmatiques dites “traditionnelles” que Gauquelin a effectivement “démolies”, et lesquelles ont résisté aux assauts de son bulldozer statistique.
Mais ce serait faire l’impasse sur ce qu’il n’a pas testé, et qui est pourtant les deux incontestables piliers de l’astrologie “traditionnelle”, à savoir la doctrine des 4 Éléments et celle des Maîtrises planétaires qui lui est adossée. La première, tirée et adaptée de la vision du monde aristotélicienne, constitue le fondement théorique principal du savoir et la référence obligée de tous les écrits astrologiques depuis le XVIe siècle. La seconde, plus spécifiquement astrologique, prétend que chaque planète est associée à un ou deux Signes dont elle tire force ou faiblesse. Ces deux doctrines déterminent en majeure partie les influences et significations attribuées aux Signes comme aux planètes.
Pourquoi Gauquelin n’a-t-il pas commencé par tester ces doctrines ? Parce qu’il avait une vision naïve de la science, proche d’une irrationnelle croyance empiriste, qui lui faisait préférer ce qu’il considérait comme des “faits” aux théories, comme si lesdits “faits” n’étaient pas des réalités produites par des théories antérieures. Et en l’occurrence, les “faits” astrologiques qu’il entendait tester n’en n’étaient pas : ce n’étaient que des éléments d’un puzzle qu’il se refusait à considérer comme un ensemble organisé.
Cette aversion irraisonnable mais très compréhensible de Gauquelin pour les théories étant développée plus loin, inutile de s’y attarder, sinon pour signaler qu’elle l’a empêché de théoriser ses propres résultats, c’est-à-dire de les comprendre. On se contentera ici d’observer que s’il avait testé statistiquement la validité des doctrines des 4 Éléments et des Maîtrises planétaires sur les Signes, il aurait pu saper à la base les deux piliers théoriques de l’astrologie “traditionnelle”. Et de ces deux doctrines, l’une fondée sur la conception aristotélicienne du monde physique dont la fausseté a été constatée et démontrée, et l’autre sur un délire d’influence caractérisé, il ne fait pas de doute qu’une étude statistique aurait montré l’insignifiance. Et peut-être même cette démolition en règle de ces théories aurait-elle permis de voir émerger des “faits” statistiques imprévus et signifiants. Mais son quasi-infantile anti-théoricisme a fait passer Gauquelin à côté d’une implacable démonstration et de l’éventuelle découverte de nouveaux “faits”. Il aurait fait alors fait une œuvre utile qui aurait de plus significativement contribué au genre d’astro-gloire qu’il recherchait.
Cet anti-théoricisme a aussi été pour Michel Gauquelin un prétexte fallacieux mais commode pour lui éviter de tester d’autres hypothèses. Des hypothèses fondées sur des théories astrologiques contemporaines, elles aussi productrices de “faits”, dont il craignait que la mise en signifiance statistique ne fasse de l’ombre à son statut auto-proclamé de “cosmopsychologue” puis de “néo-astrologue”.
Le tableau récapitulatif ci-dessus montre par ailleurs que ces astro-statistiques n’ont pas systématiquement “démoli” toutes les bases de l’astrologie traditionnelle. La démolition est certes impressionnante mais pas totale, contrairement à ce qu’affirme Michel Gauquelin. Sur ce champ de ruines subsistent quand même 5 Planètes sur 10, les axes horizontal et méridien en tant que facteurs de valorisation Planétaire, la préséance du diurne sur le nocturne et le puzzle de “traits de caractère” attribués aux Planètes retenues par le tamis statistique. Du passé-passif astrologique il n’a donc pas fait table rase comme il le claironnait en 1955. C’est peut-être en ayant fini par en convenir qu’il déclara ceci en 1983 : “Mais aujourd’hui, je ne me permettrais pas de tirer des conclusions radicales, comme j’ai parfois fait par le passé. Je me contenterais d’être simplement satisfait d’avoir éclairé un peu ce vaste mystère qui a occupé tant de grands esprits au cours des siècles.”
Pour l’astrologie traditionnelle, il n’y a néanmoins pas de quoi pavoiser. Suitbert Ertel le récapitule ainsi : “Le lien entre Gauquelin et l’astrologie est généralement surestimé. Gauquelin a démoli la plupart des prétentions astrologiques, et le lien restant entre l’astrologie et les relations planétaires est faible. […] Les tailles d’effet sont bien trop petites pour être utiles, de sorte que la propagande des astrologues (selon laquelle les résultats de Gauquelin soutiendrait leurs idées) est trompeuse. Les sceptiques informés verront à juste titre les relations planétaires comme un hoquet intéressant, mais avec potentiel insuffisant pour justifier des recherches ultérieures. Néanmoins, les futurs historiens de la science pourront être reconnaissants pour cet exemple d’interaction active entre une anomalie apparemment inamovible et l’inarrêtable force de la science.”
Ceux des astrologues qui se rattachent au courant “traditionnel” ont accueilli de diverses manières ces résultats catastrophiques pour leurs croyances. La plupart n’en ont d’ailleurs eu qu’une connaissance très superficielle qu’ils n’ont généralement pas cherché à approfondir. Les moins bien informés et/ou les plus hallucinés ont pris les astro-statistiques Gauquelin pour une confirmation scientifique de leurs croyances. Il faut le faire… Le tableau ci-dessous vous donne un récapitulatif sommaire de la diversité de ces réactions. Remarquez que l’astrologie non-traditionnelle, c’est-à-dire contemporaine, conditionaliste et naturelle, n’est en rien remise en question ni même directement concernée par les résultats de ces statistiques qui n’ont testé ni ses théories ni ses pratiques.
Néant. Quelque soit l’échantillon professionnel testé, aucun écart significatif à la moyenne théorique n’a pu être constaté, que ce soit pour les Signes solaires, Ascendants ou au Milieu-du-Ciel, et ce sont les seules hypothèses qui ont été testées. Les Gauquelin ont aussi testé les Signes en se basant sur les assertions les plus absolues les concernant, qu’ils ont évidemment glanées exclusivement dans la littérature astro-symboliste. Ils ont donc entre autres pris comme source de données un listing de généraux de l’Empire napoléonien pour vérifier si par hasard il n’y aurait pas une sur-fréquence des naissances sous le Signe du Bélier, étant donné que ce Signe passe pour être agressif, donc favorable aux carrières militaires, surtout chez les hauts gradés et à ce titre “connus”. Les correctifs démographiques ayant été faits, les Gauquelin se sont aperçu que les généraux d’Empire - et les autres aussi - n’étaient ni plus ni moins Bélier que la moyenne.
Émile Zola, avec un amas de planètes en Bélier et pour autant pas du tout général, constitue un excellent et suffisant contre-exemple, qui écrivait dans J’accuse : “On nous parle de l’honneur de l’armée, on veut que nous l’aimions, la respections. Ah ! certes, oui, l’armée qui se lèverait à la première menace, qui défendrait la terre française, elle est tout le peuple, et nous n’avons pour elle que tendresse et respect. Mais il ne s’agit pas d’elle, dont nous voulons justement la dignité, dans notre besoin de justice. Il s’agit du sabre, le maître qu’on nous donnera demain peut-être. Et baiser dévotement la poignée du sabre, le dieu, non !” Il va sans dire que les Gauquelin ont testé les onze autres Signes avec la même méthode uniquement basée sur la profession, et que leurs statistiques ont donné des résultats entièrement négatifs pour le zodiaque, dont ils ont par conséquent décrété qu’il n’avait aucune influence… contrairement à celle de leurs méthodes sur leurs résultats en ce qui concerne les Signes.
Les Gauquelin ont eu l’idée de faire un autre test zodiacal : il s’est agi d’évaluer si les individus présentant des “traits de caractère” Bélier, lesquels étaient extraits des fréquences lexicales concernant l’agressivité dans leurs biographies, étaient effectivement nées plus fréquemment que d’autres sous ce Signe. Et bien, pas du tout : ils préféraient naître (entre autre) sous des fréquences du Cancer sensiblement supérieures à la moyenne théorique ! Les Gauquelin ont procédé de même avec les Ascendants Bélier. Rien. Idem pour les 11 autres Signes. Nulle part ils ne mentionnent s’ils ont étudié les cas d’individus présentant des amas de planètes en Bélier tout en étant nés sous un autre Signe solaire et Ascendant, ni même quelle était par exemple l’influence de Mars (Planète elle aussi affublée du “trait de caractère” “agressif”) dans les populations qui avaient des “traits de caractère” Bélier mais qui étaient nées avec un Soleil en Cancer. Voilà ce qui arrive quand on pratique de l’astro-statistique “à la découpe”. Françoise Gauquelin de son côté a eu, elle toute seule, l’idée saugrenue de tester la validité de la doctrine des Maîtrises planétaires, ce qui est complètement loufoque étant donné l’inanité de celle-ci. Bilan négatif. Elle en a conclu que celle-ci était fausse. Il suffisait pourtant d’un peu de réflexion pour le faire, sans l’aide d’aucune statistique.
La méthode et les hypothèses sur lesquels se sont fondés les Gauquelin montrent qu’ils n’ont strictement rien compris à la réalité du zodiaque. En effet, ils ont procédé comme si le zodiaque avait une réalité totalement indépendante de celle des Planètes. Or un Signe n’existe pas en soi : il n’est qu’une phase caractéristique des déclinaisons des Planètes sur ou à proximité de l’écliptique autour de l’équateur terrestre, ces déclinaisons induisant le cycle de variations de présence diurne ou d’absence nocturne par rapport au plan de l’horizon, dont les effets varient selon les latitudes géographiques. En d’autres termes, un Signe n’est qu’une fréquence géocentrique d’une planète et il se caractérise par sa déclinaison et son rapport des durées diurnes/nocturnes.
Cette définition précise de la réalité zodiacale signifie que les effets d’un Signe ne peuvent être appréhendés sans faire référence à la Planète dont ce Signe est une phase du parcours. On ne peut donc tester statistiquement les effets des Signes qu’en testant en même temps les effets des Planètes. Et pour ce faire, il faut d’abord tester les effets planétaires selon la méthode indiquée dans la section suivante. On peut ainsi dans un premier temps déterminer les effets hypothétiques d’un ensemble de Planètes situées dans les secteurs-clés “angulaires” sans prendre en compte les Signes concernés par les Thèmes natals de la cohorte statistique ainsi étudiée. Cela ayant été fait, on peut dans un deuxième temps intégrer les facteurs zodiacaux à cette étude, en comparant les résultats obtenus par deux cohortes différentes composées d’individus ayant les mêmes dominantes planétaires mais des dominantes zodiacales différentes. Cette comparaison permettrait de mettre en évidence ce qui revient en propre aux Signes. Toute autre méthode ne peut qu’être vouée à l’échec en raison de son inadéquation à l’objet à tester.
Il est probable que le seul critère de la réussite professionnelle dans quelque domaine que ce soit ne produira aucun résultat positif ou négatif. En associant Planètes et Signes, ce qui est la seule voie réaliste d’évaluer les effets des Signes, on entre dans une zone de subtilité auxquelles des statistiques classiques ne peuvent avoir accès. Seules des hypothèses fondées sur des tests de “traits de caractère” très logiques mais aussi extrêmement sophistiqués pourraient être susceptibles de confirmer ou infirmer les effets spécifiques des Signes par un traitement statistique approprié.
Comme le disait très justement Jean-Pierre Nicola, Michel Gauquelin “n’a pas testé des hypothèses du genre conditionaliste ou autre. Il s’est spécialisé dans le contrôle d’assertions absolues pour en montrer l’inanité.” En ce qui concerne le zodiaque, il a parfaitement réussi.
En résumé, il aurait été étonnant que les Gauquelin valident l’influence des Signes du zodiaque en se basant sur de telles hypothèses qui reprennent au pied de la lettre les assertions astro-symbolistes les plus catégoriques et les plus caricaturales en isolant à chaque fois un Signe particulier. Ils auraient obtenu de tous autres résultats s’ils avaient mené des études globales sur la prévalence, par exemple, des Signes d’excitation sur les Signes d’inhibition raccordée à telles ou telles dominantes planétaires. Mais pour y parvenir, il aurait fallu qu’ils envisagent le Thème natal comme un tout, bref qu’ils soient astrologues conditionalistes… ce qu’ils n’ont jamais été.
Les astro-statistiques gauqueliniennes n’ont permis de valider que l’influence de 5 Planètes (Lune, Vénus, Mars, Jupiter & Saturne) sur les 10 que prend en compte l’astrologie. Les anti-astrologues ont trouvé que c’était trop ; les astro-symbolistes, pas assez. De toute façon, c’étaient comme pour le zodiaque des statistiques “à la découpe” qui isolaient à chaque une fois une Planète pour étudier la fréquence de ses positions dans les secteurs de la sphère locale en rapport avec une profession ou avec la méthode des “traits de caractère”.
Or le cas d’une telle Planète isolée n’existe pas dans la réalité. Elle appartient toujours à un ensemble (celui des astres du système solaire considérés comme efficients par l’astrologie) ou à un sous-ensemble (par exemple celui des Planètes dites “angulaires” situées dans les “secteurs-clés” de leur lever, leur coucher, leur culmination supérieure et inférieure).
Admettons qu’une étude statistique ne porte que sur ce sous-ensemble des Planètes angulaires. Dans ce cas de figure, un fait astronomique est statistiquement incontestable : il est très peu fréquent qu’une seule Planète soit angulaire. Du fait de la moyenne astronomique de répartition planétaire, variable selon les jours, les mois, les années et les siècles, la probabilité est beaucoup plus grande que deux ou plusieurs Planètes se situent dans ces secteurs-clés. Dans cette perspective, ce qui doit faire l’objet de cette étude statistique, ce sont toutes les cartes du ciel natales comportant le même nombre de Planètes et les mêmes Planètes dans les mêmes secteurs-clés, et non une seule Planète prise isolément.